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Analyse discursive

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 56-60)

Description des annexes

3.3 Troisième annexe : Analyse du corpus en paragraphes oraux

3.3.2 Analyse discursive

Nous avons découpé le corpus en 23 séquences qui correspondent aux thèmes de conversation, au sens courant. Nous avons également donné un titre bref à chaque séquence tels que “Séquence 2!: Présentation”, car cette séquence, située en début de corpus, consistait en la présentation des locutrices (nous leur avions demandé de donner leur nom, leur âge et l’endroit d’où elles venaient dans un but d’archivage du corpus dans le large corpus constitué par l’équipe de recherche de Paris III sur l’oral), ou bien encore

“Séquence 3!: Accents”, car les locutrices y discutent de leurs accents respectifs, ainsi que des accents de certains membres de leur famille. Ces séquences ont pour but de faciliter la lecture du corpus et de voir où se produisent les changements de sujets de conversation. Elles ne jouent cependant pas un rôle important dans le découpage en paragraphes oraux, ni même en hyperparagraphes (que nous verrons dans le chapitre 10).

Nous avons ensuite effectué un découpage en paragraphes oraux, en suivant la description que donnent Morel et Danon-Boileau (1998) du paragraphe oral et que nous allons décrire dans le paragraphe suivant, mais en y faisant quelques adaptations car la structure intonative de l’anglais diffère sensiblement de celle du français. Le nombre de paragraphes oraux dans chaque séquence varie en fonction de la longueur de la séquence, mais aussi en fonction de la composition du paragraphe.

La première définition que donnent Morel & Danon-Boileau (1998:21) du paragraphe oral est la suivante!:

“Chaque paragraphe se compose (…) d’un ou plusieurs constituants. Un paragraphe comprend au moins un rhème. Ce rhème est régulièrement, en français, composé d’un ou plusieurs préambules, qui sont des segments à valeur thématique et modale. De plus, le paragraphe peut, dans certaines conditions, être de structure ternaire!: le rhème est alors suivi d’un postrhème.”

paragraphe oral type = préambule + rhème + (postrhème)

Ils donnent comme exemple pour illustrer cette structure!:

préambule rhème postrhème

lui il était petit l’grand-père hein

Nous pouvons également illustrer cette structure d’un exemple tiré de notre corpus (mais nous verrons dans l’analyse discursive que le postrhème est très rare en anglais)!:

préambule rhème postrhème

and then i’d been there just under a year i think

Mais la structure morphosyntaxique de l’énoncé est loin d’être suffisante pour faire le découpage des différents paragraphes, dont seuls les indices intonatifs indiquent les frontières. Nous avons appliqué la règle suivante pour déterminer les différents paragraphes (Morel & Danon-Boileau, 1998:23)!:

“La chute conjointe et rapide (sans allongement) de l’intensité et de F0 à un niveau bas (H1 ou H2) représente l’indice le plus fiable de la fin d’un paragraphe. Celle-ci s’opère sur la dernière syllabe du dernier segment du paragraphe.”

En plus de ces indices, nous considérons comme essentiel cet autre indice mentionné plus loin dans la Grammaire de l’intonation (pp.!25-26)!: le rehaussement des courbes d’intensité et de F0 indiquent le début d’un nouveau paragraphe. En effet, si la fin d’un paragraphe se situe à un niveau bas, le début du paragraphe suivant reprend à un niveau

moyen (pour les premières syllabes inaccentuées) et rapidement plus élevé pour décroître de nouveau. Cet indice est important, car le paragraphe oral pouvant être constitué de plusieurs séries de rhèmes et préambules, nous l’avons également utilisé pour déterminer les frontières entre les différents éléments internes au paragraphe, car la morphosyntaxe n’est là non plus pas toujours suffisante. Par exemple, “and” qui est très fréquent dans notre corpus peut avoir deux rôles!: un rôle de ligateur entre deux rhèmes ou deux paragraphes oraux permettant d’introduire le rhème suivant, et un rôle de conjonction à l’intérieur du rhème, comme dans les deux exemples suivants (voir aussi Szlamowicz, 2001)!:

