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Contexte scientifique

1.1.2 Quelle avalanche pour quel type de neige ?

1.1.2.1 Les différents types de neige

Nous répertorions dans cette partie les grandes catégories de neige. Nous prenons soin de ne pas rentrer dans des descriptions thermodynamiques. Les particules de neige sont classiquement réparties en six grandes familles, correspondant chacune à un certain état d’avancement de l’évolution de la neige au sol. Ces familles ont pour appellations cristaux de neige fraîche, particules reconnaissables, grains fins, grains à faces planes, gobelets ou grains ronds.

1. Parmi ces organismes :

– l’Association Nationale pour l’Étude de la Neige et des Avalanches (ANENA : http ://www.anena.org/), – une division nivologie a l’Institut de Recherche pour l’Ingénierie de l’Agriculture et de l’Environnement

(maintenant le CEMAGREF : http ://www.grenoble.cemagref.fr/), – le Centre d’Étude de la Neige (CEN).

Les cristaux de neige fraîche

On peut les observer (figure 1.3a) lorsqu’il neige par température négative, ils n’ont subi aucune modification depuis la fin de leur création au sein des nuages. Leur structure est à base hexagonale, et ils peuvent se présenter sous la forme d’étoiles, de plaquettes ou d’aiguilles selon la température à laquelle ils ont été créés. Leur taille est comprise entre un et cinq millimètres. Au sol, ces cristaux s’enchevêtrent les uns dans les autres, donnant lieu à une certaine cohésion dite de feutrage. La masse volumique de cet assemblage complexe est comprise entre 50 et 150 kg.m−3. Ces cristaux ne gardent leur forme que quelques heures : pour le cas des étoiles par

exemple, les dendrites se cassent petit à petit sous l’effet du poids de la couche supérieure.

Les particules reconnaissables

Elles constituent (figure 1.3b) le stade suivant de l’évolution des cristaux de neige fraîche. Elles sont reconnaissables, c’est-à-dire qu’il est encore possible de reconnaître le type de cristal dont elles sont issues. Il existe encore une légère cohésion de feutrage, issue des dendrites encore intactes. À ce stade, on observe également quelques particules plus arrondies, soudées entre elles par de petits ponts de glace, à l’origine de la cohésion de frittage. Celle-ci est encore faiblement représentée à l’échelle du manteau neigeux. Une couche de ce type de neige a une masse volumique de 100 à 200 kg.m−3.

(a) (b)

Figure 1.3: (a) Cristal de neige fraîche en étoile (photo [SnowCrystals]). (b) Particule re-connaissable (photo [ANENA]).

Les grains fins

Suite à la destruction de toutes les dendrites d’un cristal, il en résulte un grain fin (figure 1.4b), particule quasiment sphérique dont la taille est de l’ordre de 0.5 mm. Ils sont caracté-risés par leur cohésion de frittage (figure 1.4a), une conséquence de la formation de ponts de glace entre les grains, ayant pour effet de les souder les uns aux autres. La masse volumique est ici plus élevée, entre 200 et 400 kg.m−3. Les grains fins constituent l’essentiel de la masse

du manteau neigeux et persistent tant que la température de l’air est négative. Ils sont le constituant principal, liés par la cohésion de frittage, des plaques dures de neige formées par le vent qui, reposant sur une couche fragile, sont à l’origine d’un grand nombre d’avalanches.

(a) (b)

Figure 1.4: (a) Cohésion par frittage, (b) grains fins (photos [ANENA]).

Les grains à face plane et gobelets

Il s’agit dans les deux cas de grains anguleux. Les premiers présentent des faces planes et des angles marqués, les deuxièmes adoptent la forme d’une pyramide striée généralement creuse (figure 1.5a). Leur taille est de l’ordre du millimètre pour les grains à face plane, de plusieurs millimètres pour les gobelets. La masse volumique d’une couche constituée de ce type de neige est comprise entre 250 et 350 kg.m−3. Contrairement aux neiges précédemment

citées, la cohésion y est très faible, raison pour laquelle elle est généralement dénommée couche fragile. Celle-ci est souvent à l’origine du glissement d’une couche supérieure de neige, phénomène de déclenchement d’une avalanche.

Les grains ronds

Ils sont caractéristiques de la neige humide, qui contient de l’eau sous forme liquide. Ces grains (figures 1.5b et 1.5c) sont généralement sphériques, lisses et d’un diamètre de l’ordre de plusieurs millimètres. La masse volumique correspondante est élevée, comprise entre 350 et 500 kg.m−3. La cohésion d’une couche de grains ronds dépend de la quantité d’eau présente

entre les grains. Si cette quantité est faible, les grains sont maintenus les uns contre les autres par l’effet de la cohésion capillaire. Dans le cas contraire, pour une quantité importante d’eau liquide, la cohésion est faible, la neige devient alors pâteuse, ressemble à de la "soupe".

(a) (b) (c)

Figure 1.5: (a) Gobelets (photo [ANENA]). (b) et (c) Grains ronds (photos [MétéoFrance] et [ANENA]).

