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ème : L’énonciation de l’intérêt général par le système de droit :

Dans le document Intérêt général et droits fondamentaux (Page 103-127)

133. Consacrer les limites à la liberté par la règle de droit, c’est consacrer l’existence juridique de la liberté et lui conférer son effectivité. « À défaut d’être effectifs, les droits de l’homme ne sont pas des droits, mais de simples prétentions »207. Mais il convient pour cela, de mettre fin à l’absoluité d’un droit ou d’une liberté porteur de sa propre négation. La fondation de notre ordre juridique en 1789 marque incontestablement l’avènement des droits et libertés juridiques comme en témoigne l’analyse que faisaient Louis Favoreu et Loïc Philip des décisions du Conseil constitutionnel portant sur le droit de propriété208 : « dans ses décisions, le juge constitutionnel a bien pris soin de préciser que

"postérieurement à 1789 et jusqu’à nos jours, les finalités et les conditions d’exercice du droit de propriété ont subi une évolution … par des limitations exigées par "l’intérêt général", ce qui signifie

202 L.FAVOREU et alii, Droit des libertés fondamentales, op. cit., p. 113.

203 L.FAVOREU et alii, op. cit., p. 81.

204 F. TERRE, Introduction générale au droit, op. cit., p. 420-421.

205 Citation de James Coolidge Carter, un juriste américain du XIXème siècle, extraite de Law, its origin, growth and fonction (1907), reprise par É. PICARD, La notion de police administrative, t. 2, op. cit., p. 543.

206 G. LEBRETON, Libertés publiques et droits de l’Homme, op. cit., p. 49.

207 É. MILLARD, « Effectivité des droits de l’homme », in J. ANDRIANTSIMBAZOVINA et alii, (dir.), Dictionnaire des Droits de l’Homme, op. cit., p. 352.

208 Les décisions dont il est question sont : CC, 16 janvier 1982, déc. n° 81-132 DC, Loi de nationalisation, Rec. p. 18 et CC, 11 février 1982, déc. n° 82-139 DC, Loi de nationalisation, Rec. p. 31.

clairement que pour lui, le droit de propriété n’est plus un droit absolu » (italique dans le texte)209. Laurent Fonbaustier va plus loin puisque, dit-il, « aucun des droits proclamés en 1789 n’a un caractère absolu (…) »210.

134. C’est donc bien l’existence non réglée juridiquement, ou sans règle de droit, qui nie le concept même de liberté dans toute sa logique. La liberté sans règle de droit n’existe pas. « Le peu de libertés inutiles [que l’Homme] a sacrifié, il le compare à la somme de toutes les libertés sacrifiées par les autres et qui, sans ces lois, pouvaient se tourner contre lui »211. Alors « l’obéissance à la loi qu’on s’est prescrite est liberté » affirmait sobrement Rousseau212. La liberté a besoin de la règle de droit pour être restreinte. « Le point de vue positiviste est ici le seul opérationnel : il n’y a droit de l’homme que par l’intervention du droit positif (…) »213. Un argument de taille vient ainsi alimenter le débat sur l’articulation entre affirmation théorique de la liberté et protection pratique de celle-ci au sein même de la Déclaration de 1789. « Le lien, précise M. Fonbaustier, entre jusnaturalisme et positivisme est, dans ce grand moment d’écriture constitutionnelle, subtil : la référence au droit naturel ne serait-elle pas, en dernière analyse, qu’un simple vernis destiné à justifier le "coup de force" de la Constituante ? Il n’est pas illégitime d’y penser dès lors qu’en écrivant les droits supposés être déclarés, les rédacteurs les placent au sommet du nouvel ordre juridique (…) admettant par là même la fonction

"constituante" de la Déclaration »214. C’est admettre, en somme, comme sérieusement et historiquement probable qu’il n’y eût jamais dans l’esprit des hommes de 1789 déconnexion entre affirmation et protection, autrement dit, que la liberté pour exister s’accompagnait, ab initio, de sa restriction immédiate incarnée par la règle de droit215. La notion d’intérêt général contient ce motif primaire de restriction à la liberté. Il est par conséquent indispensable que la notion d’intérêt général saisisse, dans cette acception, le droit pour qu’à son tour, ce dernier puisse énoncer l’intérêt général.

209 L. FAVOREU,L.PHILIP, Les Grandes décisions du Conseil constitutionnel, Paris, Dalloz, coll. Grands arrêts, 14ème éd., 2007, p. 423.

