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Phase de sollicitation : relation entre écoulement et effort

Zone de dépôt

1.2.3 Phase de sollicitation : relation entre écoulement et effort

L’interaction entre écoulement granulaire et obstacle est abordée du point de vue de l’obstacle. Nous ne nous intéressons pas au changement de trajectoire des particules induit par l’interaction avec l’obstacle, mais à la description de l’action appliquée par l’écoulement. Néanmoins, il est important que cette description soit reliée aux propriétés de l’écoulement en dehors de l’influence de l’obstacle. Pour cela, nous rappelons la définition du nombre de

FroudeFr, et nous introduisons le coefficient de traînée Cd (déjà évoqué sous l’appellation λ dans le paragraphe 1.1.4.1).

1.2.3.1 Le nombre de Froude Fr

Le nombre de Froude caractérise l’importance relative des forces liées à la vitesse par rapport aux forces liées à la pesanteur. Il s’agit d’un nombre sans dimension, défini par :

Fr = Ux

g he, (1.4)

avec Ux la vitesse dans la direction principale de l’écoulement, g la constante gravitationnelle et he l’épaisseur de l’écoulement. Lorsque Fr < 1, le régime d’écoulement est dit subsonique, ce qui correspond à une suprématie de la force de pesanteur devant les forces d’inertie dans l’écoulement. Lorsque le nombre de Froude Fr > 1, les forces d’inertie sont les plus impor-tantes, ce qui caractérise un régime supersonique. Nos expériences se situent dans ce dernier régime, ainsi que bon nombre d’avalanches, notamment celles constituées de grains fins. 1.2.3.2 Le coefficient de traînée Cd

Lorsqu’un objet immobile est immergé dans un fluide en déplacement, il subit un champ de pression dont la résultante dans la direction principale de l’écoulement est appelée traînée. La force de traînée Fd est exprimée de la manière suivante :

Fd= 1 2ρ U

2

x · A · Cd, (1.5)

avec Uxet ρ la vitesse et la masse volumique du fluide au delà de l’influence de l’obstacle,Cdle coefficient de traînée de l’objet immergé et A le maître-couple, ou encore surface de référence. Cdest un nombre sans dimension permettant de quantifier la force de résistance de la surface de l’objet, il est assimilable au coefficient λ que nous avions introduit précédemment. Nous réécrivons l’équation 1.5 pour isolerCd dans un seul membre :

Cd= Fd Pr· A =

Fd

1

2ρ Ux2· A (1.6)

Nous rappelons que Pr= 1

2ρ Ux2 est la pression dynamique dans l’écoulement.

Le coefficient de traînée dépend de plusieurs paramètres, pouvant être liés soit à l’écoule-ment, soit à la géométrie de l’obstacle. L’influence de l’écoulement correspond à une dépen-dance du coefficient de traînée au nombre de Froude. L’influence de la géométrie se manifeste par une dépendance du coefficient de traînée à la forme de la surface, ainsi qu’au rapport entre hauteur ho de l’obstacle et épaisseur de l’écoulement he.

1.2.3.3 dépendance du coefficient de traînée au nombre de Froude

La dépendance du coefficient de traînée Cdau nombre de FroudeFr est mise en évidence dans de nombreuses études (figure 1.18). Deux types de dépendance existent selon la valeur de Fr, soit inférieure soit supérieure à la valeur unitaire :

