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133 Les pages suivantes présentent, session après session, chacun des films produits à l’initiative du Master en Documentaire de création de l’Université Pompeu Fabra. Au début de chacune de ces périodes de deux ans, nous nous sommes attardé sur plusieurs éléments qui, nous semble-t-il, rendent compte de l’évolution du Master, de l’importance croissante de celui-ci dans le panorama cinématographique catalan, espagnol et international, ainsi que de divers événements culturels qui contribuent à créer une « centralité culturelle » à partir du cinéma et, notamment, à partir des documentaires réalisés ces dernières années. « Créer de la centralité » est l’une des principales idées défendues par le directeur du Master en Documentaire de création de l’UPF et directeur d’exposition au CCCB, Jordi Ballñ, comme nous l’avons souligné. Il y a deux éléments, relativement différents mais concomitants, capables de générer une véritable filiation et de faire d’une culture une référence centrale : d’une part, la capacité des œuvres à innover et leur capacité à établir une relation avec le présent, une manière de l’interroger Ŕ politiquement, socialement, esthétiquement Ŕ et, d’autre part, le róle des institutions pour faire de ces œuvres un patrimoine culturel commun, partagé.

Pendant les deux années que dure une session du MDC, des événements culturels comme ceux évoqués dans le chapitre précédent Ŕ une nouvelle exposition, un festival, la rétrospective de l’œuvre d’un cinéaste, la sortie d’un film, l’accueil d’un réalisateur à Barcelone, la création d’une revue Ŕ vont façonner, progressivement, cette centralité du Master et du documentaire, tout en le transformant, par le biais de diverses influences, tant sur la formation, les étudiants, les enseignants que sur le public des films dont il est question.

Se constituant rapidement comme un important patrimoine culturel, les films du MDC et l’œuvre des cinéastes qui y participent sont, petit à petit, reconnus dans des festivals internationaux, et le Master lui-même devient une identité singulière, reconnue par les programmateurs, les critiques et, finalement, le public. Des festivals de cinéma comme ceux de Paris (« Cinéma du Réel »), Locarno, Alba et Rotterdam, des médias comme La Vanguardia, TVC ou Cahiers du Cinéma España contribuent à la constitution de cette centralité, de même que les diverses publications et travaux universitaires traitant du documentaire récent. Néanmoins, les films sont loin de bénéficier tous du même accueil, de la même distribution, et la différence entre chacun des cas souligne la fragilité du modèle et, en dernier ressort, la dépendance des films vis-à-vis du travail des producteurs et des mécanismes d’opinion, qui se forgent à partir de la critique et de la promotion des films.

Le choix de présenter ici ces films par session permet ainsi un traitement diachronique, qui rende compte de la constitution de cette centralité, des filiations qui se dessinent, ainsi que de l’émergence progressive d’une nouvelle esthétique réaliste au sein du cinéma catalan. C’est

134 pourquoi nous avons signalé, quand cela nous semblait important, la sortie d’autres films que l’on pourrait rapprocher de ce qui se dessine au sein du Master, mais également la naissance d’événements importants pour la centralité du documentaire. Ce changement de paradigme, s’il prend forme avant tout dans le cadre de cette formation de l’Université Pompeu Fabra, pour des raisons expliquées auparavant, n’y est pas limité.

D’autre part, le Master est à l’origine ou accompagne des films qui bénéficient d’autres logiques de production, d’autres types de financement que ceux auxquels nous avons pu faire référence. Comme il a déjà été précisé, nous ne présenterons pas de commentaires détaillés de ces films, mais ils seront mentionnés au début de chaque chapitre, afin de mettre en exergue la présence de la production du Master dans différents secteurs de l’audiovisuel (TVE, TVC, ARTE), d’insister sur la diversité de ses pratiques et de souligner ce que nous avons désigné comme étant la dynamique du Master.

Ainsi, notre attention s’est, avant tout, portée sur les longs-métrages dont le Master est à l’initiative : ce sont ces films qui en ont forgé l’identité et qui continuent d’être ce qui le distingue des autres formations universitaires. Mais, est-ce que chacun de ces films arrive à se constituer comme une œuvre centrale, malgré la marginalité du documentaire ? Et, sinon, quelles seraient les principales différences pouvant expliquer la difficulté de certains films à générer cette centralité ? Y-a-t-il également une communauté d’esprit au sein de la création que génère le MDC, d’un point de vue esthétique ou narratif ? Les manières de faire, entre cinéastes, se ressemblent-elles ? En quoi peuvent-elles également diverger ? Quels sont les enjeux de ces films ? Plus précisément : quel spectateur ces films tendent-ils à constituer, quel rapport au monde proposent-ils ? En interrogeant certains choix de forme de ces films, nous tenterons de mettre en avant certains choix éthiques et, de fait, politiques.

La chronologie que nous avons suivie correspond au cycle de formation de deux ans. Les films qui y sont préparés sortent donc après ces deux ans, durant la session suivante, généralement ou, dans certains cas (comme Tierra negra de Ricardo Íscar ou Memòria negra de Xavier Montanyà) deux sessions après. Néanmoins, nous avons préféré conserver cette chronologie afin de situer le travail qui s’effectue au sein d’un groupe, même si celui-ci n’est pas toujours effectué dans la continuité. Cela permet encore de rendre de compte des difficultés rencontrées et de la fragilité de telles productions. Les fiches techniques qui se trouvent à la fin de chaque film indiquent notamment la date de sortie du film en Espagne, en salles et à la télévision.

Après avoir commenté chacun de ces films, nous tenterons d’avancer les premières conclusions concernant le modèle du Master en Documentaire de création de l’UPF. Y-a-t-il

135 véritablement un modèle de films « Pompeu » ? Peut-on considérer le MDC comme un mouvement artistique ? Dans l’affirmative, quelles en seraient les caractéristiques essentielles, qui apparaitraient tout au long des films ? Quel rapport ces films entretiennent-ils avec le reste de la production documentaire internationale ? Quelle est l’évolution de ce modèle au fil des sessions et des films dont le MDC est à l’initiative ? Mais revenons d’abord à ces deux premières années essentielles, 1998-1999, c'est-à-dire à la première session à laquelle participent Joaquín Jordá, Jean-Louis Comolli et José Luis Guerin.

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CHAPITRE 4 : PREMIÈRE SESSION (1998-1999),

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