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Les qualités politiques requises du droit libéral en formation :

Dans le document Intérêt général et droits fondamentaux (Page 90-103)

116. La liaison entre le pacte et le droit, qu’opère la notion d’intérêt général, préfigure la nature particulière du droit à venir, un droit destiné à mettre en œuvre le projet libéral. Elle lui donne son essence libérale. Il est possible d’en proposer une synthèse en partant, notamment, de la théorie bodinienne de la souveraineté. « En faisant de "la puissance de donner et casser la loi" la première marque de la souveraineté, Jean Bodin a imposé une idée neuve, celle selon laquelle le droit est une œuvre humaine. Il est le fondateur de la conception moderne du droit qui voit dans le droit le produit d’un pouvoir ou, en termes plus exacts, de la volonté humaine qui occupe le pouvoir suprême. Plus encore, en affirmant le caractère absolu de la souveraineté, Jean Bodin a établi "la puissance de l’État"

et fondé la conception moderne de la législation qui voit dans la loi l’expression d’une parole souveraine qui n’est tenue au respect des usages, des coutumes et des droits que parce tel est son bon

130 L’accord auquel les hommes parviennent est la conclusion d’un pacte dans lequel ils mettent en œuvre un dispositif extrêmement simple : l’institution d’une règle commune protectrice de leur liberté. Cette règle restrictive de leur liberté fait accéder les libertés au statut de liberté civile.

131 E. KANT, Doctrine du droit, op. cit., p. 49 § 8. L’état civil kantien est cet état où les droits et libertés (« mien et tien extérieurs ») sont reconnus, bref, existent.

132 F.RANGEON, L’idéologie de l’intérêt général, op. cit., p. 101.

plaisir »133. L’échec de l’ensemble des bornes connues que sont la seule raison, la religion ou la morale, a conduit les hommes à identifier une règle nouvelle en capacité de borner efficacement, et pour tous, les libertés de chacun afin de garantir la liberté de tous. L’échec des règles pouvant exister dans tout état autre que l’état civil a permis de déceler ce qui manquait au regard de ce qu’offrait l’état civil. Locke identifie trois éléments déterminants et manquants dans l’état pré-civil : « des lois établies », « un juge reconnu, qui ne soit pas partial » et « un pouvoir qui soit capable d’appuyer et de soutenir une sentence donnée, et de l’exécuter »134. Locke convoque en définitive les propriétés classiques d’une règle singulière : la règle de droit135. Un dispositif technique absent de l’état de nature. « C’est pourquoi, la plus grande et la principale fin que se proposent les hommes, lorsqu’ils s’unissent en communauté et se soumettent à un gouvernement, c’est de conserver leurs propriétés, pour la conservation desquelles bien des choses manquent dans l’état de nature » (italique dans le texte)136.

117. Rénover la résolution du conflit par la création de la société civile a pour fin suprême la préservation des libertés. L’étude de François Rangeon, en faisant remonter à la Révolution française l’établissement de la liaison entre restriction et protection de la liberté par le droit, confirme l’apport de la notion d’intérêt général au processus de juridicisation des droits et libertés : « La liberté individuelle, fondée sur le droit, est ainsi restreinte par le droit lui-même, au nom de l’intérêt général » (nous soulignons)137. Restreindre la liberté suppose donc de poser une règle de droit (A.) que seule une structure juridique comme l’État (B.) est en capacité de produire et dont la légitimité repose sur le concept de souveraineté (C.). Ce sont là les trois qualités nécessaires en vue de former le droit libéral.

A. – La règle de droit expression de la raison humaine : la nécessité de la règle de droit

118. La sollicitation de la règle de droit, en tant que nécessité, pour borner les libertés répond d’abord à un devoir. Ainsi, selon Kant, « nous ne connaissons notre propre liberté (de laquelle

133 É. ZOLLER, Introduction au droit public, op. cit., p. 37. François Saint-Bonnet écrit, concernant Bodin, qu’il « se présente lui-même comme l’inventeur de la souveraineté » (Cf. F. SAINT-BONNET, L’état d’exception, op. cit., p. 190).

Voir, plus largement, sur Jean Bodin, G. LESCUYER, Histoire des idées politiques, op. cit., p. 231 et s.

134 J. LOCKE, Traité du gouvernement civil, op. cit., p. 237, respectivement § 124, § 125 et § 126.

135 Voir par exemple la définition qu’en donne le Lexique des termes juridiques : « Règle de conduite dans les rapports sociaux, générale, abstraite et obligatoire, dont la sanction est assurée par la puissance publique ». Cf. R. GUILLIEN,J.

