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Quelques définitions

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 41-45)

Méthodologie!: de l’enregistrement du corpus à la prise des mesures

2.7 Les classifications des gestes

2.7.1 Quelques définitions

Par geste communicatif, on entend un geste qui communique une information, alors qu’un geste extra-communicatif est produit “sans intention de transmettre des informations à l’interlocuteur” (V. Traverso, 1999:16). Un geste extra-verbal est un geste qui n’accompagne pas un discours, alors qu’un geste co-verbal se produit en association avec le verbal et lui donne sens.

Reprenons la classification large proposée par V. Traverso (op. cit.), qui est inspirée de la classification de Cosnier, Berrendonner, Coulon & Orecchioni (1982). Parmi les gestes extra-communicatifs, elle relève les gestes de confort (changement de posture, etc.), les gestes auto-centrés (“se gratter l’oreille, enrouler ses cheveux autour de son doigt”) et les gestes ludiques (gestes de manipulation d’un objet). Ce qui pose un premier problème dans cette classification, c’est qu’un geste auto-centré peut très bien être réalisé à des fins de confort!: il ne fait aucun doute que si l’on replace derrière son oreille une mèche de cheveux qui tombe devant les yeux, on réalise à la fois un geste auto-centré (du fait que l’on tripote ses propres cheveux) et de confort (le confort visuel sera nettement amélioré après la remise en place de la mèche de cheveux). Il nous paraît cependant bien difficile de déterminer quand un geste améliore le confort. Un geste ludique fait certes intervenir un objet extérieur, mais dans la mesure où il implique un certain repli sur soi-même sur le plan psychologique, n’est-ce pas aussi en quelque sorte un geste auto-centré!? Et on peut continuer ainsi indéfiniment, on tourne en rond. Ceci n’est cependant pas très grave dans la mesure où il s’agit essentiellement d’une question de terminologie. Ce qui pose plus de problèmes en revanche est le fait de reléguer ce type de geste d’emblée parmi les gestes extra-communicatifs sous le prétexte qu’ils n’apportent rien sur le plan du contenu sémantique (un battement de la main apporte-t-il plus d’information sur le plan sémantique!? Nous en doutons très fortement) et qu’ils sont produits sans intention d’apporter une information. Que faut-il entendre par là!? Parce que si cela signifie qu’ils sont produits de manière inconsciente par le locuteur, nous pouvons dire que c’est le cas d’une grande partie des gestes accompagnant le discours. De plus, nous allons montrer dans ce travail que ce type de geste ne se produit pas n’importe quand dans le discours et a donc un rôle au même titre que les gestes dits communicatifs puisqu’ils participent à la construction discursive. De plus, dès lors qu’ils se produisent en association avec un contexte discursif précis, on ne peut plus les considérer comme extra-verbaux et on doit les assimiler aux gestes co-verbaux. Or, il nous semble qu’il y a comme une contradiction à considérer des gestes à la fois comme co-verbaux et comme extra-communicatifs. Il nous semblerait plus juste d’avoir plus de souplesse vis-à-vis de ces gestes et de leur attribuer deux fonctions selon le contexte dans lequel ils sont produits. On peut alors les assimiler à certains autres gestes, comme le fait de cligner les paupières, qui a d’une part une fonction physiologique (permettre la bonne humidification de la surface oculaire) mais

qui peut également être utilisé à des fins discursives (sans que cela soit d’ailleurs nécessairement conscient).

Ensuite viennent les gestes communicatifs. V. Traverso résume les classifications en trois sous-catégories de la manière suivante. Les gestes quasi-linguistiques (selon la terminologie de Cosnier, in Cosnier et Kerbrat-Orecchioni, 1987, catégorie qui englobe ce que d’autres nomment d’ailleurs emblèmes, ainsi que le font Calbris et Porcher, 1989) sont des gestes conventionnels qui varient selon les cultures (la manière de saluer, de dire

“c’est parfait”, “on se téléphone”, etc.) qui peuvent accompagner ou non le discours.

Mais, même lorsqu’ils n’accompagnent pas un discours (si par exemple on fait un geste à quelqu’un au loin pour lui dire de venir), ils font toujours référence à ce discours implicite.

