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Quatrième annexe: Transcription des gestes

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 60-67)

Description des annexes

3.4 Quatrième annexe: Transcription des gestes

Cette transcription a pour objet de noter à la fois les traits discursifs, intonatifs et gestuels de la conversation entre Michelle et Zoe. Pour cette raison, nous avons repris la notation des paragraphes oraux, qui incluait déjà la prosodie, et nous y avons ajouté la notation des

marques posturo-mimo-gestuelles des deux interlocutrices. Pour des raisons de place, nous y avons cependant supprimé la traduction.

La gestualité est notée sous forme de tires sous chaque préambule ou rhème. La gestualité de l’interlocutrice est notée sous les tires de transcription. Les différentes tires sont les suivantes!: regard, sourcils, yeux, tête, mains, bras, buste, bouche et nez. En revanche, nous avons choisi, à la fois pour des raisons de place et de lisibilité, de ne pas noter systématiquement toutes les tires, mais seulement celles qui comportent une modification.

Ainsi, par exemple, nous notons la tire “buste” uniquement lorsque la locutrice change de posture pendant son énoncé. Ceci signifie qu’une absence de notation correspond à la position de repos de la locutrice!: le buste relâché, la tête dans l’axe du corps et à une hauteur “normale” (ni penchée, ni levée), le regard vers l’interlocutrice (qui se trouve en face), le visage relâché (sans hausse ou froncement des sourcils, les lèvres fermées ou légèrement entrouvertes mais sans sourire ou moue, les yeux ouverts), les bras sur les accoudoirs, les mains ne faisant pas de mouvement. Il est intéressant de noter également qu’un changement peut devenir la nouvelle position de repos. Par exemple, à un moment donné, Michelle met ses mains dans ses poches et les gardera dans cette position jusqu’à la fin du corpus. Lorsqu’elle fait un geste, elle sort les mains des poches, puis les y replace. En termes de durée, on peut donc considérer que les mains dans les poches constituent la nouvelle position de repos des mains de Michelle, et nous ne le notons plus après l’avoir signalé. Il en va de même pour une orientation du buste, qui est parfois légèrement tourné vers la gauche ou la droite, et reste dans cette position pendant longtemps. Cette orientation prend alors le statut de position de repos (au moins momentanément), jusqu’à ce que l’on signale un changement. En ce qui concerne les yeux, nous n’avons pas noté les clignements réguliers et physiologiques, sauf dans le cas de clignements répétés ou prolongés, et qui nous ont semblé significatifs. À ce sujet, il est intéressant de noter que lorsque le regard ou la tête change de direction, le changement est précédé d’une brève fermeture des yeux (que nous n’avons pas notée ici de manière systématique). Ceci rejoint ce que dit Cuxac a propos de la Langue des Signes Française!:

les signes ne sont pas enchaînés les uns à la suite des autres mais le locuteur marque un bref temps d’arrêt entre les signes et “les locuteurs sourds natifs disent avoir des difficultés à comprendre les apprenants qui lient, sans temps d’arrêt, les signes les uns après les autres” (2000:33). Cette difficulté de compréhension tient sans doute à ce que le temps d’arrêt est marqué par le maintien en position des mains, sans mouvement dans la LSF, alors qu’il est marqué par une simple fermeture des yeux dans la langue orale.

Pour certains gestes des mains, trop longs à décrire, et que le lecteur aurait du mal à visualiser malgré une description précise, nous joignons des photos dans la deuxième section de l’annexe 5 (avec une note dans la transcription renvoyant à la photo). Ceci a été

rendu nécessaire pour conserver la qualité des photographies, qui ne peuvent être photocopiées de manière ordinaire.

Cette notation a l’avantage de permettre de juger au premier coup d’œil les passages particulièrement riches ou pauvres sur le plan de la gestualité. Lorsque cela nous était possible, nous avons essayé de ne pas utiliser de symbole afin de rendre la lecture plus facile. Ainsi, on trouve du texte dans les tires tel que [plissés] signifiant que les yeux sont plissés.

Nous avons essayé, dans cette transcription, de noter la gestualité de la manière la plus précise possible, et ceci afin de ne pas devoir revenir systématiquement à la vidéo pour comprendre ce qui se passe. De même, nous avons noté la direction précise du regard, de la tête ou des mouvements de mains, vers la gauche (G) ou la droite (D), effectués avec la main gauche (MG) ou la main droite (MD), car cela pourrait avoir une importance, mais nous reviendrons sur ce point dans la partie sur la gestualité. Lorsque nous avons utilisé les symboles (D) et (G), il s’agit toujours de la droite et de la gauche de la locutrice et non d’une transcription en miroir comme c’est le cas des flèches. Nous avons aussi tenté de noter, pour le regard et la tête, si ceux-ci étaient dirigés vers le haut ou le bas à gauche ou à droite. Cependant, nous n’étions pas assistée d’un plan d’ordinateur, et les locutrices n’étaient pas équipées de capteurs (certaines études portent sur les espaces de gestualisation!: les locuteurs sont équipés de capteurs, et leur espace gestuel est reconstitué en zones sur l’ordinateur, voir par exemple l’article de Gibet et Julliard15, comme dans cette figure de Pedelty reprise par McNeill, 1992:378).