VINCENT, (dir.), Lexique des termes juridiques, Dalloz, 12ème éd., 1999, p. 450 ; G. CORNU, Vocabulaire juridique, op. cit., p. 872 : « désigne toute norme juridiquement obligatoire (normalement assortie de la contrainte étatique), quels que soient sa source (règle légale, coutumière), son degré de généralité (règle générale, spéciale), sa portée (règle absolue, rigide, souple, etc.) ». Sur ce phénomène, imputable originellement à Bodin, G. PECES-BARBA MARTINEZ, Théorie générale des droits fondamentaux, op. cit., p. 291 et s. : « Le système juridique, qui naît avec la modernité lie les deux phénomènes qui ont commencé à être théorisés par Bodin : la production normative est considérée comme la première fonction du pouvoir souverain » (p. 291).

136 J. LOCKE, Traité du gouvernement civil, op. cit., p. 237 § 124.

137 F.RANGEON, L’idéologie de l’intérêt général, op. cit., p. 141.

procèdent toutes les lois morales, par conséquent aussi tous les droits aussi bien que les devoirs) que par l’intermédiaire de l’impératif moral, lequel est une proposition commandant le devoir, mais à partir de laquelle ensuite la faculté d’obliger d’autres hommes, c’est-à-dire le concept de droit, peut être développée » (italique dans le texte)138. Autrement dit, la liberté induit le devoir de lui apporter des limites, ce devoir étant alors, selon Kant, la source de la règle de droit. La liaison n’est pas opérée dans les faits puisqu’in fine l’érection de l’ordre juridique à venir trouve sa justification dans une règle morale identifiée par le penseur allemand comme étant un impératif. Un impératif qu’il précise ainsi : ayant rappelé le principe selon lequel « toute action est juste qui peut faire coexister la liberté de l’arbitre de chacun avec la liberté de tout autre selon une loi universelle, ou dont la maxime permet cette coexistence »139, Kant souligne que ce principe relève d’« une exigence que l’éthique m’adresse »140, faisant de l’instauration de la règle de droit un principe extérieur à l’Homme : « Il en résulte aussi qu’on ne peut exiger que ce principe de toutes les maximes soit lui-même, à son tour, ma maxime (…) »141.

119. La sollicitation de la règle de droit, comme nécessité, répond également à une exigence pratique142. L’institution d’une règle de droit provient de ce que la conciliation des libertés égales des hommes ne peut se faire de leur propre volonté. Il faut médiatiser cette conciliation. Sinon c’est la loi du plus fort dont on sait qu’elle est inapplicable au regard des libertés et de leur conservation. Et tous s’accordent sur la nécessité de produire une règle susceptible de venir limiter équitablement les droits et libertés des uns et des autres. La liberté sans borne, c’est le pouvoir du fait, c’est l’état de nature ou l’état de guerre conduisant, comme nous l’avons montré, à un conflit à la fois inéluctable et interminable143. La liberté bornée, c’est le pouvoir du droit, c’est la résolution possible et certaine du conflit originel. Et c’est effectivement la seule possible, celle « s’exprimant par rapport aux autres hommes et au sein d’une société, à laquelle s’attache le droit, cette sorte de lien entre les solitudes. Sa mission primordiale est d’équilibrer les antagonismes en préservant la sphère de chacun »144. « C’est

138 E. KANT, Doctrine du droit, op. cit., p. 28.

139 E. KANT, op. cit., p. 17.

140 E. KANT, op. cit., p. 18.

141 E. KANT, op. cit., p. 17. Voir aussi J.-L. AUBERT, Introduction au droit et thèmes fondamentaux du droit civil, op. cit., p. 12 : « Parce qu’elle vise à organiser la société et à régir les relations qui s’établissent entre les membres de celle-ci, la règle de droit ne peut qu’être extérieure à la personne ».

142 Sans doute n’est-il pas exclu que Kant ait retenu aussi cette vision pratique du droit dans sa Doctrine lorsque, développant le principe d’équité comme préalable à la résolution des conflits entre les libertés, il constate qu’elle ne peut être reçue (« une divinité muette qui ne peut être entendue devant un tribunal ») faute de règle de droit pour la concrétiser :

« Celui qui exige quelque chose en se référant à ce principe s’appuie sur son droit, avec simplement cette précision que lui manquent les conditions dont a besoin le juge pour pouvoir déterminer dans quelle mesure ou de quelle manière on pourrait donner satisfaction à sa prétention » (italique dans le texte) ». Cf. E. KANT, op. cit., p. 21.

