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Après avoir recruté trente étudiants et leur avoir annoncé la participation de José Luis Guerin, Jean-Louis Comolli et Joaquín Jordá, le MDC commence sa formation, au début de l’année 98, non sans quelques tâtonnements et hésitations concernant les enseignements. Certains cours se répètent, d’autres se mettent en place au fur et à mesure de l’année, à la demande des étudiants. Le Master en est encore à un stade expérimental, c’est-à-dire qu’il développe sa propre méthode à mesure que la formation se déroule. Le documentaire est représenté dans sa diversité, tant du point de vue de la création, de la diffusion, que de sa théorisation : comme nous allons le voir, interviennent des universitaires, des cinéastes, des producteurs et des programmateurs de l’Europe entière, souvent proches de la chaîne franco- allemande ARTE, mais également des personnalités qui, en Espagne, ont tenté de défendre le documentaire au cinéma.

Dès lors, il n’est pas surprenant qu’intervienne, lors de la première session du Master, le journaliste Javier Rioyo, lequel avait réalisé, avec le directeur de la photographie José Luis López-Linares, en 1996, Asaltar los cielos, un long-métrage sur l’assassin de Trotsky, l’Espagnol Ramñn Mercader. Ce documentaire, comme nous avons eu l’occasion de le dire, fut l’un des premiers films documentaires de cette période à obtenir une subvention importante de l’ICAA. C’est également, comme l’a souligné Josetxo Cerdán (2008 : 11), « le premier film [depuis] la Transition qui connaît un processus de distribution et d’exploitation […] normalisé »277

et le premier à être véritablement accueilli par l’institution du cinéma espagnol : à ce titre, le film est en compétition pour le meilleur montage lors des Goya 1997 (11e édition)278.

Les films de la maison de production créée par Rioyo et López-Linares, Cero en conducta S.L., n’en sont pas moins des films qui suivent le modèle qu’Andrés Di Tella et Antonio Monegal nomment le « documentaire National Geografic » (Di Tella et al., 2007 :

277 « la primera película [desde] la Transición que vive un proceso de distribuciñn y exhibiciñn […]

normalizado ».

278 Josetxo Cerdán a également précisé l’importance de l’équipe technique dans l’accueil du film par

l’institution : outre le célèbre chef opérateur passé à la réalisation, José Luis López-Linares, l’actrice Charo López prête sa voix au film et le musicien Alberto Iglesias, habitué du cinéma de Julio Medem, puis de Pedro Almodóvar, en compose la musique.

137 70-72), à savoir un documentaire caractérisé par une série de normes qui configurent déjà le discours du film et les manières de voir, de comprendre279. Il ne s’agit pas ici de nier l’intérêt que peuvent avoir les films produits par Rioyo et López-Linares mais de mettre en exergue l’importance encore forte de codes issus de certains formatages, qui en définissent le type de narration. Ainsi, les lecteurs des monographies sur Luis Buñuel reconnaîtront sans peine l’importance du travail d’Agustìn Sánchez Vidal280

dans le film A propósito de Buñuel (2000) de Rioyo et López Linares281 : le scénario du film prédéfinit, en très grande partie, l’ensemble du film. Le point de vue sur le cinéaste de Calanda semble être avant tout celui du scénariste282, bien que Javier Rioyo soit à l’origine des entretiens.

Si, par la suite, le cinéma qui sera issu du Master diffère substantiellement des productions de Cero en conducta, Javier Rioyo apporte aux étudiants du Master son expérience de précurseur dans la revendication d’un cinéma documentaire espagnol. Asaltar los cielos est un film pionnier dans le renouveau du documentaire à la fin des années 90 et les autres productions de Cero en conducta jouent un rôle non négligeable dans la participation du documentaire espagnol à la constitution d’un audiovisuel européen, par les liens que Rioyo et López Linares entretiennent avec ARTE. Ainsi, la formation cherche à construire, à partir d’expériences variées, sa propre identité, sans refuser les propositions télévisuelles ou cinématographiques formatées. Progressivement, pourtant, le MDC s’éloignera de ce type de proposition audiovisuelle.

