CHAPITRE 4 : RÉSULTATS ET DISCUSSION
4.5 Connaissances et suggestions des entraineurs
4.5.4 Questions pour la création d’un environnement inclusif
Quatre entraineurs ont répondu avoir des questions pour l’intervention auprès d’athlètes dans l’optique de créer un environnement sportif inclusif. Pour débuter, une entraineure se demande de quelles façons elle pourrait faire une intervention en début d’année pour montrer que le personnel d’entraineurs est ouvert et présent pour les athlètes en cas de besoin. De quelles manières peut-on procéder pour que le message passe bien chez les athlètes? Également, elle se questionne quant à l’étendue de son rôle comme entraineure dans l’intervention auprès d’individus LGBT ou face à une personne qui est complètement fermée devant cette facette de l’identité de quelqu’un, ce qui la rend déviante. En effet, elle aimerait savoir jusqu’où est-il possible d’aller avec les athlètes et à quel moment est-ce que ça ne fait plus partie de son travail et qu’elle doit, par
69 conséquent, déléguer les tâches à quelqu’un d’autre. Aussi, elle se questionne quant à la façon de gérer, au sein d’une équipe, des athlètes transgenres ou transsexuels qui ont amorcé un changement de sexe. Des questions telles que : « Dans quels vestiaires vont-ils? », « Comment voir à leur sécurité en tout temps? », etc. sont soulevées.
Des besoins ont aussi été exprimés par d’autres entraineurs comme celui de posséder une trousse d’information quant à l’orientation sexuelle en sport et de recevoir des « mises à jour » annuellement en guise de suivi. Puis, il y avait également le besoin de comprendre ce qui explique l’existence de l’homophobie en société, pourquoi la situation est ainsi et quelles sont les origines des comportements homophobes de sorte qu’il soit possible de savoir comment agir en sport.
Finalement, un entraineur (Julien) a partagé qu’il ne croit pas qu’il soit nécessaire d’intervenir pour que l’environnement sportif soit inclusif et dit ne pas avoir de questions. Il a dit, en parlant de lui et de ses entraineurs adjoints, que : « On essaie le plus possible de faire attention ou plutôt de se comporter comme des gens sensés et éduqués jusqu’à un certain point ». C’est certain, selon lui, qu’avec 15 jeunes adultes qui proviennent de différents milieux, il y en a qui font plus attention que d’autres à leur comportement, ce qui a un impact sur l’environnement. Il ajoute finalement que c’est toujours une question de choix et qu’il y aurait plusieurs autres aspects de l’entrainement qui passeraient avant l’encadrement d’athlètes LGBT à ses yeux. Bref, nous faisons face à des opinions polarisées et la création d’un environnement inclusif ne préoccupe assurément pas tous les entraineurs. Par contre, d’autres ont plutôt soif de connaissances.
Quant à la littérature sur le sujet, selon le Department of Education 2000, Anti-Discrimination and Anti- Harassment Policy de Tasmanie cité dans Ollis et al., (2009), les milieux qui ont du succès dans la lutte à la discrimination et au harcèlement sont susceptibles d’avoir créé un environnement inclusif et de soutien. Des études montrent qu’il est possible de partager l’espace de façon plus harmonieuse. Dans la recherche de White, Oswalt, Wyatt, et Peterson (2006), les participants hétérosexuels de l’étude perçoivent plusieurs avantages à côtoyer des athlètes LGBT. Il est capital que les entraineurs prennent conscience de l’ampleur du rôle qui leur est confié pour le bien de tous les participants, en ajout au fait que plusieurs intervenants croient à tort qu’ils créent un environnement sécuritaire en ne confrontant jamais ou rarement les comportements homophobes. Notamment, selon Morrow et Gill (2003) il y a une différence dramatique entre les perceptions que les intervenants ont du climat et celles des apprenants, ce qui veut dire que les intervenants échouent dans ce domaine, car ce qu’ils croient faire ne porte pas fruit. Nous faisons face, selon les auteurs, à une question critique de pratique professionnelle.
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CONCLUSION
En guise de conclusion, le milieu sportif est un lieu qui permet l’entretien de stéréotypes du genre ainsi qu’une perception de la masculinité et de la féminité qui y est déformée. Il y a présence de préjugés, de discrimination et de crainte des individus LGBT. Ce phénomène d’homophobie provoque des comportements d’adaptation de la part des gens qui ont une orientation sexuelle non traditionnelle face à une menace réelle perçue (stratégie pour cacher son orientation sexuelle, retrait du milieu sportif, adoption d’une attitude sexiste et homophobe pour détourner les soupçons, etc.). Ces actions rendent possible le maintien de la norme hétéronormative assumant que tous les participants sont hétérosexuels ou paraissent l’être.