210 L. FONBAUSTIER, « Déclaration des droits de l’homme et du citoyen », in D. CHAGNOLLAUD, G. DRAGO, (dir.), Dictionnaire des droits fondamentaux, op. cit., p. 204.

211 C. BECCARIA, Des délits et des peines, op. cit., p. 169-170.

212 J.-J. ROUSSEAU, Du contrat social, op. cit., p. 61. L’article 8 de la Déclaration girondine des droits de l’Homme dispose expressément que « la conservation de la liberté dépend de la soumission à la loi » (cf. F. ROUVILLOIS, Les déclarations des droits de l’homme, op. cit., p. 64) ; B. DUARTE, Les restrictions aux droits de l’homme garantis par le pacte international relatif aux droits civils et politiques et les Conventions américaine et européenne des droits de l’homme, op.

cit., p. 668 : « il semble que ce soit l’absence de consécration de ce pouvoir [de restriction] qui serait liberticide (...) ».

213 F. SUDRE, Droit européen et international des droits de l’homme, op. cit., p. 52.

214 L. FONBAUSTIER, « Déclaration des droits de l’homme et du citoyen », in D. CHAGNOLLAUD, G. DRAGO, (dir.), Dictionnaire des droits fondamentaux, op. cit., p. 198.

215 Pour une appréciation sensiblement différente, en faisant du milieu du XXe siècle le véritable « tournant » entre jusnaturalisme et positivisme, S. ETOA, Le passage des « libertés publiques » aux « droits fondamentaux » : Analyse des discours juridiques français, op. cit., p. 42-45.

135. Un arrêt de la Cour d’appel de Caen se fait judicieusement l’écho de cette nécessité duale :

« Les libertés publiques sont des droits reconnus et aménagés par l’autorité publique »216. Cette reconnaissance et cet aménagement procèdent ainsi de la vocation structurante de la notion d’intérêt général. Cette énonciation de l’intérêt général incombant au système de droit libéral repose, d’abord, sur l’instauration d’un ordre juridique libéral (§1.) et, ensuite, sur son objectivation (§2.).

§1. – L’instauration d’un ordre juridique libéral :

136. L’instauration de l’ordre juridique libéral, donnant naissance au système de droit libéral, procède de deux phénomènes concomitants. D’une part, cet ordre est matériellement fondé par une norme restrictive (I.). D’autre part, il ne peut être pérennisé structurellement que par le truchement de l’État (II.).

I. – La fondation matérielle de l’ordre juridique libéral par une norme restrictive :

137. La position du Conseil constitutionnel est explicite sur ce point lorsque l’on peut lire dans l’une de ses décisions que « les libertés qui ne sont ni générales ni absolues ne peuvent exister que dans le cadre d’une réglementation instituée par la loi » (nous soulignons)217. « Comme le soulignait avec force Duguit, droits et libertés ne sauraient en effet avoir d’existence concrète en dehors de leur consécration par le droit positif et le pouvoir d’action juridique reconnu aux individus ne peut découler que d’une norme de droit objectif »218. Puisque la liberté juridiquement protégée n’existe qu’à la condition d’être immédiatement restreinte, la formulation des restrictions aux droits et libertés nécessite l’avènement d’un ordre juridique. Pour en comprendre les tenants et aboutissants, il peut suffire d’indiquer que la fonction à venir de la règle de droit est exclusivement restrictive.

138. Nous sommes conduit à estimer que la fonction normative, en tant qu’elle s’identifie en premier lieu et dialectiquement à l’ordre juridique naissant (lui-même nécessité par l’obligation de

216 CA Caen, 18 juin 1977, cité par C. LECLERCQ, Libertés publiques, op. cit., p. 5. Également, S. ETOA, op. cit., p. 43 :

« Concrètement, il ne s’agit plus de cantonner l’intervention des pouvoirs publics à la seule définition des bornes ou des limites de la liberté, mais de poser que, pour être ‘‘publique’’, une liberté doit être positivement reconnue par les organes de l’État. La perspective est donc inversée par rapport à celle de la théorie des droits individuels. L’État crée les libertés publiques, elles ne lui préexistent pas ».

217 CC, 27 juillet 1982, déc. n° 82-141 DC, Loi sur la communication audiovisuelle, Rec. p. 48. Voir également sur ce point R. DRAGO, « Liberté d’entreprendre et environnement, la question des installations classées », in Libertés, Mélanges Jacques Robert, op. cit., p.101-110, spéc. p. 102.