La participation de Javier Rioyo, de l’enseignante Margarita Ledñ Andiñn283, des producteurs Paco Poch et Patrice Barrat284, suggère la volonté de Jordi Balló de présenter aux étudiants les principales initiatives concernant le documentaire en Espagne, lesquelles ont contribué à inscrire, progressivement, le documentaire comme une œuvre de création

279

L’utilisation de la voix off et le recours à la parole d’experts en sont les principaux traits marquants.

280

Agustìn Sánchez Vidal est l’auteur de nombreux ouvrages sur Luis Buðuel. Il est le premier à avoir édité et annoté l’œuvre littéraire complète du cinéaste de Calanda et a écrit notamment Buñuel, Dalí, Lorca: el enigma

sin fin (1988, Planeta) et El mundo de Luis Buñuel (2000, CAI).

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Le film est coproduit par TVE et ARTE. Quelques années plus tard, José Luis López-Linares réalise, à l’invitation d’ARTE, un portrait d’un autre cinéaste aragonais : Retrato de Carlos Saura (2004), scénario signé à nouveau par A. Sánchez Vidal.

282 Il est d’ailleurs significatif que ce scénario soit signé par le seul Agustìn Sánchez Vidal et que les réalisateurs

n’y participent pas.

283 Elle réalise, à partir de 2004, plusieurs films : Santa Libertade (2004), Lavalcolla, 1939 (2005), Manuel

María: Fala e terra desta miña terra (2005).

284 Patrice Barrat, alors producteur chez Point du jour, avait participé à la coproduction de Granados et Delgado,

un crime légal. En 1998, il fonde l’Agence de presse audiovisuelle Article Z, en association avec Johan

Almqvist, Jordi Balló, Ian Burton, Assaad Haidar, Ademir Kenovic et Pierre Peyrot. Il est à l’origine de

Sarajevo : chronique d’une rue assiégée (1994-1995), une série documentaire où, dans chaque épisode, pendant

deux minutes, des habitants d’une même rue étaient filmés, créant un dispositif permettant de rendre compte de la réalité du siège de Sarajevo, une manière de lutter contre d’autres traitements télévisuels qui banalisaient les représentations du conflit par la répétition des images et des récits.

138 nécessitant la participation des chaînes de télévision locales et nationales. « Le réveil du documentaire » débute, comme le signalait María Paz López dans les pages du supplément de La Vanguardia, Vivir, en février 1999285.

Cette première session bénéficie de la venue du cinéaste américain Frederick Wiseman, lequel sera une rencontre déterminante pour de nombreux étudiants. Invité à Barcelone à l’occasion d’une importante rétrospective autour de son travail à la Filmoteca de Catalunya286, le cinéaste qui a consacré son œuvre aux portraits de différentes institutions américaines et européennes présente également ses films devant une classe qui, majoritairement, méconnaît jusqu’au nom de l’Américain. La découverte de cette œuvre marque un point fondateur dans la formation : le travail de Frederick Wiseman devient une référence commune aux différents étudiants qui peuvent écouter le cinéaste commenter chacun de ses films après les projections. Ainsi, l’importance que le documentariste américain accorde au son dans la mise en scène inspirera le travail de Marta Andreu et d’Amanda Villavieja sur le tournage du film de Guerin, En Construcción, et, par la suite, la manière de travailler d’Amanda Villavieja. Avec Marta Andreu, un peu plus de dix ans après leur rencontre avec Wiseman, elle écrit un article dans Cultura/s287 qui témoigne de cet héritage.

Le modèle de formation se précise : elle récupère la tradition espagnole récente, tant depuis la revendication de certains films de référence que depuis l’enseignement du documentaire et de sa production et elle inclut des pratiques diverses, pensées pour le cinéma et la télévision. La formation donne des repères internationaux à ses étudiants : Wiseman et Comolli en sont alors les figures les plus marquantes. Ainsi, en donnant ces nouvelles références aux étudiants, le MDC modifie les pratiques des futurs documentaristes et des futurs producteurs, il confronte leur désir de films à de nouvelles formes qui modifient les projets des cinéastes.

