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CHAPITRE II. MILIEU D’ETUDE ET APPROCHES METHODOLOGIQUES

II.2. PRESENTATION DES ESPECES ETUDIEES ET DE LEUR ECOLOGIE

Trois espèces arborescentes ont fait l’objet de ce travail. Il s’agit notamment de Gilbertiodendron dewevrei (De Wild) J. Léonard, Scorodophloeus zenkeri Harms et Uapaca guineensis Mull. Arg. Elles se sont avérées plus abondantes à la suite d’un inventaire forestier dans le site d’étude (cf. point III.1. ; Fig. III.2 et Tab. III.2), et ont donc été retenues pour l’analyse de leur structure spatiale. Ces espèces sont considérées comme les espèces clés du site car elles structurent le peuplement et dominent dans chaque classe de diamètre. Notons que dans divers endroits de la Réserve, on peut trouver des peuplements à Gilbertiodendron dewevrei, à Scorodophloeus zenkeri et à Uapaca guineensis où ces espèces sont largement dominantes. Le fait qu’un groupement homogène d’arbres d’une même espèce occupe naturellement une superficie importante (de quelques dizaine d’ares à plusieurs hectares), a amené les écologues à en chercher les raisons en s’intéressant notamment à l’autoécologie de l’espèce et à la structure spatiale des arbres qui constituent le peuplement. Dans le réseau des relations intra- et interspécifiques, la perte d’une espèce dite structurante peut provoquer des changements importants de l’hétérogénéité du milieu et de sa biodiversité (Leveque & Mounolou, 2008 ; Hakizimana, 2012). La connaissance de la structure spatiale des espèces dominantes s’avère donc importante car la survie des espèces accompagnatrices pourrait en dépendre. L’analyse de toutes les espèces présentes dans la zone d’étude exige beaucoup de temps de travail de terrain et une main d’œuvre importante pour la récolte des données. Ainsi dans le cadre de cette thèse, nous nous sommes limités aux espèces les plus abondantes et structurantes de la RFY. Nous décrivons ici les principales caractéristiques botaniques et liées à l’habitat des trois espèces dominantes de notre dispositif.

45 II.2.1. Gilbertiodendron dewevrei (De Wild.) J. Léonard

Nom vernaculaire : Limbali

Famille : Fabaceae (sous-famille: Caesalpinioideae)

D’Afrique tropicale, Gilbertiodendron dewevrei se retrouve en République Démocratique du Congo, en République du Congo, en République Centre Africaine, au Nigeria, au Gabon, au Cameroun, en Côte d’Ivoire, au Liberia et en Sierra Leone. Le genre Gilbertiodendron comprend environ 25 espèces limitées à l’Afrique tropicale, et l’espèce Gilbertiodendron dewevrei est parfois confondue avec : G. brachystegioides (Harms) J. Léonard, G. ogoouense (Pellegr.) J. Léonard, G. preussii (Harms) J. Léonard, G. mayombense (Pellegr.) J. Léonard et toutes les espèces ayant l’appellation de « limbali » (Lemmens et al., 2012). Arbre pouvant atteindre plus de 30 m de haut, ses fruits à grandes graines sont des gousses obliques, plates, allant de 15-30 cm, de couleur brunâtre. Son écorce est gris brun-clair, écailleuse. Son pied est cylindrique, un peu côtelé. Ses feuilles sont composées paripennées, à stipules longues et persistantes, à 3 paires de grandes folioles pendantes de 9 à 30 cm de long et à jeunes feuilles rougeâtres, à appendices uniformes. Ses fleurs sont assez grandes, rouge pourpre de 3 à 4 cm de long, réunies en panicules. Son bois est brun foncé à reflets rougeâtres. La dispersion des graines est balistique ; elles sont éjectées hors du fruit lors de son ouverture explosive (Letouzey, 1982).

G. dewevrei est une espèce de forêt dense humide sempervirente. Elle est une essence de forêt primaire sur terre ferme à proximité des cours d’eau mais aussi ripicole ou de forêt marécageuse, de bas-fonds humides, à tempérament grégaire pouvant former des bouquets soit des peuplements presque purs ou homogènes (Lebrun & Gilbert, 1954). On la retrouve au-dessus de 1000 m d’altitude dans des zones où la pluviométrie annuelle moyenne est de l’ordre de 1600 à 1900 mm et où la saison sèche dure deux mois environ. Elle pousse de façon grégaire dans les dépressions humides, les vallées alluviales et le long des rivières, mais fréquemment aussi en altitude (plateaux, sommets des collines). Sur sols sablonneux profonds et bien drainés, elle développe une racine profonde. G. dewevrei peut constituer d’immenses peuplements purs qui couvrent parfois plus de 10.000 ha. Dans ces forêts monodominantes, cette espèce représente 75 à 88% de la surface terrière (Gerard, 1960 ; Hart, 1994 ; Makana et al., 2004).