218 J. CHEVALLIER, « Vers un droit post-moderne ? Les transformations de la régulation juridique », RDP 1998, p. 659-690, spéc. p. 670. Pour une analyse historiographique de la nécessité de la règle de droit, notamment, S. ETOA, Le passage des

« libertés publiques » aux « droits fondamentaux » : Analyse des discours juridiques français, op. cit., p. 29 et s.

faire exister les libertés), est d’abord et de façon prééminente restrictive : la règle, toute règle de droit a pour fonction première, dans nos ordres juridiques libéraux de limiter, de restreindre. En restituant la définition du droit – « le principe universel du droit »219 – élaborée par le philosophe Emmanuel Kant, René Sève démontre que ce principe kantien est « la coexistence (ou compossibilité) des libertés :

« "le droit est donc l’ensemble des conditions dans lesquelles l’arbitre de l’un peut être uni à l’arbitre de l’autre selon une loi universelle de la liberté". En termes plus directs, le droit est l’ensemble des règles qui permettent à chacun d’user de sa liberté en respectant celle d’autrui (et, corrélativement, de faire respecter sa liberté par la puissance publique, si autrui ne respecte pas cette règle) »220. Essentielle dans la définition kantienne de la règle de droit est l’idée que le droit n’a qu’une seule fin : restreindre les libertés pour mieux les faire exister. Or, dans ces conditions, si les trois modes déontiques de la règle de droit sont effectivement la permission, l’obligation et l’interdiction, un seul effet la caractérise : la restriction. Cette tentation de réduction de la norme à son plus simple appareil fonctionnel est largement confortée par les propos de Kant lui-même : « Le droit est donc l’ensemble conceptuel des conditions sous lesquelles l’arbitre de l’un peut être concilié avec l’arbitre de l’autre selon une loi universelle de la liberté »221. Aussi, poursuit-il, le droit traduit une relation formelle entre deux arbitres (deux personnes) : « c’est seulement la forme de la relation entre les arbitres présents des deux côtés que l’on interroge, en tant qu’ils sont considérés simplement comme libres, et cela pour savoir si l’action de l’un des deux se laisse concilier avec la liberté de l’autre selon une loi universelle » (italique dans le texte)222. De tels écrits conduisent sans nul doute à réduire, aux yeux de Kant, la fonction du droit à sa définition prouvant par-là même combien l’institution de la norme dans le champ social n’a d’autres effets que de restreindre les libertés. Hobbes, avant lui, l’avaient brièvement admis quoiqu’expressis verbis. « Le droit de nature, c’est-à-dire la liberté naturelle de l’homme, peut être réduit et restreint : d’ailleurs, la fin de la production des lois n’est rien d’autre que cette restriction même, sans laquelle il est impossible qu’aucune paix puisse exister. La loi n’a été introduite dans le monde rien que pour limiter la liberté naturelle des individus particuliers, de telle façon qu’ils ne puissent se nuire les uns les autres, mais s’entraider et se lier ensemble contre l’ennemi commun » (nous soulignons)223. La règle de droit a pour fin de restreindre la liberté. La règle de droit n’a que pour fin de restreindre la liberté.

219 E. KANT, Doctrine du droit, op. cit., p. 17. Principe dont l’énoncé est précisément : « "Toute action est juste qui peut faire coexister la liberté de l’arbitre de chacun avec la liberté de tout autre selon une loi universelle, ou dont la maxime permet cette coexistence" ».

220 R. SEVE, « Kant Emmanuel. Doctrine du droit », in O. CAYLA, J.-L. HALPERIN, (dir.), Dictionnaire des grandes œuvres juridiques, op. cit., p. 303-312, spéc. p. 306.

221 E. KANT, Doctrine du droit, op. cit., p. 17. S’inscrivant dans une interprétation des effets de la norme plutôt que de son objet, voir V. DAUDET, J. NAVARRE-BRAGER, « Le droit, source de conflits », préc., p. 22 : « L’objectif principal du droit étant d’éviter ou de résoudre les conflits, sa fonction préventive se situe dans les interdictions qu’il édicte, dans les règles de conduite qu’il impose, et sa fonction répressive dans les solutions qu’il met en place afin de résoudre les conflits déjà nés ».