Signe également de l’intérêt croissant pour le cinéma du réel à la fin des années 90, un autre documentariste, qui deviendra une référence régulière pour les futurs cinéastes espagnols, est invité à Barcelone en juillet 1999 : Johan van der Keuken. Une exposition, au

285 López, María Paz, « El despertar del documental » in Vivir, La Vanguardia, 7/02/1999, p.7. 286

Entre le 19 janvier et le 1er février 1998, c’est-à-dire quand le Master de l’UPF débute, la Filmoteca de Catalunya programme Law and order (1969), Welfare (1975), Model (1980), The store (1983), Near Death (1989), Zoo (1989), High school II (1992). Dans l’article « La Filmoteca dedica un ciclo a Frederick Wiseman, maestro del cine documental » (La Vanguardia, 19/01/1998, p.29), Lluìs Bonet Mojica commente l’importance du cinéaste américain dans l’histoire du documentaire. L’œuvre de Wiseman semble très mal connue en Catalogne. Il est précisé que l’auteur de Titticut Follies (1967) « donnera des cours à la Pompeu Fabra » (« impartirá clases en la Pompeu Fabra »). Celui-ci interviendra au début de la première session pendant plusieurs jours.

287

Andreu, Marta et Villavieja, Amanda, « Dirigir desde el sonido » in Cultura/s, La Vanguardia, 19/01/2011, p.25.

139 CCCB, est consacrée à son œuvre photographique et présente des extraits de ses films : « Le corps et la ville »288. L’exposition coïncide avec la première en Espagne d’Amsterdam Global Village (1996), diffusé au CCCB.

A plus d’un titre, cette première session du MDC initie une dynamique nouvelle au sein du cinéma espagnol. Les films dont le MDC est à l’initiative prolongent et complètent ainsi la transformation entreprise auprès des étudiants. Monos como Becky de Joaquín Jordá apparaît, lors de sa présentation au Festival de Sitges en 1999, comme une œuvre fondatrice pour toute une génération, qui découvre à cette occasion une autre manière de faire des documentaires. Buenaventura Durruti, anarchiste donne à découvrir ou redécouvrir l’œuvre du cinéaste et théoricien du cinéma français289, qui aura une influence importante sur les jeunes documentaristes290, par le biais des articles parus dans la presse, qui commentent son travail et les interventions du cinéaste en dehors de l’Université. Enfin, les réactions inespérées, quand le film de José Luis Guerin est présenté à San Sébastian, ne feront que confirmer la centralité du Master dans le renouveau que connaît le documentaire.

Avant que les films issus du MDC ne trouvent une résonnance singulière dans le panorama espagnol, les professeurs-réalisateurs, Jean-Louis Comolli, José Luis Guerin et Joaquín Jordá, doivent trouver une méthode de travail. Chacun, selon les nécessités du film et le type de production et de tournage, intègre le groupe d’étudiants à son projet de film. Cette contrainte sera envisagée de diverses façons selon le projet lui-même. Chaque cinéaste expérimente.

Simultanément au Master, Ariadna Pujol et Marta Albornà, qui sont étudiantes en Communication Audiovisuelle à l’Université Pompeu Fabra, réalisent Tiurana (1999). Ricardo Íscar, qui enseigne l’histoire et la théorie du documentaire, les accompagne dans leur travail. La méthode de réalisation utilisée, inspirée des pratiques de Robert Flaherty (documentation, observation, filmage, analyse et mise en récit) est la même que de nombreux films qui se réaliseront par la suite au sein du Master. Avant même que l’expérience du film de José Luis Guerin, En Construcción, ne se fasse connaître, les étudiants reviennent à ces méthodes que l’usage de la vidéo facilite. Le róle de Ricardo Íscar, dans sa manière de transmettre une certaine idée du cinéma, de la responsabilité du documentariste, semble avoir été décisif dans les choix que feront les réalisatrices. Aussi, peut-on remettre en question

288 L’exposition avait été présentée auparavant à Paris, à la Maison européenne de la photographie, à la maison

de l’Amérique Latine et à l’Institut Néerlandais, du 4 novembre 1998 au 14 février 1999.

289 La Cecilia (1975) et L’ombre rouge (1981) sont sortis en salles en Espagne et la Filmoteca de Catalunya

consacre une rétrospective à Jean-Louis Comolli en 1993.

290

C’est ce dont témoignent notamment Núria Esquerra, Marta Andreu ou Mercedes Álvarez dans les entretiens qu’elles nous ont accordés.