Si Fr < 1, d’après la définition du nombre de Froude, les forces gravitaires sont prépon-dérantes devant les forces liées aux vitesses dans l’écoulement. Les études montrent alors une relation de proportionnalité entre Cd et Fr−2. Ceci implique tout d’abord simplement

une décroissance de Cd lorsque Fr croît, mais également une indépendance entre force de traînée et vitesse lorsque le régime d’écoulement est subsonique. Une des premières études

expérimentales à ce sujet [Wieghardt, 1975] a consisté à déplacer lentement un cylindre non totalement immergé dans un milieu granulaire dense constitué de sable. La raison de l’indé-pendance de la force de traînée à la vitesse fut alors retrouvée et expliquée par le fait que la traînée était causée par les contacts frictionnels exercés autour du cylindre, mécanisme indépendant de la vitesse. Cette non dépendance fut confirmée par la suite lors d’expériences en 2D [Chehata et al., 2003] et en 3D [Albert et al., 1999, 2001] pour des objets à sections variables immergés dans des billes de verre de différentes tailles. Lors d’expériences in situ engageant l’étude de véritables écoulements avalancheux [Sovilla et al., 2008a], une étude récente montre que l’indépendance de la force de traînée à la vitesse, pour des nombres de Froude faibles caractéristiques des avalanches denses fluidifiées, est également valable.

SiFr > 1, les forces cinétiques sont supérieures aux forces gravitaires. Les études effectuées sur une gamme de vitesse suffisamment large montrent, comme dans le cas où Fr < 1, une décroissance de Cd lorsque Fr croît. Elles montrent également une évolution de Cd en aFr−b, avec a et b des valeurs numériques positives estimées de manière empirique à partir

de plusieurs couples (Fr,Cd). Dans [Holzinger and Hübl, 2004], a = 9 et b = 1.2 pour Fr compris entre les valeurs 1 et 15, les expériences sont alors effectuées en laboratoire sur des étraves miniatures impactées par un écoulement de billes de verre. Des valeurs similaires sont estimées [Thibert et al., 2008] dans une étude expérimentale sur des écoulements avalancheux naturels : ici le couple a = 2· 10.8 et b = 1.3 pour 0.7 < Fr < 7 et l’écran impacté a une surface de 1 m2 frontale à l’écoulement. Un nombre de Froude supérieur à l’unité caractérise

plus spécifiquement, dans le cas des avalanches, des écoulements denses secs.

0 5 10 15 0 2 4 6 8

Thibert et al., 2008 : in-situ (avalanche de grains fins) Holzinger et al., 2003 : laboratoire (3D, billes de verre) Tiberghien, 2007 : laboratoire (2D, fluide à seuil) Hauksson et al., 2007 : laboratoire (3D, billes de verre) Recommandations par Salm et al., 1990

Cd = 2 (obstacle plat)

Cd = 1 (obstacle concave)

Cd

Fr

Figure 1.18: Recueil non exhaustif des valeurs de Cd en fonction de Fr, obtenues dans différents types d’études.

Cette relation en aFr−b est également retrouvée avec des valeurs numériques différentes

[Tiberghien, 2007], avec a = 4.48 et b = 1.66, pour des nombres de Froude proches de l’unité dans la gamme 0.6 <Fr < 1.82. L’étude est alors menée en canal de laboratoire sur un fluide à seuil, avec pour but de reproduire une boue torrentielle. La valeur de b se rapproche de la valeur -2, qui signifie une non dépendance de la force de traînée à la vitesse en amont

de l’obstacle. Dans le cas des avalanches de neige, l’étude de [Sovilla et al., 2008a] montre une non dépendance de la force de traînée à la vitesse lorsque Fr < 1 et le fait contraire lorsque Fr > 1. Néanmoins la transition entre les deux régimes n’est pas bien définie, à cause notamment de la difficulté quant à la détermination précise de la frontière entre zone de saltation et zone dense dans l’avalanche, et du rapport inconnu entre vitesses internes et vitesses surfaciques, ces dernières étant celles considérées dans le calcul de Fr et de Cd.