Jusque là, nous sommes d’accord. Mais ensuite elle nous parle des gestes co-verbaux qui accompagnent le discours pour l’illustrer ou pour le qualifier. Termes vagues, mais ce n’est pas le plus gênant. Nous venons de dire plus haut que les quasi-linguistiques pouvaient accompagner le discours et y faisaient en tout cas toujours référence!: comment peut-on alors les opposer aux co-verbaux!? Il nous semble que dans le cas où ils accompagnent un discours, ce sont aussi des co-verbaux (et sans doute aussi dans les cas où ils sont réalisés en dehors de tout discours dans la mesure où ils y font référence).

Enfin, la troisième sous-catégorie est celle des synchronisateurs qui “permettent de réguler l’interaction en s’assurant que l’auditeur écoute (regard, hochement de tête).” (op.

cit., p.!16) Il va de soi que ceux-là non plus ne sont pas des co-verbaux selon l’auteur, alors qu’ils se produisent régulièrement en association avec des régulateurs verbaux. De plus, parmi les gestes qui sont produits dans notre corpus, ce sont les gestes les plus conventionnels, donc à rapprocher des emblèmes. Elle conclut son résumé de classification par la remarque suivante!: “Cette typologie doit être modifiée pour s’adapter aux situations d’interaction où les objets et l’action sont centraux, car gestes et mouvements forment alors l’ossature des échanges et la parole y est subordonnée.” (idem) Le début de la remarque nous paraît assez sybilline, quant à la dernière remarque “la parole y est subordonnée”, elle nous semble fausse. Nous voyons la gestualité fonctionner en relation étroite avec le discours, mais ne pensons pas que la parole soit subordonnée au geste, ni d’ailleurs nécessairement le geste à la parole!: les deux modalités sont utilisées par les locuteurs parfois de manière complémentaire, parfois en parfaite synergie, et quelques fois même de manière contradictoire et c’est ce qui fait la richesse des échanges oraux.

D’autres études, qui se sont penchées plus précisément sur la gestualité co-verbale, en proposent des classifications plus fines, parfois contradictoires avec ce que nous venons de voir. Ainsi, J. Cosnier propose la classification suivante dans Cosnier et Kerbrat-Orecchioni, 1987!:

Tableau 4!: Classification des gestes proposée par J. Cosnier dans Cosnier & Kerbrat-Orecchioni (1987:296-297)

(Ekman et Friesen!: autonomous gestures, Kendon!:

semiotic gestures, Barakat…) Quasi linguistiques

Gestes de forme et d’utilisation conventionnelle selon la culture qui peuvent être utilisés indépendemment de la parole, bien qu’ils aient souvent une expression verbale équivalente ex!: geste horizontal de la main devant la partie haute du front, “ras le bol” Français.

Phonogènes!: Liés à l’activité motrice des organes phonatoires, nécessaire à la production parolière

Paraverbaux!: liés au rythme parolier.

Deux formes!:

— les “intonatifs” ou “battements” de la main et de la tête.

— les idéographiques apparentés aux précédents mais qui tracent dans l’espace des figures abstraites liées aux idées exprimées.

Expressifs!: principalement les mimiques affectives faciales qui connotent le contenu du discours qu’elles qualifient, ou qui situent le contenu par rapport au jugement de l’orateur, assurent alors une fonction métacommunicative.

Illustratifs!: liés au contenu de la parole.

On peut y distinguer!:

— les déictiques qui désignent le référent!:

ex!: pointage du doigt

— les spatiographiques qui schématisent une structure spatiale

— les kinémimiques qui miment l’action du discours par une mise en jeu globale du corps

Phatiques!: Activité du parleur destinée à vérifier ou à maintenir le contact. Principalement par le

Régulateurs!: Activité du récepteur en réponse aux précédents (“back channel”) le hochement de tête en est un exemple fréquent (la régulation est aussi assurée par des émissions sonores.

De confort!: Changement de position ou de posture

Autocentrés!: Automanipulation corporelle!: grattage etc… balancement rythmique…

Gestes

“extra-communicatifs” Ludiques!: Apparentés aux précédents mais centrés sur des objets : manipulation d’objets, bouliers, chapelets, gribouillis etc…

allumage de cigarettes…

Reprenant en partie cette classification, mais la modifiant aussi quelque peu, J.-M. Colletta

(2000), propose une classification plus précise de la gestualité co-verbale et donnée dans le tableau suivant, que nous commenterons par la suite!:

Tableau 5!: “Catégories fonctionnelles de la kinésie communicative”, donné dans Colletta (2000:document donné en annexe de l’article)

