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3. Définition et caractéristiques de la perspective actionnelle ou le nouveau paradigme

3.3. La perspective actionnelle sur le terrain de l’enseignement / apprentissage

3.3.6. Les nouveaux rôles de l’enseignant et de l’apprenant dans la PA

On l’a vu, avec l’arrivée de la PA dans le paysage de la didactique des langues, des nouveaux termes sont apparus : tâche, action, acteur social, etc. pour une nouvelle manière de faire cours qui redéfinit les rôles des participants « apprenants » et « enseignants ».

3.3.6.1. Le nouveau rôle de l’apprenant : acteur social

Avant d’aborder le rôle de l’apprenant, il serait utile de définir ce que l’on entend par le mot

apprenant. Celui-ci est un néologisme dérivé du mot apprendre : selon le dictionnaire Gaffiot

il vient du latin apprendere, issu du latin classique apprehendere et veut dire « prendre, saisir37 ». De son côté, Gaté Jean-Pierre définit ainsi ce terme québécois dont l’usage est

relativement « récent dans le domaine de la pédagogie et de la formation » :

tout sujet engagé dans une situation d’apprentissage, que celle-ci vise l’acquisition d’un savoir, d’un savoir-faire ou encore d’un savoir être et ce, quel que soit l’âge de celui qui apprend. […] Le caractère générique de ce terme […], désigne toute personne engagée dans un processus d’apprentissage, quels que soient son âge, son sexe, son origine sociale ou culturelle, son capital d’expérience ou son niveau de connaissance.38

36 Claire BOURGUIGNON, « Apprendre et enseigner les langues dans la perspective actionnelle : le scénario

d’apprentissage-action », Grenoble 2007. Consulté le 26 novembre 2014 sur [http://steph.raymond.free.fr/Ressources/Formation/Scenarioapprentissageaction.pdf]

37 Dictionnaire Gaffiot en ligne. Consulté le 09 février 2015 sur [http://www.prima-elementa.fr/Gaffiot/Gaffiot-

0147.html]

38 Gaté Jean-Pierre, « Apprenant », in L'ABC de la VAE , ERES, 2009, p. 77-78. URL : www.cairn.info/l-abc-de-

Ce mot indique toute personne en situation d’apprentissage. Ceci s’adapte bien au rôle de l’apprenant au sein de la PA car il offre, selon Robert et al. (2011) un double avantage pour une formation basée sur la PA : le premier, c’est que sa connotation est générique et qu’il permet de désigner tous les publics, quel que soit leur âge. Pour les auteurs, il serait difficile d’appeler « élèves » les publics adultes qui étudient une langue. De plus, le mot « apprenant », grâce à sa morpho-syntaxe (-ant), donne un rôle plus actif que le mot « enseigné » qui a un rôle passif dû à son origine de participe passé. Selon le dictionnaire pratique de didactique du FLE :

Effectivement, l’apprenant n’est pas seulement un élève qui emmagasine passivement des connaissances, c’est un individu qui participe activement à son apprentissage, qui en devient l’acteur parce qu’il s’est fixé des objectifs personnels à réaliser (J-P Robert, 2008 : 10).

Dans l’histoire de la didactique française, le rôle de l’apprenant a beaucoup évolué en fonction de l’objectif de la méthodologie proposée, lequel devrait répondre aux besoins et attentes de l’apprenant à l’époque où la méthode est née. Par exemple, il est lecteur dans la méthodologie traditionnelle, commentateur dans la méthodologie active, communicateur dans l’AC et acteur

social dans la PA.

Dans la méthodologie traditionnelle on formait un « lecteur » en le faisant traduire (des documents), dans la méthodologie active on formait un « commentateur » en le faisant parler sur (des documents) ; dans l'AC on formait un « communicateur » en créant des situations langagières pour le faire parler avec (des interlocuteurs) et agir sur (ces mêmes interlocuteurs) ; dans la perspective actionnelle […] on se propose de former un « acteur social » (Puren, 2002, 60).