Exemple 5!: (TU 384!: Z)!: “they showed me Vannes {0,427} and i had to pretend i hadn’t been there before {1,04}”

Exemple 6!: (TU 415!: M)!: “they say (h) they say to us (h) oh you’ve got no taste in England you have no specialities it’s all like {0,689} no {0,128} eating to survive with your potatoes and gravy but {0,294}”

Dans ces deux exemples, les deux “and” n’ont pas du tout le même statut!: alors que dans le premier exemple “and” relie deux énoncés et où le deuxième énoncé apporte une information différente du premier, dans le deuxième exemple, c’est l’ensemble “potatoes and gravy” qui est censé représenter la cuisine traditionnelle anglaise. Sur le plan de l’intonation, le premier exemple montre un léger rehaussement de l’intonation et de l’intensité sur “and” par rapport à “Vannes”, alors que dans le deuxième exemple, l’intonation et l’intensité décroissent progressivement tout au long du rhème.

Nous avons donc deux types de rehaussement intonatif!: un rehaussement léger de la mélodie et de l’intensité pour indiquer une nouvelle séquence (préambule) + rhème + (postrhème) avec une courbe d’intonation et d’intensité qui décroît progressivement tout au long du paragraphe, et un rehaussement beaucoup plus important en début de paragraphe oral. Il est parfois difficile de distinguer entre le “and” (ainsi que d’autres mots-outils) à valeur de ligateur et le “and” à valeur de conjonction, et nous avons toujours appliqué le rehaussement intonatif pour les distinguer. Ainsi, dans l’exemple suivant, on a un ligateur en préambule (le premier “and”) et deux conjonctions à l’intérieur du rhème (le deuxième “and” et “cos”) car il n’y avait pas de rehaussement intonatif dans le rhème qui est exprimé d’un trait, avec une intonation qui remonte certes sur “that” pour des raisons de focalisation, mais l’intensité n’est pas rehaussée sur le

“cos” qui suit!:

Exemple 7!: (TU833!: Z)!: “(h) and i just had my hand there and i was going like that cos i could feel something”

Pour définir le postrhème, nous avons appliqué les définitions qu’en donnent Morel &

Danon-Boileau (id.), avec quelques adaptations cependant (voir chapitre 6).

En revanche, en ce qui concerne la recatégorisation de la séquence préambule + rhème en nouveau préambule pour la séquence suivante, Morel et Danon-Boileau donnent les repères suivants (id., p.!23)!:

“La remontée de F0 (à H3 ou H4) sur la syllabe finale d’un constituant ou d’un ensemble de constituants (‘préambule, rhème’ ou ‘rhème, rhème’) a pour effet rétroactif d’unifier cet ensemble, en lui conférant le statut de préambule du texte oral qui le suit, et cela quelque soit son statut discursif au plan segmental.”

Nous n’avons pas pu appliquer cette règle, car la principale différence entre le français et l’anglais tient justement dans le fait que les remontées de l’intonation à la finale du rhème sont beaucoup plus rares en anglais qu’en français, et même extrêmement rares14. Deux choix s’imposaient alors à nous!: ou bien en anglais aucun constituant ou presque n’est recatégorisé en préambule, ou bien cette remontée finale n’est pas un indice de la recatégorisation en anglais. Intuitivement, la première solution nous semblait peu vraisemblable. Nous nous sommes donc interrogée sur le rôle de cette recatégorisation et son effet sur le discours afin de mieux la comprendre. Il nous a semblé qu’un énoncé recatégorisé n’a justement de raison d’être que parce qu’il appelle une continuation, comme une question appelle une réponse et une introduction appelle une suite.