CATÉGORIES FONCTIONNELLES VALEURS RÔLES / À LA

PAROLE

Acte initiatif!: requête, ordre, compliment,

menace… Substitution

Acte réactif!: réponse affirmative ou négative,

acceptation, refus, confirmation… Substitution KINÈMES

AUTONOMES

KINÈMES DISCURSIFS

Acte mixte!: réplique, commentaire expressif,

évaluatif, illustratif… Substitution

Régulateur!: signal à valeur d’écoute, d’attention ou de compréhension

Connotatif!: introduit une valeur illocutoire

distincte, supplémentaire ou opposée Connotation Démarcatif!: délimite un mouvement discursif,

une séquence, une intervention, un échange, etc. Démarcation Intensif!: souligne, met en relief une unité

phrastique Accentuation

KINÈMES SYNTAXIQUES

Rythmique!: accompagne et rythme le flux

parolier Synergie

Figuratif!: représente dans l’espace des concepts

abstraits Illustration

Illustratif!: dessine dans l’espace des traits du

référent!: taille, forme, aspect, etc. Illustration Mimétique!: mime l’action ou le comportement

de référence Illustration

Locatif!: place dans l’espace les éléments de l’univers référentiel, en donne une représentation topologique

Illustration Anaphorique!: désigne un référent virtuel,

localisé auparavant dans l’espace Illustration KINÈMES

ASSOCIÉS

KINÈMES RÉFÉRENTIELS

Déictique!: désigne le référent ou un substitut du

référent, indique une direction Complétion

Cette classification présente l’avantage d’être extrêmement précise et complète dans le relevé des gestes. On note les différences avec l’état des lieux précédent!: notamment que les gestes (kinèmes) interactifs comptent parmi les gestes co-verbaux, ainsi d’ailleurs que certains emblèmes (comme le mouvement d’affirmation ou de négation de la tête). Par contre, les gestes de confort, gestes auto-centrés et gestes ludiques sont toujours exclus.

On note ici encore quelques petits problèmes!: quelle est par exemple la différence entre amplification et accentuation!? Ne peut-on pas considérer que le fait d’accentuer son discours par un geste est une manière de l’amplifier!? Les deux termes ne sont pas très

heureux sans doute!: nous les sentons très proches l’un de l’autre mais appartenant à deux catégories différentes. D’ailleurs, c’est ce que note l’auteur dans son article qui porte sur les taux de reconnaissance de ces diverses catégories!: “les sujets accordent très souvent une fonction méta-discursive aux mouvements qui accentuent une unité (intensifs), or ces mouvements peuvent être confondus avec les amplifieurs” (op. cit., p.!230). De même, pour la définition donnée pour le kinème rythmique, qui “accompagne et rythme le flux parolier”!: quasiment tous les gestes dont il est question ici accompagnent le flux parolier et il faudrait définir très précisément la notion de rythme, car certains gestes peuvent être à la fois intensifs et rythmiques. De même, dans son étude, il trouve que les kinèmes locatifs ou anaphoriques ne sont reconnus qu’une fois sur deux par les sujets parce qu’ils

“paraissent proches des kinèmes méta-discursifs” (idem). Ceci ne nous semble pas très étonnant, nous avons d’ailleurs classé ces deux gestes dans la même catégorie que les kinèmes méta-discursifs (cf. chapitre 11). Il y a également un problème en ce qui concerne les taux de reconnaissance des changements de posture à valeur démarcative qui sont

“analysés comme ayant soit une fonction interactive (les sujets leur attribuant une valeur phatique), soit comme ayant une fonction méta-discursive” (idem). La démarcation syntaxique nous semble en effet avoir une fonction méta-discursive et on peut rencontrer des gestes à valeur interactive qui sont réalisés de la même manière. Il conclut dans un deuxième temps, et nous sommes tout à fait en accord avec lui sur ce point, que certains gestes sont pluri-fonctionnels. L’intérêt de ce travail réside dans le fait que l’auteur a proposé une fonction pour chaque type de geste par rapport à son apparition en contexte verbal, ce qui est un grand pas en avant car de nombreuses études se sont contentées jusqu’à présent de relever les différents gestes sans nécessairement voir ce qu’ils avaient en commun dans leur contexte discursif. D’autre part, l’étude part d’un enregistrement vidéo et non pas de la connaissance que nous avons des gestes, comme les ouvrages qui portent sur la communication non-verbale et qui donnent quelques gestes “typiques”

sans voir leur utilisation en contexte verbal par les locuteurs, ce qui les amènent nécessairement à opérer des classifications parfois arbitraires.

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 41-45)