143 Cf. supra n°s 13 et s. et n°s 105-107.

144 F. TERRE, « Sur la notion de libertés et droits fondamentaux », in R. CABRILLAC, M.-A. FRISON-ROCHE, T. REVET, (dir.), Libertés et droits fondamentaux, op. cit., p. 3 ; ainsi qu’É. MILLARD, Théorie générale du droit, op. cit., p. 34 : « Le droit, selon toutes les conceptions disponibles, a une dimension sociale évidente » ; enfin, V. SAINT-JAMES, La conciliation des droits de l’homme et des libertés en droit public français, op. cit., p. 470 : « La conciliation des droits, c’est leur effectivité même ».

un idéal politique que poursuit (ou prétend poursuivre pour certains) la règle de droit : contrer la société de nature où ne règne qu’un seul "droit", le droit du plus fort et du plus puissant »145.

120. La doctrine allemande n’est pas étrangère à l’avènement de cette conception de la règle de droit. Le droit, et ses règles, sont saisis par la doctrine allemande à la faveur du luthérianisme146 qui se développe au cours du XVIème et dont les tenants « propagèrent des croyances qui allaient changer profondément les sociétés et, en particulier, l’idée selon laquelle les sociétés sont régies par des lois que l’esprit humain tire de sa propre raison, de sa conscience. Selon eux, il faut découvrir les lois qui seront les meilleurs, celles qui apporteront et feront le bonheur de la société »147. Et le professeur Zoller d’ajouter : « Le but n’est donc plus comme dans la scholastique de tirer le maximum de propositions juridiques implicites dans les textes faisant autorité, mais d’établir la validité des règles juridiques en démontrant qu’elles découlent des principes de conscience reconnus comme justes par la raison »148. Gilles Lebreton souligne le rôle essentiel que jouera, ensuite, la théorie moderne du droit naturel, dont la Déclaration de 1789 peut se réclamer – en partie –, comme philosophie politique des droits de l’Homme : « La "philosophie des droits de l’Homme" a en effet pour but de persuader ou de contraindre les acteurs juridiques à transposer les droits naturels subjectifs dans le droit positif »149. La nécessité de la règle de droit tranche, enfin, le nœud gordien que les Révolutionnaires avaient cru dénouer : « La tension, qui n’échappe pas à la vigilance du lecteur de la Déclaration de 1789, entre universalisme et légicentrisme, traduit bien cette paradoxale corrélation, typiquement moderne, entre l’affirmation d’une supériorité des droits subjectifs de l’homme sur l’État et la souveraineté absolue de la loi positive. Alors que le texte fondateur rappelle en effet, sur le ton déclaratif, les "droits naturels"

de l’homme en les présentant comme antérieurs à la constitution de toute association politique, il investit en même temps le législateur, pour chacun d’entre eux, du soin d’organiser les garanties et les limites de leur exercice »150.

121. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que les règles morales et religieuses soient en partie écartées au profit de la règle de droit151 : « La règle morale tend à la perfection de la personne et à

145 L. SERMET, Une anthropologie juridique des Droits de l’homme. Les chemins de l’océan Indien, op. cit., p. 13.

146 Sur la doctrine de Luther, professeur de théologie, et sa réception auprès des princes électeurs et des villes en Prusse, voir É. ZOLLER, Introduction au droit public, op. cit., p. 50-53.

147 É. ZOLLER, op. cit., p. 54-55.

148 É. ZOLLER, op. cit., p. 55.

149 G. LEBRETON, Libertés publiques et droits de l’Homme, op. cit., p. 22.

150 A. VIALA, « Droits fondamentaux (Notions) », in D. CHAGNOLLAUD, G. DRAGO, (dir.), Dictionnaire des droits fondamentaux, op. cit., p. 313. C’est, en outre, la thèse défendue par le professeur Peces-Barba en ces termes : « le concept intégral des droits n’existe vraiment qu’une fois que les prétentions morales justifiées deviennent des règles de Droit positif – ce qui n’est pas sans rejoindre les objectifs du contractualisme classique » (nous soulignons). Cf. G. PECES -BARBA MARTINEZ, Théorie générale des droits fondamentaux, op. cit., p. 374.

