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Quelle conceptualisation du bien-être subjectif ?

Première partie Contexte théorique

1. Le bien-être subjectif

1.1. Quelle conceptualisation du bien-être subjectif ?

1.1.1. Du bonheur au bien-être subjectif

Le bonheur : Un thème omniprésent dans notre quotidien. La recherche du

bonheur a toujours été une préoccupation essentielle de l’homme et elle constitue encore aujourd’hui un sujet de discussion très présent et très houleux de la vie quotidienne (Diener & Biswas-Diener, 2008). Selon Andrews et Withey (1976), plus de 99% des individus se sont déjà posés la question de savoir s’ils étaient heureux. Le premier article de la Déclaration d’Indépendance des États-Unis, signée le 4 juillet 1776, évoque même que la poursuite du bonheur demeure un droit fondamental auquel chaque citoyen peut prétendre, à l’image de Chris Gardner qui considère ce principe comme une lutte quotidienne face à l’adversité dans le film The pursuit of happyness (2006). Une simple recherche sur la base de données numériques de la Bibliothèque Nationale de France en tapant le mot « bonheur » indique 116 761 résultats1 et plus de 76 millions de résultats pour la même recherche en tapant le mot

happiness sur Google Books2. Enfin, dans le milieu académique, il existe plus de 20 000 citations associées au terme anglophone avec une moyenne de 2146 citations annuelles (182 citations annuelles en moyenne pour le terme francophone)3. Cette profusion de références littéraires peut être un indicateur de l’importance du thème du bonheur dans la société.

Peut-on définir le bonheur ? La question « Qu’est-ce que le bonheur ? », qui est

parfois utilisée par les chercheurs en sciences humaines et sociales pour tenter d’en dégager une définition auprès d’un groupe d’individus, peut rapidement se révéler être un exercice difficile pour les répondants (Lu, 2001). Sa définition comme les moyens de l’atteindre ont longuement été débattus au cours du temps. Ainsi que le souligne Steger (2012), les chercheurs actuels s’inscrivant dans le champ de la psychologie du bonheur ne prétendent pas qu’il existe une définition unique, pas plus qu’un secret unique permettant d’accéder au bonheur. Les philosophes grecques de l’Antiquité figurent parmi les premiers à avoir cherché à définir ce concept. D’après Lévesque de Pouilly (1747)4, le philosophe romain Varron (116-27 av J.C.) recensait déjà plus de trois cents définitions du bonheur, prenant forme sous des écoles de pensées variées et nombreuses dans toute l’Antiquité. Deux courants majeurs se sont néanmoins imposés : les approches eudémonismes et les approches hédonismes du bonheur (Ryan & Deci, 2001). Loin de vouloir être exhaustifs, nous rechercherons à positionner ces deux courants philosophiques à travers plusieurs périodes et auteurs clés pour comprendre tout l’enjeu de leur définition respective et leurs apports dans les fondations d’une psychologie du bonheur.

1.1.1.1. La conception eudémoniste du bonheur

Étymologie. L’eudémonisme dérivant du grec eudaimonia qui signifie « épanouissement » renvoie à une conception télique du bonheur, c’est-à-dire qu’il est vu comme une fin en soi. Cette approche du bonheur a été très débattue dans de nombreux courants philosophiques et notamment durant la période antique. À ce titre, une revue plus

2 https://www.google.com/search?q=happiness&btnG=Search+Books&tbm=bks&tbo=1 – Consulté le 21 juillet 2013.

3 Citations calculées à partir du module d’analyse bibliométrique de Google Scholar™ – Consulté le 21 juillet 2013.

complète de la conception du bonheur par les penseurs de l’Antiquité pourra être trouvée dans l’ouvrage de Holowchak (2004).