222 E. KANT, Doctrine du droit, op. cit., p. 17.

223 T. HOBBES, Léviathan, op. cit., p. 410.

139. D’autres encore, postérieurement à Kant et Hobbes, l’ont indirectement énoncé tout en préservant le principe d’une fonction restrictive. Ainsi, selon Mill, « l’objet de [son] essai est de poser un principe très simple, fondé à régler absolument les rapports de la société et de l’individu (…) »224. Or, selon l’auteur anglais, « ce principe veut que les hommes ne soient autorisés, individuellement ou collectivement, à entraver la liberté d’action de quiconque que pour assurer leur propre protection. La seule raison légitime que puisse avoir une communauté pour user de la force contre un de ses membres est de l’empêcher de nuire aux autres » (nous soulignons)225. Autrement dit, la contrainte exercée par la société pour borner la liberté de Mill n’aura d’autre fin que celle d’« empêcher »226. Au début du XXème siècle, la définition du « droit disciplinaire » du doyen Hauriou, construite à partir d’une « théorie de l’institution », répond là aussi, non sans analogie, au schéma intérêt général/liberté et droit/restriction : « Le droit disciplinaire est l’ensemble des actes et des règles juridiques émanant de l’autorité sociale instituée qui ont pour objet, soit d’imposer aux individus des mesures, soit de créer des situations opposables, soit de réprimer des écarts de conduite, le tout principalement dans l’intérêt de l’institution et sous la seule menace de la force de coercition dont elle dispose »227. Qu’il s’agisse « d’imposer », « de créer des situations opposables » ou bien, « de réprimer », la règle

« disciplinaire » du doyen Hauriou restreint les agissements des individus membres de l’institution.

140. Plus récemment, enfin, Bernadette Duarte s’est interrogée sur ces difficultés d’ordre sémantique : faut-il distinguer entre délimitation et restriction s’agissant des droits reconnus par les instruments internationaux de protection des droits de l’Homme ?228 Elle plaide en faveur d’une réponse positive tout en reconnaissant que l’unanimité n’est guère de mise : les organes internationaux – Cour interaméricaine, organes de Strasbourg et Comité des droits de l’Homme – « se gardent bien de privilégier une formule plutôt qu’une autre et (...) la doctrine ne s’accorde pas sur un terme précis (...) »229. À partir de l’exemple tiré des droits consacrés par les articles 8 à 11 de la Convention européenne des droits de l’homme, cet auteur écrit : « L’obligation de ne pas assimiler les restrictions aux délimitations semble aller de soi à la lecture des articles rédigés en deux temps (...). En effet, le premier paragraphe ou phrase qui énonce tantôt de manière détaillé, tantôt brièvement, le droit protégé apparaît alors d’une nature différente de la clause qui suit et qui autorise des atteintes à son exercice (...). Partant, les restrictions sont censées intervenir qu’une fois le droit garanti et ne pas concerner la définition de celui-ci »230. Si, du point de vue méthodologique, il y aura matière à discuter, la validité

224 J. S. MILL, De la liberté, op. cit., p.74.

225 Ibid.

226 Cette contrainte, nous dit encore Mill, « se justifie uniquement dès lors qu’il s’agit de la sécurité des autres » (ibid.).

227 M. HAURIOU, Principes de droit public, 1916, p. 128, cité par F.RANGEON, L’idéologie de l’intérêt général, op. cit., p.

223.

228 B. DUARTE, Les restrictions aux droits de l’homme garantis par le pacte international relatif aux droits civils et politiques et les Conventions américaine et européenne des droits de l’homme, op. cit., p. 92-95.

229 B. DUARTE, op. cit., p. 92.

230 B. DUARTE, op. cit., p. 93. Il convient de noter, néanmoins, que pour cet auteur le terme « restriction » vise à qualifier les atteintes portées à l’exercice des droits reconnus (p. 96).

de cette méthode de reconnaissance des droits et libertés par le droit – ici la règle internationale – n’affecte pas le principe que nous prétendons dégager : la définition juridique des droits et libertés passe par leur immédiate restriction, c’est-à-dire par l’affirmation de la règle de droit corrélative, quel que puisse être le vocable employé finalement par le système de droit à cette fin.

141. Ainsi est résumé l’objet unique et exclusif de la première norme juridique : restreindre les droits et libertés pour protéger ces droits et libertés. Dans le cadre de cette étude, nous ne donnerons pas le sens technique généralement attribué par la doctrine et les textes au vocable « restriction ».

Ainsi le professeur Sudre rappelle-t-il qu’une distinction existe entre les cas « de non-application temporaire (les dérogations) » et les hypothèses « d’application imparfaites (les restrictions) » des droits fondamentaux231. Non pas, loin s’en faut, que cette précision lexico-juridique est sans importance, mais, en tant qu’elle sert à la définition principielle des droits fondamentaux, la notion d’intérêt général intègre l’ensemble des situations susceptibles de ramener dans un cadre plus étroit un droit ou une liberté en les restreignant. On peut tout à fait considérer que la notion d’intérêt général symbolise ces « traits communs » entre limitations et dérogations aux droits fondamentaux dont Françoise Tulkens se fait l’écho232. C’est pourquoi, nous considérerons que l’ensemble des vocables (borner, limiter, déroger, etc.) ont un lien suffisant et peuvent être rapportés au seul terme

« restreindre » pour construire la notion d’intérêt général233.