Sans tracé informatique et sans capteurs, il est parfois difficile de placer une frontière entre un regard à gauche par exemple, et un regard en bas à gauche, aussi nous sommes nous fixée des repères mentaux que l’on peut traduire par ce schéma très approximatif!:

en haut à gauche yeux de la locutrice à gauche

en bas à gauche

15!Gibet, S., & Julliard, F. (2001). “Description informatisée de gestes de communication”. In C. Cavé, I. Guaïtella, & S. Santi (Eds.), Oralité et Gestualité (ORAGE)!: “Interactions et comportements multimodaux dans la communication”. Paris: L’Harmattan.

C’est-à-dire que sur un champ assez mince, nous avons considéré que la locutrice regardait à gauche. Au-dessus de ce champ, elle regarde en haut à gauche, et en dessous de ce champ, en bas à gauche.

Lorsque le regard est dirigé vers le bas, nous avons noté qu’elle regardait en bas, mais nous avons également noté quand il apparaît clairement qu’elle regarde non pas d’une manière distraite, mais un objet ou une partie de son corps précis, comme par exemple lorsqu’elle bouge ses jambes et qu’elle regarde indubitablement la jambe qu’elle est en train de bouger, ou bien encore lorsqu’elle regarde une de ses mains ou son gobelet de café. Ceci nous a semblé important car l’impact du geste sur l’interlocutrice n’est pas le même lorsque la locutrice le regarde que lorsqu’elle ne le regarde pas. De même, un regard peut avoir un statut déictique et par exemple lorsque Michelle dit!:

TU!819!: “and like latch itself onto my leg”

elle regarde sa jambe ce qui a pour effet d’actualiser par le geste le segment “onto my leg”.

La principale difficulté que nous avons rencontrée lorsque nous avons fait cette description consistait dans la délimitation des séquences gestuelles. Pour le regard, étant donné la rapidité d’un changement de direction, ceci ne pose pas vraiment de problème, mais lorsqu’il s’agit d’un mouvement de la main, étalé sur plusieurs images, le bornage est un peu plus compliqué. David McNeill (1992) l’a très bien décrit!: un mouvement est composé de trois phases principales (ceci s’appliquait notamment aux gestes de scansion du discours réalisé avec la main, gestes que l’on nomme aussi battements, en anglais

“beats”, mais peut s’appliquer à toute autre séquence gestuelle)!:

1. Tout d’abord une phase préparatoire, preparation!, que Bouvet (2001) appelle également la mise en tension du geste!(p.!4)!: la main quitte sa position de repos et s’élève pour pouvoir effectuer le battement. Cette phase peut être tenue pendant un temps variable (de quelques millisecondes à plusieurs secondes) lorsque la main a atteint la position nécessaire au battement (la tenue du geste signifie que la main reste dans cette position élevée mais ne bouge plus), et c’est ce qu’il nomme pre-stroke hold. McNeill ajoute que cette phase préparatoire anticipe généralement sur le discours!: “The preparation phase typically anticipates the linguistic segments that are coexpressive with the gesture’s meaning.” (op. cit., p.!83)

2. Vient ensuite le battement à proprement parler, stroke!: la main effectue un mouvement rapide, vers le bas par exemple. Cette phase correspond à l’apogée du geste. D. Bouvet (2001:4) parle de tenue, mais nous préférons le terme d’apogée car la tenue évoque plutôt le terme anglais hold, or dans le cas d’un battement, il peut y avoir apogée du geste sans y

avoir de tenue. Par contre, la tenue peut être présente dans le cas d’autres gestes (post-stroke hold). À la différence de la phase préparatoire, l’apogée du geste est en général synchronisé avec le discours que la séquence gestuelle accompagne!: “The stroke is synchronized with the linguistic segments that are coexpressive with it.” (McNeill, 1992:83) Ainsi, pour reprendre l’exemple du battement, s’il accompagne un pronom démonstratif tel que “that”, la phase préparatoire débutera avant la production de “that”

mais l’apogée du battement (le battement lui-même) se produira juste sur le pronom.

Lorsque le geste accompagne une séquence discursive plus longue, l’apogée correspond généralement à la syllabe tonique de la séquence.