Exemple 8!: (TU425!: Z) “the first lesson did i tell you what i’ve got to do

§no§ we’ve got to pick up this hem document all in french about the whole course”

Dans cet exemple, Zoe émet tout d’abord une question rhétorique (elle sait très bien qu’elle n’a pas parlé de ses cours à Michelle, mais Michelle lui fait tout de même une réponse “no”) qui est composée d’un préambule “the first lesson”, où l’intonation monte à la finale et d’un rhème “did I tell you what I’ve got to do” avec une intonation descendante, et pourtant il nous semble que cet ensemble préambule + rhème ne se justifie que s’il y a une suite. Il paraîtrait extrêmement étrange d’émettre cet énoncé et de passer à autre chose, puisqu’il sert justement d’introduction à la suite que Zoe va donner. Pour cette raison, nous avons considéré que cet ensemble préambule + rhème était recatégorisé

14!Notre locutrice Michelle nous confiait à ce sujet une impression particulièrement intéressante!: elle trouvait, lorsqu’elle était lectrice dans le département d’anglais de l’Université de Nantes, les étudiants français particulièrement fatigants parce qu’“ils n’arrêtent pas de monter l’intonation à la fin de chaque phrase”, ce qui lui donnait l’impression qu’ils attendaient constamment d’elle une confirmation de leur discours. Ces remontées intonatives à la finale sont vraisemblablement exagérées par le contexte d’apprentissage qui place les gens dans une situation d’incertitude, mais nous pensons qu’une bonne part des remontées finales étaient employées par les étudiants par habitude.

en préambule pour l’ensemble préambule + rhème suivant “we’ve got to pick up this hem document all in French about the whole course”, car sa valeur discursive est tout à fait similaire à la valeur du préambule, introducteur de rhème. Il arrive cependant que l’on trouve également en anglais une remontée à la fin du rhème, notamment à la fin des questions totales (mais cette remontée est graduelle et ne porte pas uniquement sur la dernière syllabe), comme dans l’exemple suivant!:

Exemple 9!: (TU48!: Z)!: “so how long did she live there for ‰ {0,908}”

(TU49!: M)!: “WELL I THINKSHE SPENT {0,549} ALL her childhood there °i’m not quite sure:°”

La remontée finale à la fin de l’intervention de Zoe et le statut discursif de l’intervention nous ont incitée à classer cet ensemble préambule (“so”) + rhème en préambule pour l’intervention de Michelle. Ces recatégorisations ne sont cependant pas toujours des questions, comme le montre l’exemple qui suit!:

Exemple 10!: recatégorisation d’un rhème en préambule pour le rhème suivant Rhème 1 > préambule

TU 331 (Z) : I didn’t ever leave/ Josselin Ê there was NO like public ‰ transport!Ê {0,186 bruit} [je ne quittais jamais Josselin il n’y avait pas de genre transports en commun]

Préambule 1 = ligateur TU 334 (Z) : and [et]

Rhème 2 + incise

I LEFT well ‰ /§JOking§ Ê i went/ ‰ {0,509} °it was AWful:° (F0+) I WENT THERE WAS

a BUS ‰ to:: Rennes uh at about: Ê {0,677} SEven o’clock in the morning Ê [je partais ben §sans blague§ j’allais °c’était horrible° j’allais il y avait un bus pour Rennes à environ sept heures du matin]

Dans cet exemple, le premier rhème de Zoe n’est là que pour annoncer le rhème 2, qui va lui fournir une explication. Il introduit en quelque sorte ce second rhème.

Nous ne discuterons pas ici de chaque constituant du préambule et du rhème, qui fera l’objet de la première partie de cette étude, mais nous avons, tout au long de cette transcription, fait des remarques qui permettent d’éclairer le lecteur sur ces divers constituants, ainsi que des remarques d’un tout autre ordre telles que “commentaire sur ce qui précède” ou “énoncé ironique”, qui apportent des informations ponctuelles sur la nature de la conversation.

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