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CHAPITRE I. INTRODUCTION GENERALE

I. 7.1.1.4. Zoochorie

I.10. Problématique, questions et objectifs de recherche

I.10.1. Questions spécifiques de recherche

L’analyse de la structure spatiale des espèces au sein d’une communauté peut être utilisée pour détecter l’arrangement spatial d’individus et générer des questions et/ou des hypothèses sur les processus influençant cette structure (He et al., 1997 ; Liebhold et al., 2002 ; Fajardo et al., 2006). En effet, une fois qu’un modèle de structure spatiale est identifié pour une communauté d’espèces, l’écologue peut proposer et tester des hypothèses sous-jacentes pouvant expliquer les processus écologiques qui concourent à la compréhension de ce modèle.

Pour atteindre l’objectif global de cette étude, les questions et les hypothèses spécifiques suivantes ont été formulées.

Question 1. Quel est le modèle de répartition spatiale pour les espèces les plus abondantes de la Réserve Forestière de Yoko (RFY)? Quels facteurs ou processus écologiques peut-on proposer pour expliquer les structures spatiales observées?

Les espèces les plus abondantes constituent « l’ossature » de la forêt et sont représentatives de sa structure. Elles maintiennent la stabilité de l’écosystème et constituent souvent l’essentiel de la biomasse de la forêt. Ces caractéristiques font de la forêt de Yoko une cible de choix

25 pour une étude préalable pouvant amener ultérieurement à une modélisation de la dynamique forestière basée sur quelques espèces caractéristiques. De nombreux auteurs ont avancé la prédominance d’une structure agrégée pour la majorité des espèces arborescentes de forêts tropicales (Hubbell, 1979 ; Condit et al., 2000 ; Chao et al., 2007 ; Lin et al., 2009). Sur la base de la dispersion limitée, généralement avancée pour les espèces de forêts tropicales (Condit et al., 2012), la distribution agrégée devrait être attendue (Hypothèse 1). La position des individus dépend du mode de dissémination des graines de l'espèce (Collinet, 1997 ; Batista & Maguire, 1998 ; Nathan & Muller-Landau, 2000 ; Austin, 2002 ; Jesel, 2005). Le modèle agrégé étant une structure représentant la disposition des individus dans l’espace où la probabilité de rencontrer un individu à proximité d’un autre individu est élevée, suppose des faibles distances entre des individus de la même espèce. Ceci suggère qu’il y a un lien fort entre la structure agrégée et le mode de dispersion de l’espèce. En revanche, la réponse différenciée des espèces face à l’hétérogénéité environnementale (sol, topographie, …) reste aussi possible, celle-ci pourrait en partie être impliquée dans l’agrégation des espèces observée à l’échelle locale de la RFY (Sous-hypothèse 1.1). Par ailleurs, en se basant sur le fait que les formations végétales actuelles des forêts denses d’Afrique centrale ont très vraisemblablement évolué en réponse à des perturbations anthropiques ou naturelles (changements climatiques), comme celles survenues il y a environ 2500 ans (Gillet, 2013), nous pouvons suggérer que la configuration spatiale observée actuellement pourrait être en partie la conséquence d’interventions passées de l’homme dans la forêt étudiée, ou encore des évènements naturels survenus dans les forêts d’Afrique centrale (Svensson et al., 2012) (Sous-hypothèse 1.2).

Question 2. Le changement de l’échelle spatiale ou encore de l’étendue de la zone d’étude lors de l’analyse, peut-il modifier la structure spatiale du peuplement ?

Les individus d’une population d’une même espèce peuvent avoir une structure agrégée ou régulière, ou encore être répartis de façon aléatoire dans l’espace, mais ces tendances peuvent varier avec l’échelle spatiale d’analyse (Levine & Murrell, 2003). Selon Dale (1999) et Goreaud (2000), l'échelle d'observation est un facteur clé pour l'analyse de la structure spatiale d'un peuplement étant donné qu’elle correspond à la surface sur laquelle les données sont récoltées. La notion d'hétérogénéité spatiale est aussi fortement liée à l'échelle d'observation. Outre les connaissances forestières ou écologiques sur le peuplement, la perception intuitive de l'hétérogénéité en dépend. En effet, suivant l'échelle d'observation ou la distance d’analyse considérée, un même peuplement peut paraître homogène ou hétérogène

26 (He & Duncan, 2000). Dans cette optique, la structure spatiale observée devrait être fonction de l’échelle ou de la distance d’analyse (Hypothèse 2), et par conséquent, l’étendue de la parcelle d’étude considérée pour l’analyse pourrait influencer les résultats.