Conceptions du bonheur dans l’Antiquité. Selon Socrate (469-399 av J.C.), à

travers les paroles rapportées par son discipline Platon dans « Apologie de Socrate », le bonheur repose essentiellement sur la vertu, qui elle-même repose sur le savoir. Le bonheur est donc accessible à tous les êtres humains à condition de pouvoir s’interroger sur soi et sur ses actes en permanence. Platon (428-348 av J.C.) apporte toutefois une précision à cette définition en évoquant dans « République » que seules les personnes éduquées peuvent parvenir à atteindre le bonheur. Néanmoins, pour Socrate comme pour Platon, l’agentivité humaine, c’est-à-dire un engagement actif de l’individu est nécessaire pour accéder au bonheur. Aristote (384-322 av J.C.) propose de définir le bonheur comme une fin en soi, et affirme que toute action humaine tend vers le bonheur. Néanmoins, il souligne que le bonheur est très lié aux conditions environnementales. Ainsi, dans « Éthique à Nicomaque », il évoque une hiérarchie des biens fondée sur la saillance du besoin à travers l’exemple du malade qui recherche la santé tandis que le pauvre recherche la richesse, dans leur quête du bonheur. Il précise que la satisfaction d’un premier besoin va entrainer l’apparition d’un autre, supérieur au premier, que l’individu devra chercher à satisfaire. Le processus va se répéter jusqu’à l’atteinte du bonheur suprême. Nous verrons ultérieurement que la conception aristotélienne du bonheur a eu beaucoup d’influences sur la compréhension de celui-ci dans le champ de la psychologie et notamment, auprès de Maslow (2004) dans sa pyramide des besoins. Ce raisonnement est également vérifé par plusieurs travaux scientifiques inscrits dans le champ de la psychologie qui se sont intéressés aux prédicteurs du bien-être subjectif et que nous évoquerons plus loin. Épicure (342-270 av. J.C.) fut également un grand partisan de l’eudémonisme. Bien que l’épicurien désigne – dans la langue française – une personne hédoniste songeant davantage à la satisfaction de ses plaisirs, cette conception s’oppose à l’eudémonisme épicuréiste. Ainsi, dans la « Lettre à Ménécée », il explique sa méthode pour atteindre le bonheur en évoquant notamment le principe de l’ataraxie qui se définit comme une satisfaction suffisante des plaisirs naturels, sans excès. Ce concept tient également une grande place dans le stoïcisme à l’instar d’Épictète (55-135) dans son « Manuel » où il évoque que l’absence de passions négatives est nécessaire pour permettre au philosophe de s’élever dans sa réflexion et de parvenir ensuite au bonheur.

Le bonheur selon Confucius. Parallèlement, à l’autre bout de la planète, le

confucianisme, incarné par Confucius (551-479 av J.C.), apparait progressivement en Chine. Confucius évoque, à travers les « Entretiens », que le bonheur ne peut se construire qu’à travers la paix et que celle-ci s’élabore à travers cinq principes fondamentaux : la vertu, les valeurs familiales, le plaisir modéré, la connaissance et le lien social. Ces mêmes principes se sont largement diffusés en Corée du Sud et se retrouvent encore fortement dans les valeurs actuelles de la société sud-coréenne (Seth, 2002). Les nuances du bonheur confucéen, en opposition à la pensée grecque, se retrouvent dans la place donnée à l’autre. Confucius met énormément l’accent sur l’harmonie avec le groupe et le respect de la hiérarchie (familiale et sociale), suggérant que le bonheur individuel est assujetti au bonheur collectif. Ces éléments seront essentiels pour comprendre les fondements confucéens du collectivisme (Kim, 1995).

Le bonheur chez les Lumières. Emmanuel Kant (1724-1804) propose également une

conception eudémoniste du bonheur en rupture avec la pensée antique. Selon lui, le bonheur n’est pas lié à la connaissance métaphysique mais découle de principes empiriques, c’est-à-dire que « le bonheur est un idéal, non de la raison, mais de l'imagination, fondé uniquement sur des principes empiriques »5. Il décrit le bonheur comme une expérience subjective découlant des représentations singulières de l’individu. Cette idée de la subjectivité du bonheur est également au cœur de la conception du bonheur définie par Berkeley (1685-1753) dans « Trois dialogues entre Hylas et Philonous » (1713). À la différence des auteurs précédents, Kant considère que le bonheur n’est pas le but premier de l’homme et que l’individu doit agir avec vertu afin de se rendre digne d’être heureux. Suivant les idées de Socrate et Platon, Pascal (1623-1662) considère également que l’engagement actif de l’individu est nécessaire pour parvenir au bonheur et à s’éloigner de ses souffrances (1660).