L’objectif du présent projet de recherche de type qualitatif était d’identifier et de décrire les besoins et les craintes des entraineurs pour l’encadrement d’athlètes qui ont une sexualité non traditionnelle. Bien que cette étude fût exploratoire, les résultats nous offrent des pistes pour la formation des entraîneurs à ne pas négliger pour mieux préparer les entraineurs à intervenir adéquatement. Quoique la plupart des entraineurs (6/11) n’ont pas eu à encadrer d’athlètes LGBT, plusieurs n’ont jamais vraiment pensé à la possibilité que cela puisse se produire. La majorité d’entre eux (10/11) ont exprimé le besoin d’en connaître davantage sur l’expérience des athlètes. En effet, les entraineurs étaient inconfortables face à la possibilité d’avoir un couple homosexuel dans l’équipe sportive et parfois l’inconfort se manifestait du seul fait de discuter de ce sujet. Les entraineurs ont été en mesure d’avouer, pour la plupart, qu’ils ne savent pas comment s’y prendre pour encadrer cette clientèle spécifique. Néanmoins, plusieurs désireraient être proactifs pour créer un climat sportif inclusif. La majorité des entraineurs (9/11) ont aussi exprimé le besoin de suivre une formation dans leur processus de développement en tant qu’entraineur et quatre d’entre eux ont suggéré des façons de procéder ainsi que des éléments de contenu. D’ailleurs, il est intéressant de constater qu’ils ont tous démontré de l’ouverture face à un atelier-pilote de formation qui traiterait de l’encadrement des athlètes non hétérosexuels. Certains entraineurs ont même clairement reconnu leur manque de connaissance et ils croient donc qu’une formation sur la diversité en sport devrait être obligatoire pour tous les entraineurs, ce qui permettrait de diminuer leurs craintes ou leurs interrogations pour l’intervention.
Leurs inquiétudes pour intervenir sont variées et ce qui en ressort est souvent la non-discussion du sujet, pour ne pas mettre l’accent sur la différence ou pour ne pas agir de la mauvaise façon. Plusieurs croient créer un climat d’ouverture sans poser de gestes spécifiques, ni dire aux athlètes qu’ils peuvent venir les voir en cas de besoin, pour se confier par exemple. Pourtant, il n’y a eu qu’un seul athlète masculin implicitement gai en 191 années d’expérience combinées par tous les entraineurs de l’étude. Un meilleur climat existerait du côté féminin où plusieurs athlètes LBT ont été répertoriées (n =26). Malgré ce qu’en disent les entraineurs, ce silence et ce manque d’actions précises créent un environnement où la sécurité des athlètes peut être
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compromise. Un des entraineurs interrogés qui trouvait la question de l'homophobie en sport non pertinente n’abordera probablement jamais le sujet. Même pendant les 24 années d’expérience de l’entraineur ouvertement homosexuel et proactif dans son intervention, aucun athlète n’est sorti du placard pendant sa carrière. Il est possible de se demander ce qu’il faudrait pour améliorer le climat principalement en sport masculin. Étrangement, en sport féminin, les entraineurs s’attendent plus à avoir des athlètes lesbiennes. Cependant, nous n’avons répertorié aucune étude prouvant que l’incidence d’homosexualité chez les athlètes féminines soit plus élevée que du côté masculin. Un pont a alors été fait avec les stéréotypes du genre (selon lesquels des qualités masculines sont développées en sport et alors qu'une athlète ne peut être une "vraie femme" si elle excelle dans ce domaine traditionnellement réservé aux hommes) et la nature du sport (machiste, conservatrice, etc.). Par le biais des entrevues, il a aussi été possible de confirmer la plupart des données issues de la recherche en homophobie et également de se rendre compte que l’orientation sexuelle est encore vue négativement par certains. Il pourrait être intéressant pour les entraineurs de définir ce qu’ils entendent par les notions de respect (comme règle d’équipe) et d’esprit d’équipe. De plus, il serait nécessaire de rendre les individus LGBTQ plus visibles. Pronger (2000) pose une question importante à ce propos: « Do people really just assume that sport is a completely heterosexual world? Or are they just very good at denying, by their silence, what they deeply and secretly already know? » (p.94).
Il importe, selon nous, d’utiliser l’incroyable potentiel qu’a le sport dans la construction de la personne et pour y arriver, il est nécessaire de lutter contre l’homophobie et l’hétérosexisme. Défier l’homophobie est primordial de façon à préparer les jeunes à une société diversifiée grandissante et pour encourager le respect des différences et de la dignité humaine (Walsh et al. 2006). En devenant plus inclusif, le milieu sportif servira mieux encore de route pour célébrer la singularité des individus et les différences de groupes (Fink & Pastore 1999). Ainsi les individus qui décident d’évoluer en sport seront considérés pour ce qu’ils sont et ils se sentiront les bienvenus sur les plateaux sportifs.
En conclusion, pour reprendre l’idée de Brackenridge et al. (2008), il faut « trouver des politiques et des pratiques qui soient plus que simplement tolérantes ou acceptables pour les gens LGBT, mais plutôt créatives, novatrices, et qui améliorent vraiment l’expérience vécue de tous ceux qui s’impliquent en sport » (p. 58). Voilà ce que nous cherchons à faire en basant notre recherche sur la perspective des entraineurs vis-à-vis des individus LGBT. C’est le défi que nous tenterons de relever et nous espérons que ce soit un premier pas vers la création d’ateliers de formations pour entraineurs permettant de favoriser des opportunités de pratiques sportives justes, équitables et positives pour le développement holistique de tous ceux qui désirent participer.
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