3. Enfin, la phase de rétraction (retraction), que D. Bouvet nomme la détente (2001:4)!: la main reprend sa position de repos.

Parmi ces trois phases, seul l’apogée est obligatoire. Même si elles ont initialement été décrites pour les battements, elles peuvent cependant s’appliquer à tous types de gestes ou de changements d’attitudes corporelles!: en effet, si l’on considère un rapide changement d’orientation du regard, changement qui n’est parfois pas progressif sur la vidéo (25 images par secondes), il faut bien que les globes oculaires effectuent un mouvement dans cette nouvelle direction. Il faut par conséquent qu’il y ait une phase préparatoire. De même, si une des locutrices incline la tête à droite, ce mouvement est peut-être rapide, mais néanmoins progressif. Pendant la phase préparatoire, la tête n’a pas encore atteint l’inclinaison voulue qui n’est atteinte que lors de l’apogée du mouvement. Dans notre étude, nous avons décidé de ne pas segmenter les mouvements en diverses phases, tout d’abord parce cela requiert d’avoir un logiciel adéquat, qui permette une plus grande précision, mais aussi parce que l’objet de notre étude ne réside pas dans la synchronisation discours/prosodie et les diverses phases qui composent le mouvement.

Les chercheurs travaillant dans ce domaine choisissent un type de geste particulier (par exemple les battements) et ne considèrent pas l’ensemble des gestes d’un corpus, ce qui serait tout à fait irréalisable. Il nous arrive en revanche de signaler en note où se situe l’apogée du geste lorsque cela nous semble révélateur. Si l’apogée du geste correspond exactement à la production de la syllabe accentuée d’un intensifieur, il nous semble que la synchronisation ajoute quelque chose au discours. Cela n’est cependant pas toujours le cas.

Aussi, dans notre transcription des différents gestes, avons-nous considéré que le geste commence au début de la phase préparatoire!: dans le cas d’un geste de la main par exemple, lorsque le bras commence à quitter sa position de repos sur les accoudoirs du siège, et qu’il se termine lorsque la position de repos est restaurée (c’est-à-dire à la fin de la phase de rétraction). Nous adoptons en cela le point de vue de McNeill, qui décrit la séquence gestuelle de la manière suivante!: “The G-unit [gesture-unit] is defined as the

period of time between successive rests of the limbs; a G-unit begins the moment the limb begins to move and ends when it has reached a rest position again.” (1992:83) Nous distinguons aussi comme lui deux gestes différents qui s’enchaînent l’un après l’autre sans phase préparatoire. C’est ce qu’il nomme une gesture-phrase et qu’il décrit ainsi!:

“The G-phrase occurs within a G-unit (several G-phrases may cluster together within one G-unit).” (id.) Dans le cas où un geste est donc tenu et enchaîne sur un autre geste, nous avons noté la tenue du geste, et à partir de quel instant précis le nouveau geste est enchaîné (au début de sa phase préparatoire s’il en a une, ce qui n’est pas toujours le cas, car pour qu’il ait une phase préparatoire, il faut qu’il soit réalisé dans un autre espace). Nous avons borné l’intégralité du geste par une mise entre crochets, ce qui permet une plus grande précision et une distinction entre un mouvement (par exemple un haussement de sourcils) ponctuel, sur une syllabe, ou un mouvement plus étendu portant sur un segment plus large (le même haussement de sourcils peut-être maintenu sur toute une proposition). Pour des raisons de facilité de lecture, nous avons parfois rappelé l’orientation du regard d’une des locutrices en début de tour de parole, mais si le symbole n’est pas borné à gauche, cela signifie que l’orientation du regard ou de la tête est maintenue par rapport à un déplacement antérieur. Si le changement d’orientation a lieu juste avant la prise de parole, sans que cela ait pu être signalé précédemment, nous l’indiquons en décalant le symbole vers la gauche avant le tour de parole. Ceci est illustré dans les trois exemples suivants!:

1) TU 13 Rh1 > préambule

Zoe WHAT about King’s Lynn {0,36} King’s LYNN ‰ {0,526}

regard ...M tête ... [menton levé ] mains...tiennent le gobelet buste...[buste un peu levé et vers l’avant ]

Dans cet exemple, Zoe, qui regardait Michelle pendant que celle-ci parlait, continue à la regarder en posant sa question (le M n’est pas borné à gauche), la regarde pendant tout l’énoncé et continue à la regarder après avoir achevé son intervention (la ligne “regard”

n’est pas bornée à droite). Sa tête était en position de repos au début de l’énoncé, elle lève le menton au cours de la syllabe “King’s” et reprend sa position de repos à la fin de la pause de 0,526!s. Elle tenait son gobelet de café avant de parler et continue à le tenir pendant tout l’énoncé et sur l’intervention de Michelle qui va suivre. Enfin, au moment où elle prend la parole, elle avance le buste, qui revient à sa position de repos juste avant la pause.

