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Vers une différenciation des approches

Études sur le bien-être subjectif à l’écoleRecherche sur la mesure

2. Bien-être subjectif et construction du choix d’orientation d’orientation

2.2. Vers une différenciation des approches

2.2.1. Approche ascendante et approche descendante : Une confusion

Un débat complexe et une causalité incertaine. Paraphrasant notre introduction

générale, est-ce le bien-être subjectif qui favorise la construction du choix d’orientation ou est-ce que la construction du choix d’orientation qui favorise le bien-être subjectif ? La réponse ne parait pas aussi simple qu’il n’y parait renvoyant davantage à l’énigme de l’œuf et de la poule. Une autre manière d’y répondre sera de requalifier la question en tant que paradoxe sorite permettant de dire qu’il s’agit davantage d’identifier les construits psychologiques sous-jacents aux concepts évoqués pour comprendre et définir le sens de cette relation. Néanmoins, ce paradoxe est pourtant très présent dans la littérature scientifique actuelle. À titre d’illustration, nous pourrions évoquer le numéro spécial sur le bien-être subjectif publiée dans la revue scientifique Journal of Career Assessment en 2008 dirigée par W. Bruce Walsh. Ainsi, dans son introduction, l’auteur évoque que l’objectif est d’explorer comment la psychologie de l’orientation peut contribuer au développement du bien-être subjectif. Néanmoins, plusieurs auteurs, publiant dans ce même numéro, évoquent à leur tour

comment le bonheur ou le bien-être subjectif peuvent contribuer au développement professionnel de l’individu. De même, Uthayakumar et al. (2010) explorent et argumentent le rôle prédicteur de la prise de décision d’un choix d’orientation sur le bien-être subjectif auprès de 181 étudiants canadiens en construisant leur introduction théorique à partir d’une étude réalisée par Rottinghaus et al. (2009) ayant explorée l’effet de certaines dimensions du bien-être subjectif sur cette première variable auprès d’un groupe de 388 étudiants étatsuniens.

La difficulté de positionnement des chercheurs. Notre objectif ne sera pas de

relever toutes les contradictions qui peuvent se révéler dans la littérature scientifique mais il nous semble essentiel de clarifier les différents positionnements et les ambiguïtés qui peuvent être soulevées dans l’étude des relations entre le bien-être subjectif et la construction du choix d’orientation. De nombreux modèles suggèrent le caractère évolutif des choix d’orientation en tant que résultats d’une interaction entre les caractéristiques et l’environnement socio-culturel (Hall, 1996 ; Lent et al., 1994 ; Pryor & Bright, 2007 ; Savickas, 1997 ; Savickas et al., 2009). Parallèlement, de nombreuses études ont démontré autant la sensibilité du bien-être subjectif aux évènements de vie (Lucas, 2007 ; McCullough, Huebner, & Laughlin, 2000 ; Suh, Diener, & Fujita, 1996) que sa stabilité au cours du temps (Chamberlain & Zika, 1992 ; Costa, McCrae, & Zonderman, 1987; George, 2010 ; Horley & Lavery, 1991 ; Sandvik et al., 2009). Enfin, d’autres auteurs évoquent ne pas vouloir ou ne pas pouvoir se positionner sur la causalité, bien qu’ils prennent pourtant un positionnement relativement clair dans l’analyse des résultats (Arnold, 1989; Uthayakumar et al., 2010). Plus récemment, Robertson (2013) dresse une revue de la littérature portant sur les effets de l’orientation scolaire scolaire et professionnelle sur le bien-être. La définition étiologique de la relation entre le bien-être subjectif et la construction du choix d’orientation se retrouve donc fortement compliquée à établir dans le sens où ces deux ensembles de variables peuvent être catégorisés autant comme des variables dépendantes que comme des variables indépendantes, autrement dit, autant comme des prédicteurs que comme des prédicats de l’autre.

Catégoriser les principaux modèles théoriques par la causalité. En somme, ce

courant de recherche est traversé par deux approches majeures. La première intègre les modèles théoriques et empiriques se basant sur une conception ascendante de la relation entre bien-être subjectif et construction du choix d’orientation, où ce dernier serait le précurseur du premier. La deuxième intègre les modèles théoriques et empiriques se basant sur une conception descendante de cette même relation, où cette fois-ci, le bien-être subjectif serait un

antécédent dans la construction du choix d’orientation. Dans les parties suivantes, nous ferons un inventaire et une analyse des principaux modèles élaborés appartenant à ces deux approches. Nous pourrons ainsi observer que les approches descendantes sont relativement plus récentes que les approches ascendantes. Néanmoins, il nous semble essentiel d’évoquer succinctement le statut de l’hypothèse de la causalité réciproque entre le bien-être subjectif et la construction du choix d’orientation et les implications épistémiques et politiques de ces approches.