Visions du bonheur dans plusieurs religions. Dans la plupart des religions, le

bonheur est souvent appréhendé à travers une définition eudémoniste en mettant l’accent sur l’expérience mystique et la relation à Dieu. Dans la religion musulmane, le bonheur a notamment été défini par Al-Ghazali (1058-1111) dans son œuvre « L’Alchimie du bonheur » où il évoque que seule la dévotion totale de l’homme à Allah passant par une conduite quotidienne et une éthique irréprochable conduisent à celui-ci. La religion chrétienne élabore également une vision eudémoniste du bonheur représentée notamment par l’eudémonisme

augustinien (Gomez-Muller, 2002). Le bonheur défini par Saint Augustin (354-430) se structure autour de trois piliers centraux qui sont : la foi (eudémonisme philo-christique), la charité (eudémonisme agapè) et l’impossible pour l’être humain d’être heureux durant sa vie mortelle (eudémonisme théo-dorétique). Ce dernier principe amène alors une forte remise en cause de l’eudémonisme aristotéliste. Saint-Augustin insista beaucoup sur l’expérience mystique et la relation du croyant à Dieu dans l’atteinte du bonheur. D’ailleurs, la transcendance mystique proposée par saint-Augustin comme niveau suprême d’accomplissement de soi partage quelques similarités avec la transcendance de soi proposée par Maslow (2004) tout en haut de sa pyramide. Enfin, dans la religion bouddhiste, le bonheur eudémoniste est également un élément central tandis que le bonheur hédoniste est désigné comme un faux bonheur. Dans le « Dhammapada », livre sacré contenant les versets de Bouddha, les conditions nécessaires au bonheur sont clairement évoquées. Elles impliquent d’inhiber sa haine, ses passions, ses plaisirs ou encore ses jalousies, de développer de la sagesse et de vivre en harmonie avec la nature et son environnement social. Selon cette religion, le but ultime pour parvenir au bonheur est d’atteindre le Nirvana. Dans une vision plus contemporaine, la conception eudémoniste du bonheur est très présente dans la pensée du Dalaï-Lama qui évoque que « le but de la vie est d’être heureux »6. Il considère notamment que la transcendance de soi, passant par la compassion et l’amour d’autrui, est fondamentale pour parvenir à cette fin.

Bonheur et éducation. Enfin, de manière plus contemporaine, Krishnamurti

(1896-1986) défend une conception du bonheur basée sur l’absence d’autorité suggérant que l’individu doit se construire en s’affranchissant de toutes contraintes imposées par les normes sociales ou par les croyances idéologiques et religieuses. Ainsi, ce philosophe indien indique que le but de l’éducation est de permettre à l’individu de découvrir son potentiel intellectuel et le sens de la vie : « Comprendre le sens de la vie est plus important que de passer des examens et d’exceller en mathématiques, en physique ou que sais-je encore » (Krishnamurti, 2006, p.7). Cette vision est d’ailleurs plébiscitée par un jeune étatsunien de 13 ans qui parle de

hackschooling pour désigner le fait de se construire et de s’éduquer en élaborant son propre

modèle éducatif, lequel permettrait d’atteindre les objectifs personnels que l’on définit soi-même7. Elle rejoint aussi la pensée de Michel de Montaigne (1533-1592) qui préfère une tête

6 Dalaï-Lama (2002). Les voies spirituelles du bonheur. Seuil : Presses du Châtelet.

bien faite à une tête bien pleine (Lenoir, 2013). Cette idée du rôle de l’éducation dans la construction du bonheur, évoquée par Krishnamurti et dans une moindre mesure par Montaigne, est également centrale chez beaucoup de philosophes anciens comme Spinoza (1632-1677) mais aussi contemporains comme Robinson et Aronica (2009) ou Noddings (2003). Cette dernière auteure fait d’ailleurs une revue de la littérature très complète montrant que la promotion du bonheur dans l’éducation formelle des enfants entraîne des bénéfices à la fois pour l’enfant à court et long terme et pour les autres enfants par le développement d’un environnement favorable à l’apprentissage.

1.1.1.2. La conception hédoniste du bonheur

Étymologie. Par opposition, l’hédonisme vient du grecque edone signifiant « plaisir »

et désigne le bonheur comme la recherche du plaisir et l’absence de souffrance. Ainsi, plusieurs philosophes et penseurs ont tenté au cours du temps de défendre cette approche, bien qu’il y ait de nombreuses divergences entre eux.