Question 3. Il existe plusieurs méthodes pour analyser la structure spatiale des espèces. Les méthodes qui analysent à l’échelle unique et celles qui font une analyse multi-échelles. Laquelle de ces méthodes est la plus adaptée et permet de mieux interpréter la structure spatiale des espèces ?

Les processus écologiques engendrent des structurations spatiales qui peuvent être examinées au moyen de l’analyse statistique spatiale (Kikvidze et al., 2005 ; Stoll et al., 2005). Il existe de nombreuses techniques pour caractériser la structure spatiale des espèces (Stoyan et al., 1997 ; Ripley, 1981 ; Diggle, 1983 ; Illian et al., 2008). Ces techniques diffèrent suivant leur mise en œuvre sur le terrain et leurs applications ou contraintes statistiques. De ce fait, il est permis de se demander si la structure spatiale varie en fonction de la méthode utilisée (Hypothèse 3).

Question 4. Dans un patron d’agrégation constitué d’individus dont la structure de la population est exprimée en classes de diamètre, comment les individus se répartissent-ils en fonction de chaque classe? Peut-on observer un changement de structure spatiale lorsque le diamètre des individus pris en compte varie ?

Lorsqu’on a identifié un patron d’agrégation d’une espèce, constitué d’individus de tailles différentes, allant des plus petits aux plus gros diamètres, ces individus pourraient présenter des structures différentes, s’ils sont analysés séparément suivant leurs classes de diamètre. Lorsque le patron de distribution pour une espèce est étudié pour plusieurs tailles d’individus, il apparaît que la structure change lorsque la taille des individus pris en compte augmente (Traissac, 2003). Ceci suggère que la structure spatiale peut changer avec le diamètre, et que l’agrégation devrait être faible pour les diamètres les plus élevés (Hypothèse 4). Si par ailleurs, nous considérons la compétition entre les individus ainsi que les effets d’espacement prédits par Janzen-Connell, une structure régulière pourrait être attendue pour les individus de grands diamètres, les plus petits devant être plus regroupés.

27 Question 5. Quels types de relations spatiales pourrait-on observer entre les espèces les plus abondantes et agrégées dans la RFY, si nous catégorisons les individus selon différents stades de cycle de vie, à savoir les juvéniles, les immatures et les adultes. La répartition des juvéniles dépend-elle de celle des adultes parents ? Comment se comportent les immatures par rapport aux adultes ? Quels mécanismes pourrait-on avancer pour expliquer soit l’association soit l’indépendance entre les espèces ?

Des interactions multiples entre des arbres conduisent à des relations inter et/ou intraspécifiques dans l’écosystème forestier. Elles peuvent aboutir à des dépendances spatiales (association positive ou négative) entre les arbres. Ces derniers interagissent différemment suivant leur stade de développement (Dale, 1999). En effet, sous l’hypothèse de perturbation intermédiaire qui fait référence à la théorie de la niche écologique, la coexistence et/ou des interactions positives devraient être attendues pour les espèces les plus abondantes de la RFY (Hypothèse 5). Cela, pour un écosystème soumis à des perturbations d’intensité ou de fréquence moyennes (Cordonnier, 2004 ; Olofsson et al., 2008 ; Svensson et al., 2012). Par ailleurs, les traits ou les stratégies de l’histoire de vie des espèces pourraient expliquer l’association des espèces suite au stress édaphique subi par les végétaux dans les forêts tropicales d’Afrique centrale (Grime et al., 1988 ; Coomes & Grubb, 2000). En revanche, la compétition entre les espèces pour le besoin de l’espace soit en nutriments dans le sol ou encore des différences en termes d’utilisation des ressources, de mécanismes de dispersion et de germination, et/ou des stratégies de reproduction peuvent justifier des interactions négatives entre les espèces (Bazzaz, 1990 ; Zhu et al., 2013) (Hypothèse 6).