Les peuplements les plus étendus se retrouvent en RD Congo plus précisément au nord et au nord-est, aux endroits où ces forêts sont considérées comme la végétation climacique. Dans

46 certaines régions, la forêt monodominante à G. dewevrei semble gagner du terrain sur les forêts hétérogènes. Ailleurs, comme au Cameroun, elle semble reculer, car elle est peu à peu envahie par des espèces provenant de la forêt semi-décidue environnante, soit sous l’influence du recul de la nappe phréatique, soit sous l’effet des activités humaines. Les forêts monodominantes à G. dewevrei sont très sensibles aux défrichages effectués dans le cadre de la culture itinérante qui permet la pénétration dans la forêt d’espèces secondaires et caducifoliées. Si les défrichements sont trop importants et très fréquents, les forêts monodominantes pourraient se transformer en forêts décidues ou en savanes dégradées (Lemmens et al., 2012). Près des limites nord et sud de son aire de répartition, G. dewevrei ne forme pas de peuplements aussi étendus que dans la partie nord du Bassin du Congo, mais persiste au bord des rivières. Lorsqu’elle est présente dans la forêt hétérogène, on ne trouve jamais des sujets isolés mais toujours des groupes d’arbres.

Quant à sa croissance et son développement, la germination est rapide et se produit normalement suivant la dissémination des graines. G. dewevrei réalise le mast fruiting et produit une grande quantité de graines (Torti et al., 2001 ; Peh et al., 2011). La régénération est abondante à l’ombre, les semis tolérant un ombrage dense pendant longtemps. Les racines sont colonisées par des ectomycorhizes et par des endomycorhizes vésiculaires arbusculaires. La colonisation rapide des racines par les ectomycorhizes procure un avantage aux jeunes plantes par rapport aux espèces qui ne sont pas colonisées ou qui le sont lentement. En peuplements denses non perturbés, les racines ne forment pas de nodules avec Rhizobium, alors que l’on peut trouver des nodules racinaires en forêt perturbée (Lemmens et al., 2012). Le mast fruiting et les ectomycorhizes sont reconnus parmi les mécanismes potentiels proposés pour expliquer la monodominance de G. dewevrei en Afrique centrale (Peh et al., 2014).

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Figure II.8. Gilbertiodendron dewevrei - 1. Feuille 2. Partie de ramille en fleurs 3.Fruit 4. Graine

(Source : Letouzey, 1982).

II.2.2. Scorodophloeus zenkeri Harms Nom vernaculaire: Divida

Famille: Fabaceae (sous-famille: Caesalpinioideae)

Appelé arbre à ail, l’espèce se rencontre en milieu forestier. Elle est présente en Afrique Tropicale et se retrouve en RD Congo, en République du Congo, au Gabon et Cameroun. C’est une plante dont l’écorce, le bois et les fruits ont une odeur d’ail. Atteignant 25 à 40 m de haut, l’espèce a un fût droit et cylindrique pouvant aller jusqu’à 1,2 m de diamètre. Son pied est cylindrique, s’épaississant et se cannelant avec l’âge (Tailfer, 1989). Son écorce de 0,6 à 1,4 cm d’épaisseur, est gris-crème, rugueuse, d’apparence lisse, se desquamant par endroits en petites écailles minces. Son entaille jaune ocre, foncé, dégage une forte odeur d’oignon ou d’ail. Son bois est jaune pâle, à odeur alliacée très prononcée surtout après la pluie (Aubreville, 1968). Ses fleurs sont petites, blanches, en racèmes (Letouzey, 1982). Son habitat est la forêt primaire mixte semi-décidue. Cet arbre commun et parfois grégaire, caractéristique des forêts hétérogènes de terre ferme, pousse bien sur des sols légers et moins bien sur des sols hydromorphes (Eyog Matig et al., 2006). Dans le Bassin du Congo, l’espèce est généralement trouvée sur des plateaux sablonneux (Vande weghe, 2004). Du point de vue tempérament, l’espèce est tolérante à l’ombrage (Vancutsem et al., 2006). Les racines sont endomycorhyzées (Onguene, 1996).

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Figure II.9. Scorodophloeus zenkeri – 1. Base du fût 2. Rameau en fleurs 3. Fleur 4. Fruit (Source :

Letouzey, 1982).