151 En partie seulement du point de vue de leurs contenus respectifs car « il demeure que ces trois ordres de règles connaissent à tout le moins des coïncidences ». Cf. J.-L. AUBERT, Introduction au droit et thèmes fondamentaux du droit civil, op. cit., p. 9. Pour une présentation de la « sécularisation » des droits de l’Homme, G. PECES-BARBA MARTINEZ, op.

cit., p. 117-120.

l’épanouissement de sa conscience. La règle religieuse veille au salut de l’être humain dans une rencontre amour avec Dieu. Ces perspectives sont assurément bien différentes de celles de la règle de droit qui "n’est ni une règle de salut, ni une loi d’amour : c’est un facteur d’ordre, un régulateur de la vie sociale" » (italique dans le texte)152. La règle de droit est de ce monde et l’État y endosse un rôle décisif.

B. – La confirmation du rôle de l’État : l’extériorité de la règle de droit

122. L’État royal français, s’il n’a pas pu porter la « vraie » liberté, aura au moins donné à voir que la reconstruction du pouvoir en faveur des individus était possible dès l’instant où la structure étatique elle-même pouvait être distinguée de la personne du Roi : « Et, s’il y a bien un fil rouge qui parcourt toute l’histoire du droit public d’Ancien régime, c’est celui-ci : l’État n’est pas au roi. La distinction entre la chose publique et le roi, corps physique ou charnel, est à travers l’institution de l’État royal la pierre fondatrice de la monarchie française »153. L’État, structure politique, ne se confond plus avec le monarque, si bien qu’il peut être saisi grâce à sa réification. Aussi la construction d’une autorité publique qui dépasse les seuls individus confère-t-elle à la règle de droit son caractère extérieur indispensable à sa mise en œuvre et à la poursuite de l’objectif de limitation aux libertés. « La règle de droit reste toujours le produit du groupe et c’est comme tel qu’elle s’impose à l’individu »154. Le groupe ne tardera pas à s’identifier à l’État.

123. L’extériorité de la règle à poser, au regard des hommes, procède encore de l’impossibilité pratique dans laquelle se trouvent ces derniers à résoudre leurs conflits. En appeler à une autorité extérieure au conflit, telle est la proposition de Humboldt : « Il en est tout autrement des différends entre les hommes ; et ils nécessitent toujours et absolument une puissance de cette nature. Car dans la discorde, les luttes naissent des luttes. L’offense provoque la vengeance et la vengeance est une nouvelle offense. Il faut donc en arriver à une vengeance qui ne permette aucune nouvelle vengeance, c’est-à-dire la peine infligée par l’État, ou à une décision qui force les parties à rentrer dans le calme, c’est-à-dire à la décision du juge »155. L’extériorité de la règle témoigne aussi de la volonté de dépasser les passions proprement humaines conduisant l’homme à dénaturer la signification de ce qu’est, pour lui, borner la liberté : « Pour garantir la liberté de tous et de chacun, un gouvernement de lois est préférable à un gouvernement d’hommes. Aristote donna une première expression de cette

152 J.-L. AUBERT, Introduction au droit et thèmes fondamentaux du droit civil, op. cit., p. 8, citant Gérard CORNU.

153 É. ZOLLER, Introduction au droit public, op. cit., p. 27.

154 J.-L. AUBERT, op. cit., p. 12-13 ; ainsi que A. SERIAUX, L. SERMET, D. VIRIOT-BARRIAL, Droits et libertés fondamentaux, op. cit., p. 27 : « La notion d’autorité est aujourd’hui comprise à peu près comme synonyme de pouvoir socialement institué (potestas) aux fins d’orienter les citoyens dans tout ce qui regarde l’intérêt général (...) ».

155 W. VON HUMBOLDT, Essai sur les limites de l’action de l’État, op. cit., p. 60. On écrira à raison que « la relation juridique serait triangulaire » (cf. F. TERRE, Introduction générale au droit, op. cit., p. 45).

règle dans la Politique quand il affirma que le citoyen libre est celui qui obéit à des lois, non à des hommes »156.