140 l’existence de deux lignes directrices au sein du Master : l’une suivant un modèle inspiré par Guerin, l’autre par Jordá. Cette dichotomie, souvent mentionnée291, fait fi de l’influence de Jean-Louis Comolli, de Ricardo Íscar, de Frederick Wiseman, de Luciano Rigolini292 ou d’Eckart Stein, pour citer certains des principaux intervenants de la première session. Cela s’explique peut-être par la renommée dont jouissent José Luis Guerin et Joaquín Jordá, surtout à partir du MDC, mais aussi par leur présence beaucoup plus régulière au sein de l’Université. Il ne faudrait pourtant pas négliger l’apport des autres cinéastes, producteurs et programmateurs qui ont, chacun, apporté une vision singulière sur le cinéma du réel et ont pu influencer les futurs cinéastes et les futurs producteurs.

Comme nous l’avions souligné, la première session bénéficie d’un engagement fort de la part d’ARTE. Thierry Garrel intervient en septembre 1998 à l’UPF, de même que Luciano Rigolini et Eckart Stein, qui sont les tuteurs de certains étudiants. D’autres acteurs du documentaire européen participent à la première session, comme Yves Jeanneau293.

Il faudra attendre que les premiers longs-métrages sortent pour mesurer l’ampleur du succès de cette première session, mais les années 1998 et 1999 sont d’ores et déjà des années d’espoir, comme le souligne le producteur Joan González294. Un espoir qui n’empêche pas,

néanmoins le doute et l’incertitude. En effet, en dehors de Canal +, la télévision ne s’intéresse pas encore à la production de documentaire. Comme l’explique alors Jordi Ballñ, « le seul horizon des chaînes est celui de réaliser des reportages journalistiques ou d’acheter des documentaires étrangers […]. On n’encourage pas la production indépendante, ce qui, dans d’autres pays, est un fait acquis. »295

Si la diffusion du film de Víctor Erice, El Sol del membrillo (1993) sur TVE, dans un programme consacré au cinéma espagnol296, peut paraître un signe d’ouverture de la part de la chaîne de télévision nationale, le film de Jean-Louis

291 On peut se référer par exemple à plusieurs entretiens dans Al otro lado de la ficción (Cerdán et Torreiro,

2007).

292 Le photographe et réalisateur italien est, depuis sa création en 1997, le chargé de programmes de La Lucarne,

qui produit et diffuse des documentaires atypiques sur ARTE. Parmi les cinéastes produits par La Lucarne, nommons Chris Marker, Avi Mograbi, Naomi Kawase, Arnaud Des Pallières, Lech Kowalski, Alain Cavalier, Alexandre Sokourov, Sergeï Loznitsa, Péter Forgács et Chantal Ackerman.

293 Yves Jeanneau, cofondateur des Films d’Ici, est à l’origine du Marché International du film documentaire,

Sunny Side of the Doc, à La Rochelle, dont il est le commissaire général.

294

López, María Paz, « El despertar del documental » in Vivir, La Vanguardia, 7/02/1999, p.7.

295 « El único horizonte de las cadenas es realizar reportajes periodísticos o comprar documentales extranjeros ŕ

se lamenta Jordi Ballóŕ. No se incentiva la producción independiente, algo que en otros países se da por sentado » cité par López, María Paz, « El despertar del documental » in Vivir, La Vanguardia, 7/02/1999, p.7.

141 Comolli, qui devait être distribué en salles par Sherlock297, est finalement programmé à la télévision à une heure tardive et ne sera pas distribué en salles.

Les difficultés pédagogiques et artistiques qu’implique le contrat passé entre étudiants et cinéastes ne se posent pas de la même manière selon les projets et les pratiques documentaires. Les étudiants ne trouvent pas toujours leur compte dans les dispositifs proposés, mais un processus de transmission s’établit, incontestablement, entre certains cinéastes et certains étudiants. Surtout, un groupe se forme notamment, durant le tournage du film En Construcción, un groupe qui sera le socle du Master, tant dans la formation que dans la création du documentaire des années qui suivront.