Conceptions du bonheur dans l’Antiquité. L’hédonisme est notamment présenté

comme l’antithèse de la conception du bonheur défendue par Platon dans son œuvre « Gorgias » à travers le personnage de Calliclès. Ce dernier considère notamment qu’il est nécessaire pour l’homme de suivre ses passions. Il est également très courant de représenter l’hédonisme à travers la métaphore des jarres percées empruntée au Supplice des Danaïdes avec l’idée de jouir immédiatement des bénéfices de son labeur. Dans ce mythe grecque, les Danaïdes furent envoyées aux Enfers pour avoir tué leur mari le jour de leurs noces et furent condamnées à remplir éternellement des jarres percées. Aristippe de Cyrène (435-356 av J.C.), fondateur du cyrénaïsme, qui fut lui aussi un élève de Socrate, s’oppose vivement à la vision de son maître et de celle de Platon en théorisant une vision hédoniste du bonheur. Il revendiqua le caractère immédiat et le mouvement de l’homme vers la recherche de plaisir, allant jusqu’à affirmer la supériorité du plaisir immédiat sur toute autre forme de plaisir. Par ce fait, il s’oppose aussi à l’ataraxie définie par Épicure considérant qu’elle annihile tout principe de plaisir. L’élève d’Aristippe de Cyrène, Horace (65-8 av J.C.) se rendit également célèbre pour avoir beaucoup écrit autour du carpe diem signifiant en latin « Cueille le jour présent sans te soucier du lendemain ». Le carpe diem est considéré comme une incitation à l’hédonisme.

Le bonheur durant le siècle des Lumières. Plus récemment, durant le siècle des

Lumières, plusieurs philosophes comme Spinoza puis Thomas Hobbes (1588-1679) tentent de théoriser le bonheur à partir du concept de conatus. Pour ce premier auteur, dans « Éthique » (Livre III), le conatus désigne le fait que chaque chose tend à vouloir persévérer, plaçant le désir comme un élément central dans l’agentivité humaine. Spinoza va également associer le

conatus aux affects positifs (la joie) et négatifs (la tristesse) indiquant que la satisfaction d’un

désir tendrait à augmenter les affects positifs et inversement. John Locke (1632-1704), qui a inspiré le concept de « poursuite du bonheur » à Thomas Jefferson dans la rédaction du 1er amendement de la Déclaration d’Indépendance des États-Unis, apporte une dimension plus matérialiste au bonheur. S’appuyant sur la tabula rosa, John Locke considère que le bonheur se vit dans les expériences quotidiennes de l’individu et repose sur une accumulation de plaisirs et de souffrances. Il ajoute que le bonheur est un élément motivationnel très fort dans la conduite humaine et place la poursuite du bonheur comme une liberté fondamentale de l’individu.

Le bonheur selon Sade. Donatien Alphonse François De Sade (1740-1810), dit le

Marquis de Sade, a également beaucoup contribué à l’élaboration de la définition de l’hédonisme. À travers ses œuvres et notamment « Justine ou les malheurs de la vertu » (1791), Sade dépeind une vision matérialiste de l’hédonisme où la satisfaction d’un désir repose sur un mode de destruction de l’objet désiré. En ce sens, l’hédonisme sadien est très proche du modèle actuel de consommation dans les sociétés capitalistes et notamment dans le monde occidental (Berlet, 2005).

Le bonheur selon Bentham. Parallèlement, Jérémy Bentham (1748-1832) apporta

une dimension utilitariste au bonheur hédoniste en indiquant que chaque individu cherche à maximiser son bonheur à travers un ratio positif entre les plaisirs et les peines vécus. Dans son ouvrage « Principes de la morale et de la législation » (1789), il évoque que la somme du bonheur de chaque individu forme le bonheur collectif désignant la recherche et la promotion d’un bonheur collectif comme essentielles pour permettre le développement économique de toute société. La conception utilitaire du bonheur amène également à définir le « principe du bonheur le plus grand » (principle of greatest happiness) qui signifie que le bonheur du plus grand nombre prime avant le bonheur individuel dans les choix des actions de l’individu et de la société. L’investissement et l’intérêt des sociétés contemporaines dans la promotion du bien-être de leurs citoyens indiquent toute l’actualité des idées utilitaires de Bentham dans la

définition de leurs politiques. À ce titre, Veenhoven (2004) évoque les conduites de certains politiciens qui tentent de justifier leurs choix politiques, au nom de ce grand principe. Le dirigeant nord-coréen, Kim Jong-un, a lui-même justifié ses choix politiques et militaires au nom de la recherche du bonheur de son peuple lors de son discours public du Nouvel An, prononcé le 1er janvier 20138.