2) TU!465 Rh1

Michelle i ONLY saw the end Ê regard ... Z

tête ... [redresse la tête en position de repos

mains... [début du repos de la MD qui soutenait la tête

Dans cet exemple, le regard de Michelle revient vers Zoe juste avant sa prise de parole et elle continue à la regarder sur cette séquence, ainsi que sur l’intervention de Zoe suivante.

Sa tête était appuyée depuis un certain temps sur sa main droite (et donc inclinée à droite), ce qui avait constitué une nouvelle position de repos, mais à partir de “the end” (c’est-à-dire au début de “the”), elle redresse la tête et repose son bras droit sur l’accoudoir.

3) TU!531 Rh5 + incise

Michelle he was on a business trip °or something° Ê {0,0615}

regard... [›G ] Z tête... [fi

Dans ce troisième exemple, Michelle détourne son regard en haut à gauche au moment où elle prend la parole (le symbole est borné à gauche) et ne regarde de nouveau Zoe qu’à partir de “or”. Sa tête se détourne vers la gauche (le symbole “fi” indique l’orientation du regard, de la tête ou du buste telle qu’elle apparaît à l’écran, ce qui ici correspond à la gauche de la locutrice!; nous avons fait ce choix pour être moins troublée par ce qui est vu à l’écran et ce qui correspond à la réalité de la locutrice) dès le début de “trip” et restera dans cette position sur ce qui suit le passage.

Lorsque qu’un mouvement est enchaîné à partir d’un autre mouvement, nous avons utilisé le symbole “>”, comme lorsque par exemple, la locutrice passe du rire au sourire, ou lorsque la main décrit un mouvement dans l’air et change de direction pour décrire un autre mouvement sans reprendre sa position de repos.

Nous estimons que cette transcription est suffisamment précise pour l’usage que nous voulons en faire, mais nous sommes tout à fait consciente du fait qu’elle pourrait l’être bien plus encore. Une précision supplémentaire pourrait être gagnée avec un logiciel qui combine son (affichage visuel de l’oscillogramme) et image. De fait, il nous a semblé parfois très difficile de déterminer de manière précise le commencement exact d’un geste au milieu d’un son, surtout pour des changements rapides. Le fait que la vidéo soit enregistrée à 25 images par seconde fait que l’on rate inévitablement quelques séquences (relativisons cependant, il ne s’agit que de quelques millisecondes et nous ne sommes pas certaine que cela soit pertinent dans ce type d’étude). En revanche, si quelqu’un d’autre voulait utiliser notre corpus et sa transcription pour une étude de synchronisation son/image, il la trouverait sans doute bien trop défectueuse pour lui être vraiment utile.

La deuxième précision que nous aurions pu adopter et que nous avons cette fois choisi de ne pas suivre a été de ne pas transcrire les gestes comme l’a fait Birdwhistell (1981) dans les années 60!: il transcrivait systématiquement chaque unité du geste, le décomposant intégralement. Nous pensons qu’un tel degré de précision ne fait que masquer les éléments essentiels. Certains mouvements nécessitent l’implication d’autres parties du corps, comme par exemple, lorsqu’une locutrice, dont les deux bras reposaient initialement

sur les accoudoirs, fait à partir d’un certain moment un geste de la main à hauteur du menton, il est bien évident que ce geste implique le mouvement du bras ou de l’avant-bras et qui consiste à quitter l’accoudoir pour placer la main à hauteur du menton. Dans la mesure où ce mouvement du bras est obligatoire et se laisse deviner par le lecteur, à quoi bon le transcrire!? Si en revanche une locutrice écarte grand les bras, là il nous semble que le mouvement n’allant pas de soi, doit être transcrit. De même, lorsque les locutrices rient à gorge déployée, elles écartent et ouvrent la bouche, plissent les yeux et froncent un peu les sourcils, mais ceci n’a pas besoin d’être décrit intégralement, car tous ces éléments font partie intégrante du rire et qualifier le rire (rire léger vs. rire) suffit à donner une image du visage au lecteur. Intégrer toutes les modifications du visage entraînées par le rire ne ferait une fois de plus que surcharger la transcription et aurait peut-être même l’effet pervers de faire croire au lecteur que le rire ainsi transcrit implique des éléments supplémentaires par rapport à ce qu’il entraîne normalement. Enfin, Darwin (1981) a très bien décrit et de manière très précise puisqu’il s’applique à nommer les muscles du visage concernés l’expression des émotions, aussi ne nous a-t-il pas semblé utile de faire ici une telle description. Son approche se situait à une autre époque et dans un autre domaine.

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