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2. Le CECR, initiateur de la perspective actionnelle et de la tâche comme action

2.2. Qu’est-ce que le CECR ?

Au fil du temps, les pratiques de l’enseignement/apprentissage ont connu, comme les autres domaines, un développement net provenant de la richesse des travaux de recherche et de l’émergence de nouveaux outils qui pourraient servir ce couple (enseignement/apprentissage.)

Il coule aujourd’hui beaucoup d’encre sur les nouvelles pratiques en matière d’enseignement des langues ; cependant, la plupart des propos tenus (…) ne tiennent pas réellement compte de la complexité du problème et veulent appliquer de nouvelles méthodes sans avoir pris le temps de « repenser » l’objet d’enseignement : la langue ; comme le dit Bachelard « la pensée se modifie dans sa forme si elle se modifie dans son objet. » (Barbier,1996, cité par Bourguignon, 2009 : 51).

Selon Bourguignon, « le CECR est une invitation à "repenser l’objet d’enseignement" et l’enseignement lui-même » (Bourguignon, 2009 : 51). Le CECR, à l’instar de l’AC, est le fruit du Conseil de l’Europe (1996,1998 et en 2001 l’édition finale).

Ce Cadre, mis en place définitivement en 2001, sous forme d’un document publié par le Conseil de l’Europe, se présente comme une tentative européenne dont l’objectif est de déterminer et de définir les bases théoriques de l’enseignement des langues dans le but d’en faciliter la pratique pour des raisons économiques. Bien qu’il ne soit ni un manuel ni un référentiel, il fait de plus en plus office de référence dans le domaine de la didactique des langues et se présente comme une « base commune pour l'élaboration de programmes de langues vivantes, de référentiels, d'examens, de manuels, [de cours], etc. » (Conseil de l’Europe, 2001 : 9). Il devient, aux yeux de Francis Goullier, le « premier outil de politique linguistique véritablement

Le Cadre, révolutionnant les représentations traditionnelles de l’enseignement/apprentissage/ évaluation des langues cultures, consiste à établir une relation forte entre l’apprentissage et l’usage, il propose ainsi de relier la communication à l’action sociale.

Il lui est toutefois reproché, d’une part, de compliquer certains développements en raison de son ambition d’aborder la plus grande partie des problématiques dans l’enseignement/apprentissage des langues (Goullier, 2006 : 12) et, d’autre part, d’adopter une lecture sélective et de soutenir l’approche communicative comme l’indique Bourguignon en se basant sur le rapport de l’Inspection Générale :

On ne peut que regretter que le CECR fasse l’objet d’une lecture « sélective » et que l’on n’y voit qu’un « renforcement » de l’approche communicative alors que la « perspective actionnelle » annoncée devrait et doit permettre de sortir l’enseignement/apprentissage des langues-cultures de l’impasse dans laquelle il se trouve. (Bourguignon, 2006 : 59)

Pourtant, au contraire de l’AC qui s’adresse exclusivement à l’apprenant, le CECR se dirige vers l’apprenant/usager, or aucune méthodologie n’avait abordé cette orientation auparavant. Malgré ces points positifs, certains reprochent au CECR de ne pas avoir bien défini ses termes, ce qui a amené de grandes confusions chez les enseignants et même dans les manuels basés sur le CECR. Par exemple, Bourguignon (2010) montre en effet que les enseignants interrogés par elle, donnent des définitions différentes des termes « tâche » et « actions » et que certains manuels analysés considèrent la tâche comme « apprendre un texte et le réciter » tandis que d’autres appellent « mission » le fait de « lire un script », etc. La confusion règne également concernant l’intérêt du Cadre et la perspective actionnelle : certains le considèrent comme fournisseur de supports authentiques, d’autres disent que « l’approche actionnelle passe par la réalisation de tâches langagières issues du quotidien des élèves » (Bourguignon, 2010 : 52). Quelles que soient les critiques adressées au Cadre, on se doit de reconnaitre qu’il a introduit quatre nouveautés qui font de plus en plus office de références pour la didactique des langues :

•!les niveaux communs de références (de A1 à C2) ;

•!La compétence communicative divisée en cinq activités langagières : écouter, lire, écrire, s’exprimer par oral en continu, en interaction ;

•!La compétence communicative redéfinie en prenant en compte plusieurs composantes : linguistique, sociolinguistique et pragmatique ;

Il a en outre redéfini le plurilinguisme en tenant compte des nouveaux enjeux des langues étrangères dans l’Union Européenne.

Arrêtons-nous à présent sur les trois références majeures du CECR que sont les niveaux de langues, le plurilinguisme et la tâche dans une perspective actionnelle.

2.2.1. Référence au niveau des compétences en langue

Le CECR présente exclusivement cinq critères correspondant à cinq activités langagières (lire, écrire, écouter, parler, communiquer) pour déterminer le niveau parmi les six proposés (A1, A2, B1, B2, C1 et C2) de l’apprenant en langue étrangère : « un référentiel divisé en six niveaux [...]. Il distingue cinq activités langagières [...]. Le référentiel est composé de ”descripteurs de compétences” qui s'expriment en termes de capacités » (Frath, 2008 : 12).

Figure 1 : Schéma qui représente les quatre nouveautés du CECR

La grille que propose le CECR pour décrire les niveaux de compétences en langue, est adoptée et appliquée dans de nombreux pays du monde concernant l’évaluation de l’apprentissage des langues étrangères. Pour la langue française par exemple, l’offre de diplômes et tests délivrés par le Ministère français de l’Education Nationale, de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche est harmonisée sur l’échelle à 6 niveaux du CECR. On y trouve notamment le DELF (Diplôme d’Etudes en la Langue Française) pour les niveaux de A1 à B2 et le DALF (Diplôme Approfondi de Langue Française) pour C1 et C2, pour ne parler que des évaluations les plus répandues dans le monde.