L’enfer, c’est les autres ? La pensée benthamienne amène ainsi à s’interroger sur les

rapports entre le bonheur individuel et le bonheur collectif. Plusieurs réponses peuvent être apportées à ce débat. Tout d’abord, beaucoup de philosophes mettent l’accent sur la volonté et le rôle actif de l’individu dans la quête du bonheur. Ensuite, le bonheur est souvent décrit comme une expérience subjective où il appartient à l’individu lui-même de définir la voie à suivre. Par exemple, Kant9 se veut méfiant vis-à-vis des personnes qui tendraient à vouloir prescrire aux autres ce qui rend heureux tandis que Montaigne10 se dit incapable de suivre au quotidien la philosophie très exigeante des stoïciens. S’appuyant sur les écrits d’Aristote et d’Épicure, Lenoir (2013) évoque trois dimensions centrales dans le rôle de l’autre à son propre bonheur : l’identité, la réciprocité et l’altérité. Cette première dimension signifie que l’autre réflète une partie de soi-même avec qui on peut partager quelque chose et qu’elle concoure à construire sa propre identité. La deuxième dimension soulignée par cet auteur insiste sur l’importance de la symétrie dans les relations entre les deux individus où chacun doit apporter et recevoir pour construire les échanges. Enfin, l’altérité désigne la nécessité de se démarquer de l’autre et de reconnaître les particularités de l’autre. Néanmoins, un équilibre doit être trouvé car si autrui peut participer à la construction du bonheur individuel, il peut aussi participer à sa déconstruction lorsque les relations entretenues sont mortifères. Un aspect différent à aborder se retrouve dans la pièce de théâtre « Huis clos » présentée en 1944 à Paris où Jean-Paul Sartre (1905-1980) nous dit que « l’enfer, c’est les autres ». À travers cette maxime, ce philosophe français souligne que la dépendance de l’individu vis-à-vis du jugement d’autrui peut être source de malheur. Nous verrons ultérieusement que cette réflexion est d’autant plus vraie dans les pays s’inspirant de la pensée confucéenne plaçant le rapport à la communauté comme un élément central dans la construction de soi (Suh, 2007).

8 http://www.radio-canada.ca/nouvelles/International/2013/01/01/004-coree-nord-kim-jong-un.shtml

9 Kant, E. (1785). Fondements de la métaphysique des mœurs.

Eudémonisme et hédoniste : Une synthèse. En somme, nous avons pu constater qu’il

existe un débat vif entre le courant eudémoniste et le courant hédoniste du bonheur. L’eudémonisme trouve ses racines dans la pensée de plusieurs philosophes grecques comme Socrate, Platon et Aristote définissant le bonheur comme une fin en soi. Certains philosophes comme Kant prônent l’idée d’une quête individuelle pour y parvenir tandis que d’autres mettent l’accent sur des principes plus ou moins rigoureux à suivre comme les courants stoïciens, épicuréistes, religieux et confucéens. D’ailleurs, beaucoup de ces auteurs rejettent, de manière assez marquée, le courant hédoniste. L’hédonisme met davantage l’accent sur la satisfaction de désirs immédiats. Les philosophes du siècle des Lumières à l’instar de Spinoza, Hobbes, Locke et Sade amènent l’idée d’une accumulation quotidienne d’affects positifs et négatifs qui sera reprise ultérieurement dans la conceptualisation psychologique du bonheur hédoniste. Ces différents courants psychologiques ont fortement marqué la genèse des travaux sur le bonheur s’inscrivant dans le champ de la psychologie.

1.1.1.3. Étymologie du bonheur et évolutions de sa définition

Le sens donné au concept de bonheur a beaucoup évolué à travers le temps dans les sociétés occidentales avant d’avoir le sens qu’il a aujourd’hui (Kitayama & Markus, 2000).