297

« Coproduit par TVE, la chaîne franco-allemande ARTE, l’Institut National de l’Audiovisuel français et la maison de production Mallerich Films, le film sur la vie de Durruti a de l’avenir dans les salles de cinéma. Le distributeur Sherlock pourrait la sortir en salles en février dans le cinéma Verdi de Barcelone » (« Coproducida por TVE, la cadena franco-alemana ARTE, el Institut National de l’Audiovisuel francés y la productora Mallerich Films, la película de la vida de Durruti tiene futuro en salas de cine. La distribuidora Sherlock podría estrenarla en febrero en el cine Verdi de Barcelona ») écrit une journaliste de La Vanguardia dans un article paru à la fin de l’année 1999 (López, María-Paz, « Memoria de un anarquista » in Vivir, La Vanguardia, 2/11/1999, p.12).

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Monos como Becky298 (1999) de Joaquín Jordá

Résumé

La voix de Joaquín Jordá invite le spectateur à entrer dans « le labyrinthe ». Il s’agit tout autant du labyrinthe de buissons de la première scène que du film entier. Le récit, à partir d’éléments très hétérogènes, mêle la biographie du neurologue portugais Antonio Egas Moniz (1874-1955), les portraits des résidents du centre d’accueil de Malgrat de Mar et l’histoire de la maladie du cinéaste Jordá, victime d’un accident vasculaire cérébral (AVC). Ces histoires sont autant de chemins à parcourir, des chemins qui se séparent ou se rencontrent et qui, ensemble, dessinent le récit unique de la folie et de la psychiatrie au XXe siècle : celui de l’évolution de ses traitements, des expérimentations aventureuses, des souffrances du patient et des rapports complexes que la société entretient avec certaines pathologies.

Deux « médecins-historiens », Enrique Jordá et Antonio Rey commentent le travail du neurochirurgien Almeida Lima et du neurologue Egas Moniz. Ce dernier entreprend d’intervenir sur le cerveau humain, avec l’aide de son collègue. Il s’appuie notamment sur les travaux de deux Américains, Fulton et Jacobsen, qui ont fait de singes agressifs Ŕ parmi lesquels Becky Ŕ des animaux pacifiques et tranquilles, en provoquant des lésions sur leurs lobes frontaux. Cette volonté de contrôle des conduites, expliquent E. Jordá et A. Rey, traverse l’histoire des centres de psychiatrie au XXe

siècle, depuis les premières interventions neurochirurgicales jusqu’à l’utilisation massive des neuroleptiques. En pratiquant d’abord la lobotomie Ŕ technique qui découle des travaux d’Egas Moniz Ŕ puis en utilisant des neuroleptiques, quel traitement est-il véritablement proposé au patient ? Et la généralisation des neuroleptiques ne mène-t-elle pas à ce qu’E. Jordá appelle une « leucotomie sociale » ?

L’image en noir et blanc montre l’acteur portugais João Maria Pinto faire des recherches sur Egas Moniz. Il se rend dans la demeure du neurologue et dans une bibliothèque pour y consulter des articles de journaux et retracer ainsi les événements notoires de la vie du médecin. Le 15 mars 1939, un patient tire plusieurs coups de feu sur le médecin, mais ce dernier survit à ses blessures. Le 27 octobre 1949, l’institut Karolinska lui décerne le prix Nobel de Médecine. Il meurt le 13 décembre 1955, à l’âge de 81 ans. Enfin, en 1974, le Portugal fête le centenaire de la naissance du premier Ŕ et alors unique Ŕ prix Nobel

298

En France, Monos como Becky a été diffusé par la chaîne ARTE sous le titre Docteur Lobotomie, le 11 août 2000 à 22h18, selon la notice précise de l’Inathèque.

143 portugais.299 En cette année de Révolution des Œillets, c’est un changement important, car aucune information cinématographique, vingt-cinq ans avant, n’avait fait cas de la remise du prix Nobel.300

La visite guidée du musée et les entretiens avec la famille du scientifique complètent le portrait d’un homme dont on souligne la gentillesse, la fantaisie, le goût pour le luxe et les parties de cartes. Eclectique, Egas Moniz s’écarte de la figure du spécialiste, caractéristique de la science du XXe siècle. Le portrait, qui contraste avec le prestige du Nobel, est très vite suspect, lorsque sont mises en scène la détermination et la précarité avec laquelle il opère pour réaliser ses premières leucotomies.

João Lobo Antunes, héritier de la chaire d’Egas Moniz à l’Université de Lisbonne, explique les deux découvertes fondamentales du Portugais : l’angiographie cérébrale et la

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