142. C’était donc l’objectif même du pacte social qui, à travers la notion d’intérêt général, glisse du pacte social vers cette norme première. Cette norme première n’a d’autre but que celui de restreindre la liberté. La liberté humaine n’ayant pas à être consacrée, puisqu’elle est inhérente à la nature de l’homme, seule la liberté juridiquement protégée doit l’être. En conclusion de ce point particulier, avec Jacques Chevallier, on peut affirmer que « l’ordre juridique symbolise par-là l’ordre social : à travers lui se profile l’image d’une société organisée, pacifiée et unifiée, conformément aux exigences de la Raison ; transcrivant et extériorisant les normes qui commandent le fonctionnement social sur un mode impartial et objectif, le droit fait savoir aux membres de la société qu’ils font partie d’un

231 F. SUDRE, Droit européen et international des droits de l’homme, op. cit., p. 210. Également, sur ce point lexico-juridique, E. BRIBOSIA, « Classification des droits de l’homme », in J. ANDRIANTSIMBAZOVINA et alii, (dir.), Dictionnaire des Droits de l’Homme, op. cit., p. 159-164, spéc. p. 162 ; sur le vocable « dérogation », qui suspend les droits temporairement, F. TULKENS, « Dérogation », in J. ANDRIANTSIMBAZOVINA et alii, (dir.), Dictionnaire des Droits de l’Homme, op. cit., p. 267-271 ; sur le terme « limitation », qui vise à réguler leur exercice, W. SABETE, « Limitations aux droits », in J. ANDRIANTSIMBAZOVINA et alii, (dir.), Dictionnaire des Droits de l’Homme, op. cit., p. 658.

232 F. TULKENS,« Dérogation », in J. ANDRIANTSIMBAZOVINA et alii, (dir.), Dictionnaire des Droits de l’Homme, op. cit., p. 267.

233 Ce que la sémantique atteste en outre. Cf. Le nouveau Petit Robert de la langue française, op. cit. : borner, c’est

« mettre des bornes à ; renfermer, resserrer dans des bornes », « par extension limiter » (p. 278) ; déroger, signifie « ne pas observer une loi, une règle, ne pas appliquer (une règle, une convention) ; enfreindre (…) » (p. 694) ; limiter, c’est

« renfermer dans des limites, restreindre en assignant des limites », « borner » (p. 1460) ; enfin restreindre, c’est « rendre plus petit ; renfermer dans des limites plus étroites » (p. 2225). De ces différentes expressions, avec leurs nécessaires nuances et quel que soit le sens technique que leur donne le droit positif, le verbe « restreindre » nous paraît le plus approprié pour les réunir toutes et donner un sens à la notion d’intérêt général.

ensemble intelligible, cohérent et rationnel, dans lequel chacun a sa place, dispose d’un statut »234. L’ordre juridique est indispensable à la consolidation du pacte social libéral, cet ordre social nouveau voulu par ses signataires, et la question de la validité juridique de la norme fondatrice de l’ordre juridique est seconde235. Il suffit de constater qu’elle est validée du point de vue de la légitimité politique : la norme initiale, parce qu’elle procède du pacte – fait politique marquant la volonté des signataires de restreindre leur liberté pour protéger leur liberté –, bénéficie de la légitimité politique qui entoure le pacte social libéral.

143. La règle de droit étant ainsi devenue indispensable à l’existence de la notion d’intérêt général, un système juridique ordonné à sa production est dès lors requis. « Un ordre social nouveau ne se crée pas de lui-même. Il exige le recours à un appareil administratif et politique capable d’agir effectivement sur le social »236. Mais pour que ce système existe, encore faut-il l’animer. Seule l’instauration d’une puissance commune aux membres signataires du pacte est à même de poursuivre

143. La règle de droit étant ainsi devenue indispensable à l’existence de la notion d’intérêt général, un système juridique ordonné à sa production est dès lors requis. « Un ordre social nouveau ne se crée pas de lui-même. Il exige le recours à un appareil administratif et politique capable d’agir effectivement sur le social »236. Mais pour que ce système existe, encore faut-il l’animer. Seule l’instauration d’une puissance commune aux membres signataires du pacte est à même de poursuivre

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