2.2.2. Référence au plurilinguisme

Le CECR est considéré comme la nouvelle Bible du plurilinguisme parce qu’il vise particulièrement la situation didactique en Europe qui se caractérise par une grande variété de langues. Cela pourrait rendre la communication entre les citoyens européens plus efficace et plus utile.

Il redéfinit le plurilinguisme de façon innovante afin d’être en harmonie avec les outils et les conceptions qu’il propose par ailleurs.

On désignera par compétence plurilinguiste et pluriculturelle la compétence à communiquer langagièrement et à interagir culturellement d’un acteur social qui possède, à des degrés divers, la maitrise de plusieurs langues et l’expérience de plusieurs cultures. On considèrera qu’il n’y a pas là superposition ou juxtaposition de compétences distinctes, mais bien existence d’une compétence complexe, voire composite, dans laquelle l’utilisateur peut puiser (CECR, 2001 : 129).

Cette redéfinition du plurilinguisme proposée par le CECR correspond à un besoin de s’adapter à l’un de ses objectifs qui est d’« encourager le plurilinguisme en Europe : c’est en formant une personne sensibilisée à la réalité de différentes langues et de différentes cultures que l’on peut en faire un médiateur linguistique et culturel capable de jouer pleinement son rôle de citoyen européen » (Rosen, 2009 : 6-7).

Dès son apparition dans le Cadre en 2001, le plurilinguisme a été abordé dans de nombreux ouvrages (livres, colloques, articles, etc.). Ce concept a été considéré comme une base pour de nombreuses recherches et comme un modèle d’application. Par exemple, la « Charte européenne du plurilinguisme » voit le jour dans un congrès ayant lieu en 2005, c’est-à-dire quatre ans après l’apparition complète du CECR. Il part du plurilinguisme du CECR en ajoutant des règles d’utilisation. Dans le préambule de ces premières assises, une clarification ou plutôt une convention a été faite sur la notion du plurilinguisme :

Nous convenons dans ce qui suit de désigner par plurilinguisme l'usage de plusieurs langues par un même individu. Cette notion se distingue de celle de multilinguisme qui signifie la coexistence de plusieurs langues au sein d'un groupe social. Une société plurilingue est composée majoritairement d'individus capables de s'exprimer à divers niveaux de compétence en plusieurs langues, c'est-à-dire d'individus multilingues ou plurilingues, alors qu'une société multilingue peut être majoritairement formée d'individus monolingues ignorant la langue de l'autre.

On constate, à partir de cette citation et de la grille de compétences du CECR, qu’un apprenant peut être plurilingue même s’il ne maitrise pas toutes les compétences d’une langue étrangère. Il lui suffit d’avoir un niveau minimum dans ces compétences.

Il est clairement affirmé que la compétence plurilingue se construit à partir de la richesse et de la diversité des connaissances et des compétences dans différentes langues, à des niveaux qui, naturellement, peuvent être déséquilibrés entre les langues et, pour chaque langue concernée, entre les différentes activités langagières.

La perspective actionnelle en tant qu’approche visant la concrétisation de l’enseignement/ apprentissage des langues, s’intéresse au plurilinguisme dans son essence même.

2.2.3. Référence à la perspective actionnelle

La troisième référence du CECR est la perspective actionnelle. Il s’agit d’une approche didactique qui se base essentiellement sur la réalisation de tâches de type action collective. Cette approche a pu faire entrer la didactique des langues dans une nouvelle ère. Les auteurs du CECR se sont vus reprocher de ne pas l’avoir décrite de façon suffisamment explicite (Frath, 2008 : 15). De son côté, Puren (2002 et 2006c) fait partie de ceux qui ont pu lire entre les lignes pour la découvrir.

Ce Cadre n’est pas traité de la même manière dans les pays de l’Union Européenne : en Allemagne par exemple, le fait qu’il puisse représenter une nouvelle étape dans l’enseignement/apprentissage des langues n’a pas été pris en considération, contrairement à la France « où l’on considère dans une perspective historique qu’une méthodologie est toujours remplacée par une autre au fil du temps » (Delouis, 2008 : 30). En France, la PA est abordée comme approche. C’est le cas dans des revues et notamment dans tous les textes du numéro 45 du Français dans le Monde- Recherches et applications (dorénavant FDM-RA) publiés en 2009 ainsi que dans d’autres ouvrages tels que Dispositifs médiatisés en langues et accompagnement- tutorat (Dervin, 2009 ; Nissen, 2009b), Langues modernes (Lepez, 2008), etc.

Malgré la présence remarquable de la PA sur le terrain didactique, elle n’est pas exclusive. D’autres approches et projets tels que l’approche communicative, le projet européen Lingu@tic, flanelle.eu sont toujours considérés comme des références. Ces derniers comptent sur les documents authentiques comme bases des activités et non sur la tâche de la PA.

La domination du CECR est donc si bien attestée qu’« il n’est pas un document concernant l’enseignement des langues aujourd’hui, outils ou autres, qui ne se dise « conforme au CECRL » (Bourguignon, 2010 : 9). Ceci exige que ce document ait des notions spécifiques du CECR tels

que « approche actionnelle », « scénario », « démarche actionnelle », « tâche », « mission », « action », « compétence », etc. mais peut-on considérer pour autant le CECR comme une méthodologie d’enseignement ?