1.2.3.4 dépendance du coefficient de traînée à la géométrie de l’obstacle

La dépendance de Cd à la forme et à la hauteur de l’obstacle rapportée à l’épaisseur de l’écoulement est moins importante, néanmoins elle n’est pas négligeable. Dans [Hauksson et al., 2007], cette dépendance est étudiée en canal de laboratoire pourFr = 13, le matériau granulaire est un assemblage de billes de verre. L’application recherchée est l’évaluation de la traînée exercée sur des pilônes de ski, ayant une section circulaire et une hauteur importante devant l’épaisseur de l’écoulement avalancheux incident. Deux géométries sont choisies pour les obstacles : à section rectangulaire ou cylindrique mais ayant la même largeur devant l’écoulement. Il s’avère que la traînée exercée sur l’obstacle à section rectangulaire est 30% supérieure. De plus, la traînée est augmentée de quasiment 30% lorsque le rapport entre ho

et he passe de 2 à 5, mais au delà du rapport 5 la force de traînée n’augmente quasiment plus.

Ces considérations nous mènent à la conclusion que l’évolution du coefficient de traînée est complexe, et que sa gamme de valeurs est très large. Elle ne peut être simplement réduite à 1 ou 2, comme le propose les recommandations Suisses dans la construction de structures frontales [Salm et al., 1990], selon que la surface impactée est légèrement concave (Cd = 1) ou plate (Cd = 2). De plus, les mesures de vitesse sont généralement effectuées en surface, sauf pour les expériences en 2D, et les masses volumiques ne peuvent être qu’estimées, ce qui ajoute encore à la difficulté de la réelle compréhension de l’évolution du coefficient de traînée.

1.2.3.5 Rôle de la zone morte

Lors d’un impact entre écoulement et obstacle, il se crée une zone tampon en amont de celui-ci, qui peut être morte ou d’influence. Cette zone a un rôle que l’on pourrait qualifier de protecteur. En effet, dans le cas des avalanches de neige, elle est constituée d’un tas de neige compacté sous l’effet de l’écoulement amont, qui a tendance à dissiper l’énergie véhiculée par l’avalanche. Par ailleurs, si la forme de l’obstacle était initialement droite, cette zone adopte une forme concave, pouvant être diédrique [Thibert et al., 2008] (figure 1.19), ayant pour effet de dévier l’écoulement, diminuant d’autant plus la force de traînée.

De rares études quantifient le rôle de la zone morte dans l’évolution de la pression exercée sur l’obstacle la créant. Par exemple, dans [Tiberghien, 2007], l’auteur étudie cette zone de manière expérimentale pour le cas particulier des fluides à seuil avec application aux laves torrentielles boueuses, pour des nombres de Froude voisins de l’unité. Le matériau exploité est non opaque et permet un accès aux vitesses internes sur un plan d’écoulement en 2D. Sont alors identifiés un régime d’impact de jet et un régime d’impact de zone morte, suivant le régime découlement, une zone morte se formant dans le premier cas, pas dans le deuxième. Les études citées précédemment, mis à part celle effectuée en 2D, dans lesquelles les vitesses internes sont plus facilement accessibles, souffrent d’une inexactitude plus ou moins grande des mesures de vitesse et de la masse volumique. Les vitesses sont mesurées en surface et la masse volumique est estimée de manière indirecte, en fonction de la vitesse, de l’épaisseur et de la quantité initiale de matériau utilisé. La nécessité de quantifier l’évolution précise du coefficient de traînée en fonction du nombre de Froude passe par l’utilisation de moyens

Figure 1.19: Zone morte en forme de dièdre.

permettant de calculer les valeurs de vitesse et de masse volumique en surface libre, mais surtout à l’intérieur de l’écoulement.

En 3D, ceci peut se faire en utilisant des moyens numériques adaptés, qui peuvent égale-ment permettre une meilleure connaissance de la zone morte ou d’influence, et de son effet sur la force de traînée. Dans la suite, nous donnons un aperçu des méthodes numériques classiques utilisées pour la modélisation des milieux granulaires.

1.3 Méthodes numériques pour la simulation d’écoulements

gra-nulaires

Il existe de multiples méthodes numériques pour la modélisation des milieux granulaires en écoulement [Wolf, 1996]. Elles sont généralement classées en deux catégories principales : les méthodes continues et les méthodes discrètes.