II.2.3. Uapaca guineensis Mull. Arg. Nom vernaculaire: Rikio

Famille: Euphorbiaceae

Arbre dioïque sempervirent, de taille petite à moyenne, atteignant 30 m de haut ; fût dépourvu de branches jusqu’à 15 m, droit ou irrégulier, légèrement anguleux ou cannelé, atteignant 1 m de diamètre, sur des racines échasses arrondies atteignant 4 m de haut ; surface de l’écorce craquelée ou écailleuse, brun foncé à noirâtre, écorce interne granuleuse, cassante, rouge, avec un peu d’exsudat transparent ou rouge. Cette espèce se rencontre du Sénégal jusqu’en Centrafrique et vers le sud jusqu’en RD Congo et en Tanzanie. Elle est probablement présente en Ouganda. Elle est aussi répandue au Cameroun, mais son aire réelle est mal connue parce qu’elle est souvent confondue avec d’autres espèces (U. togoensis, U. heudelottii, …) (Letouzey, 1982 ; Eyog Matig et al., 2006).

Les fruits sont consommés par des oiseaux et par les chauves-souris frugivores, les singes, les chimpanzés, les gorilles et les éléphants qui peuvent tous disséminer les graines. L’espèce réalise le « mast fruiting » et la phénologie de la fructification est asynchrone avec des fruits potentiellement disponibles chaque mois de l’année (Petre et al., 2015). Les graines d’Uapaca spp étaient trouvées en grande quantité dans la plupart des fèces de gorilles dans une forêt mixte semi-décidue, à la périphérie nord de la Réserve de biosphère du Dja, au sud-est du Cameroun. Cela était observé entre novembre et mars de 2009 à 2012, période qui a

49 correspondu au masting d’Uapaca spp. (Petre et al., 2015). L’arbre pousse en symbiose avec plusieurs champignons ectomycorhiziens et arbusculaires (Sanon et al., 2009 ; Bâ et al., 2011). Cette espèce est disséminée dans les formations primaires de type équatorial humide, mais elle est beaucoup plus abondante sur les anciens défrichements abandonnés. C’est une essence de lumière (héliophile), typiquement un arbre de l’étage dominant des vieilles forêts secondaires (Lubini & Mandango, 1981).

Fréquente sur les terres fermes, elle représente le terme final de l’évolution des forêts secondaires, mais elle est également parfaitement adaptée aux substrats continuellement gorgés d'eau.Par endroits, cette espèce domine seule la strate. Uapaca guineensis est présente dans les endroits humides des forêts pluviales et sur les berges des rivières, où elle forme parfois des peuplements purs. Elle est caractéristique des forêts denses humides sempervirentes et sur terrains marécageux. Elle est également présente dans les forêts sempervirentes mixtes et en lisière de forêt, dans les savanes arbustives sur des pentes escarpées, depuis le niveau de la mer jusqu’à 1100 m d’altitude (Lemmens et al., 2012). On la trouve en général dans les endroits très humides mais aussi en terrain sec où elle constitue parfois des peuplements assez denses (Eyog Matig et al., 2006).

Figure II.10. Uapaca guineensis – 1. Base du fût (racines échasses) 2. Rameau avec fleurs mâles 3.

Fruit 4. Noyau du fruit. (Source : Letouzey, 1982).

Le tableau II.1 résume des caractéristiques écologiques importantes pour l’interprétation des résultats de notre étude.

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Tableau II.1. Caractéristiques écologiques des trois espèces étudiées : TD, type de diaspores ; DP,

Distribution phytogéographique ; CGC, Centro-Guinéo-Congolaise ; GC, Guinéo Congolaise ; ECM, Associations ectomycorhiziennes ; MAV, Association mycorhiziennes à arbuscules et vésicules (endomycorhiziennes).

Notons que G. dewevrei et S. zenkeri sont des Fabaceae Caesalpinioideae et tolérantes à l’ombrage (sciaphiles). U. guineensis est une Euphorbiaceae de tempérament à tendance héliophile. G. dewevrei et U. guineensis connaissent toutes deux le phénomène « mast fruiting ». Leurs racines sont en association avec les champignons ectomycorhiziens (ECM). Les deux espèces se développent tant mieux sur terre ferme comme sur sols hydromorphes. Elles sont trouvées dans les bas-fonds, sur les pentes mais aussi sur les plateaux sablonneux. Par contre S. zenkeri est rencontrée que sur les plateaux sablonneux de forêts mixtes de terre ferme. Cette espèce domine le bloc sud de la RFY. En général, les arbres à ECM sont reconnus de dominer la strate arborée des forêts à Caesalpinioideae en Afrique centrale (Bâ et al., 2011 ; Peh et al., 2011). Comparativement aux deux autres espèces, les connaissances sur l’autoécologie de S. zenkeri sont très limitées. De la sous-famille des Caesalpinioideae et sciaphile comme G. dewevrei, ses racines pourraient être en association avec les ectomycorhizes. Elle pourrait de même connaître le masting, mais les recherches sur l’espèce sont peu documentées.

II.3. APPROCHES METHODOLOGIQUES