124. L’extériorité de la règle de droit, pour constituer une borne valide à la liberté précédemment définie, est enfin le pendant de l’égale liberté de tous. Si la production de la restriction aux libertés est le fruit d’un système inégalitaire, alors la borne ainsi posée ne répond pas aux impératifs qui découlent de la notion même de liberté. Dans cette mesure, sont donc écartés les régimes qui n’offrent pas en théorie cette égalité dans la production de la borne à la liberté. En témoigne la société d’Ancien Régime, divisée en ordres, foncièrement inégalitaire. Frédéric Laupies le rappelle en forme de conditions : « Loin d’être une contrainte qui brime la particularité individuelle, la loi est médiation qui permet à chacun d’échapper au pouvoir de l’autre. Cela n’est possible que si la loi n’est l’expression d’aucun intérêt particulier. L’égalité des citoyens est la condition de la rationalité de la loi. Par l’obéissance à la loi chacun échappe non seulement à la relation de force mais aussi à l’impulsion aveugle de ses propres inclinations »157. Mais cette extériorité n’est pas pour autant absolue. Sauf à dissocier la règle de droit de son destinataire et revenir à une règle potentiellement inégalitaire voire liberticide, l’extériorité de la règle de droit s’entend dans la nécessaire relation entre l’auteur de la règle et son destinataire. L’extériorité de la règle de droit est donc toujours relative car « il est vrai que les volontés individuelles peuvent être conviées, d’une façon ou d’une autre, à l’élaboration de la règle de droit (…) »158. Voyons plus loin : ces volontés doivent être conviées car c’est « la marque de la démocratie »159, c’est-à-dire, comme on le verra, le seul régime politique qui, en principe, permet d’assurer liaison entre la règle de droit et son destinataire160. La démocratie prépare alors la neutralité de l’État comme moyen au service de la réalisation de la liberté161. C’est pourquoi, la règle de droit mise en œuvre par l’État repose sur un pouvoir souverain appartenant à tous les cocontractants.

C. – La réappropriation du concept de souveraineté : la légitimité de la règle de droit

125. Fondant la règle de droit, le concept de souveraineté lui imprime cette capacité à borner la liberté puisqu’il donne à la règle de droit cette rationalité humaine. Le concept de souveraineté peut toutefois survivre à la monarchie162. Il perdure en effet à travers la disqualification des lois religieuses

156 É. ZOLLER, Introduction au droit public, op. cit., p. 99.

157 F. LAUPIES, La liberté, op. cit., p. 99.

158 J.-L. AUBERT, Introduction au droit et thèmes fondamentaux du droit civil, op. cit., p. 12.

159 Ibid.

160 En principe seulement, si l’on tient compte des limites de ce concept. En ce sens, J.-M. DENQUIN, « Démocratie », in J.

ANDRIANTSIMBAZOVINA et alii, (dir.), Dictionnaire des Droits de l’Homme, op. cit., p. 262-267.

161 Neutralité que lui donnera, plus tard, l’acception française en tant que base minimale indispensable à l’édification du système de droit : « la neutralité idéologique de l’État comme condition première de garantie de la liberté de conscience et, partant, de la liberté de religion (…) ». Cf. H. ZEGHBIB, « La loi, le juge et les pratiques religieuses », AJDA 2008, p.

1997-2002, spéc. p. 2000.

162 Sur l’idée de « survivance », voir É. ZOLLER, Introduction au droit public, op. cit., p. 114-115.

et morales, progressivement écartées par l’histoire humaine : « La sécularisation grandissante des sociétés et l’avènement de la pensée scientifique ont vidé les lois de Dieu et de nature de l’autorité morale qui, à l’époque du Grand siècle, limitaient l’État dans l’exercice de ses pouvoirs »163. « En Europe, la souveraineté a connu le même destin. Les souverains ont disparu ou, s’ils n’ont pas disparu, ils sont devenus des icônes constitutionnelles, la souveraineté est restée. Certes, l’âge républicain lui interdit de se loger dans un corps physique et de revêtir forme humaine ; la souveraineté ne peut donc plus être aujourd’hui qu’un "principe" pour reprendre le terme qui figure à

et morales, progressivement écartées par l’histoire humaine : « La sécularisation grandissante des sociétés et l’avènement de la pensée scientifique ont vidé les lois de Dieu et de nature de l’autorité morale qui, à l’époque du Grand siècle, limitaient l’État dans l’exercice de ses pouvoirs »163. « En Europe, la souveraineté a connu le même destin. Les souverains ont disparu ou, s’ils n’ont pas disparu, ils sont devenus des icônes constitutionnelles, la souveraineté est restée. Certes, l’âge républicain lui interdit de se loger dans un corps physique et de revêtir forme humaine ; la souveraineté ne peut donc plus être aujourd’hui qu’un "principe" pour reprendre le terme qui figure à

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