1.1.2.2 Les modes d’écoulements avalancheux

Une avalanche est un phénomène naturel au cours duquel une certaine quantité de neige, pouvant être mélée à de la terre, des pierres ou de la glace, s’écoule de manière gravitaire le long d’une pente montagneuse. Il est défini comme un écoulement gravitaire rapide, contrai-rement à la reptation définie comme un écoulement gravitaire lent (figure 1.6).

Figure 1.6: Reptation du manteau neigeux (photo CEMAGREF).

Le mot "gravitaire" provient du fait que le moteur de ce phénomène est la gravité. L’ava-lanche peut être de plusieurs natures en fonction du volume de neige mobilisé, du type de neige et de la topographie du terrain. Il est difficile de classer un phénomène naturel com-plexe tel qu’une avalanche. Nous reprenons donc la classification semblant être admise dans le domaine de l’ingénierie paravalanche [Givry, 2003], dans laquelle on estime qu’il est suffisant de distinguer deux cas limites d’écoulement : l’avalanche coulante et l’avalanche en aérosol. À noter également que cette classification est construite par rapport au type d’écoulement, et non pas par rapport au type de déclenchement.

L’avalanche coulante ou avalanche de neige dense

Le centre de gravité d’une avalanche coulante ou de neige dense se situe au voisinage du sol. Le terme "coulante" caractérise le fait que l’écoulement suit la topographie du terrain (figure 1.7). Sa vitesse maximale est de l’ordre de 30 m.s−1 et sa masse volumique peut atteindre

500 kg.m−3. Du fait de cette dernière, la pression exercée par un tel type d’avalanche sur un

obstacle est très importante, pouvant atteindre plusieurs centaines de kPa. Les qualités de neige constituant le matériau en écoulement peuvent êtres très différentes, allant de la neige sèche à de la neige très humide. Par conséquent, on peut y rencontrer la neige sous forme de grains ou de boules plus ou moins grosses. Le milieu en écoulement est fortement hétérogène du point de vue de la répartition des tailles.

En fonction de la proportion d’eau liquide présente dans le milieu, il existe deux grandes classes d’avalanches denses, caractérisées par deux profils de vitesse distincts :

– les écoulements partiellement fluidifiés (figure 1.8a) dans lesquels le matériau en écoule-ment est forteécoule-ment cisaillé à la base. Dans cette zone de cisailleécoule-ment intense, la vitesse est quasiment nulle au niveau de la surface de glissement, puis augmente rapidement jus-qu’à atteindre une valeur maximale. Au dessus de cette zone de cisaillement, la vitesse est uniforme jusqu’à la surface libre de l’écoulement. Ces écoulements sont constitués de neige sèche, généralement des grains fins.

Figure 1.7: Avalanche coulante, Oz-en-Oisans (Photo F. Valla).

– Les écoulements solides (figure 1.8b) dans lesquels le matériau a un mouvement de bloc solide glissant le long d’une pente, se traduisant par un profil de vitesse uniforme. Ces écoulements sont constitués de neige saturée en eau sous forme liquide.

Bien évidemment, suivant le degré de saturation en eau de la neige, le profil de vitesse peut varier dans une gamme située entre ces deux cas extrêmes.

Altitude

Vitesse

(a) (b)

Altitude

Vitesse

Figure 1.8: Vitesse en fonction de l’altitude dans l’épaisseur de neige. (a) Cas d’un écoule-ment partielleécoule-ment fluidifié. (b) Cas d’un écouleécoule-ment solide.

L’avalanche en aérosol

L’avalanche en aérosol est un écoulement turbulent constitué de particules de neige en suspension dans l’air (figure 1.9). Contrairement aux avalanches coulantes, sa trajectoire est très peu influencée par la topographie du terrain. Ce type d’avalanche peut atteindre des vitesses de 100 m.s−1 et générer des pressions très élevées (jusqu’à 1000 kPa) sur des instants

très brefs de l’ordre de quelques millisecondes. Sa masse volumique est faible, d’environ 50 kg.m−3. L’aérosol formé est précédé d’une onde de surpression, appelée souffle de l’avalanche,

capable de briser des arbres ou encore d’arracher une toiture pour la reposer plus loin presque intacte. Ce phénomène naturel naît du brassage d’un écoulement dense, dû aux différences de vitesse entre la base et la surface libre, permettant l’incorporation d’air à la neige. La conséquence de ce mélange est la dilatation du milieu en écoulement au dessus de la surface libre de l’écoulement dense. L’alimentation de l’aérosol en neige dépend des capacités de reprise de neige à la partie dense. Les types de neige rencontrés dans une avalanche en aérosol peuvent être des cristaux, des particules reconnaissables ou encore des grains fins.

Figure 1.9: Avalanche se développant en aérosol (Source U.S. National Park Service).

Nous venons de décrire les deux grandes catégories d’avalanche, dans un classement qui tient compte de la dynamique de l’écoulement. Dans la majeure partie des cas, les avalanches résultent du mélange entre une partie dense et un aérosol, la première étant à l’origine du deuxième : ces avalanches sont appelées "mixtes".