2.2.2. Statut de l’hypothèse de la causalité réciproque

Quel statut de l’hypothèse de la causalité réciproque ? Pour concilier les approches

ascendantes et descendantes du bien-être subjectif, l’hypothèse d’une causalité réciproque a été explorée à plusieurs reprises (Diener et al., 1999 ; Rolland, 2000 ; Scherpenzeel & Saris, 1996) donnant lieu à une forme de statu quo. Suivant le même schéma, il est certainement possible d’imaginer des liens de réciprocité entre le bien-être subjectif et la construction du choix d’orientation (Hirschi, 2011). Cependant, il semble très difficile de mettre en œuvre une méthode expérimentale permettant de tester les inférences causales dans la mesure où la manipulation du bien-être auprès d’un groupe d’individus n’est pas viable d’un point de vue éthique et déontologique (Rolland, 2000).

L’apport des études longitudinales. Une étude longitudinale menée par Patton,

Creed et Muller (2002) sur un intervalle de 9 mois auprès d’un groupe de 132 lycéens australiens en classe de terminale avait pour objectif d’examiner la relation entre les effets du bien-être psychologique sur la maturité vocationnelle et l’emploi occupé. Ces chercheurs ont alors pu démontrer que le bien-être psychologique était corrélé avec la maturité vocationnelle et qu’il venait prédire l’emploi occupé. Cependant, l’étude ne permet pas de conclure sur le rôle prédicteur du bien-être subjectif. En revanche, une autre étude longitudinale menée par Creed et al. (2003) sur un intervalle de 9 mois également auprès d’un groupe de 168 lycéens australiens en classe de terminale a porté sur les effets de la satisfaction de la vie et du sentiment d’efficacité vocationnelle sur l’emploi occupé. Les résultats indiquent que ces deux variables indépendantes viennent prédire l’emploi occupé suggérant qu’une satisfaction de vie faible était plus souvent associée avec une absence d’emploi. Néanmoins, ces études ne traitent pas directement de la construction du choix d’orientation et ne permettent pas de statuer directement sur l’hypothèse de la causalité réciproque.

2.2.3. Implications épistémiques de ces approches

Que faire en l’absence face aux interprétations possibles de la causalité ?

Beaucoup de recherches se basent sur l’étude de corrélations entre ces variables ce qui peut laisser une double interprétation possible à travers l’inversion des variables dépendantes et indépendantes sélectionnées dans le cadre expérimental (Headey, Veenhoven, & Wearing, 1991). Dans la mesure où le lien de causalité n’a pas été clairement établi dans la recherche scientifique, le choix réalisé par un chercheur étudiant la relation entre ces variables peut alors s’apparenter davantage à un choix épistémique, méthodologique, idéologique, ou même politique. Suivant les idées évoquées par Yeganeh, Su et Chrysostome (2004), ce positionnement épistémique ou méthodologique, lorsqu’il est pleinement affirmé et argumenté par les auteurs, peut se révéler être très important pour mesurer les limites inhérentes à la recherche scientifique réalisée et établir les perspectives alternatives à explorer.

Affirmer son positionnement épistémique. Nous choisirons nous-mêmes dans

certaines expérimentations un positionnement épistémique clair mais prudent qui permettra de donner une lecture à nos hypothèses et à notre analyse des données. Suivant la réflexion menée par Lecomte (2012), les choix épistémiques sont inhérents à la recherche en psychologie et plus particulièrement dans le champ de la psychologie positive. Par exemple, le fait d’avoir choisi comme objet d’étude le bien-être subjectif souligne notamment la considération et l’acceptation du bonheur dans sa conception hédoniste. Néanmoins, chaque choix relevant d’un positionnement épistémique et prenant racine sur des faits peut être scrupuleusement analysé, détaillé et falsifiable suivant des principes reposant sur « l’objectivité, la rationalité, la cohérence, la simplicité, l’exactitude, la plausibilité » (Lecomte, 2012, p. 24). Ces mêmes choix viendront définir des limites à notre étude qui seront nécessairement abordées en discussion.

Le manque de données empiriques dans certains modèles théoriques. Dans

plusieurs modèles théoriques, il n’existe pas nécessairement de données empiriques pour étayer les propos. Ainsi, plusieurs auteurs affirment que la finalité de l’orientation scolaire et professionnelle est de permettre aux individus de formaliser leur recherche de sens et de bonheur (Gal, 1955 ; Savickas et al., 2009 ; Sharf, 2006 ; Walsh, 2008). Néanmoins, il s’agit

parfois davantage d’une orientation philosophique, politique ou idéologique que d’une démonstration scientifique des effets produits sur l’individu.