La PA

propose à la fois une nouvelle fonction et une nouvelle dénomination à l’apprenant. Le CECR désigne l’acteur social, en premier plan, comme « l’usager et l’apprenant d’une langue » (CECR, 2001 : 10-11), puis il généralise « L’usage d’une langue, y compris son apprentissage, comprend les actions accomplies par des gens [...] » (CECR, 2001 : 15). La langue et la culture sont, pour cet acteur social, des instruments d’action et pas seulement de communication. On remarque que le CECR utilise un terme spécifique, « apprenant », puis un terme plus général, « gens ». Cette généralisation renvoie à la spécificité de cette perspective qui n’est pas enfermée dans l'institution scolaire, mais ouverte à l’extérieur. L’apprenant, quand il sera hors de la classe, conduira ses activités en tant que citoyen menant sa vie de tous les jours. De plus,

le Cadre vise, dans une formation courte, les adultes ou les grands adolescents dont « les centres d’intérêts porteront sur la vie privée ou sur les actions habituelles de la vie sociales (domaines personnel et public) » (Goullier, 2006 : 13).

En réalité, la définition du CECR pour la PA n’est qu’une précision et une explication du rôle de l’apprenant dont l’objectif est de réaliser des tâches en mobilisant des compétences dans des contextes différents.

La perspective privilégiée ici est, très généralement aussi, de type actionnel en ce qu’elle considère avant tout l’usager et l’apprenant d’une langue comme des acteurs sociaux ayant à accomplir des tâches (qui ne sont pas seulement langagières) dans des circonstances et un environnement donné, à l’intérieur d’un domaine d’action particulier. Si les actes de parole se réalisent dans des activités langagières, celles-ci s’inscrivent elles-mêmes à l’intérieur d’actions en contexte social qui seules leur donnent leur pleine signification (CECRL, 2001 : 10-11, souligné par nous).

L’insistance du CECR sur le rôle de l’apprenant se manifeste dans d’autres passages plus détaillés et mieux expliqués pour que l’acteur social sache bien quel est son objectif et par quels moyens l’atteindre :

L’usage d’une langue, y compris son apprentissage, comprend les actions accomplies par des gens qui, comme individus et comme acteurs sociaux, développent un ensemble de compétences

générales et notamment une compétence à communiquer langagièrement. Ils mettent en œuvre

les compétences dont ils disposent dans des contextes et des conditions variés et en se pliant à différentes contraintes afin de réaliser des activités langagières permettant de traiter (en réception et en production) des textes portant sur des thèmes à l’intérieur de domaines particuliers, en mobilisant les stratégies qui paraissent le mieux convenir à l’accomplissement des tâches à effectuer (CECR, 2001 : 15, souligné par nous).

Cependant, à travers la définition attribuée à la PA, il est possible d’identifier certaines fonctions de l’acteur social qui aident à définir son rôle : « la notion d’acteur social implique pour le CECR une vraie interaction, un véritable échange entre individus et de chaque individu avec le contexte » (Piccardo, 2014 : 19).

Les nouveautés dans le rôle de l’apprenant de la PA découlent de l’évolution de l’AC apportée par le CECR. Les actes de parole de l’AC ne sont que des actions car les activités, dans lesquelles ils se réalisent, « s’inscrivent elles-mêmes à l’intérieur d’actions en contexte social

qui seules leur donnent leur pleine signification » (CECRL, 2001 : 10-11). Les tâches de la PA ne sont pas seulement de nature langagière. Ces ajouts du CECR montrent que l’apprenant passe d’un état d’acteurcommuniquant à un acteur agissant. Son apprentissage est du type constructiviste, à savoir qu’il n’est pas amené à accumuler du savoir, mais à reconstruire de nouveaux savoirs par la réalisation de tâches.

Figure 6 : Le rôle de l’apprenant en tant qu’acteur social (Bagnoli et al., 2010 : 5).

Son rôle consiste à négocier avec son enseignant dans le but de choisir le thème d’une tâche, à décider l’objectif de cette tâche et son processus, à coopérer avec ses camarades pour effectuer la tâche tout en mobilisant un ensemble de compétences générales (savoir, savoir-faire, savoir- être, savoir-apprendre) et langagières (linguistique, sociolinguistique et pragmatique), à assumer sa responsabilité en tant qu’auteur de son apprentissage, à franchir les obstacles rencontrées et enfin à s’auto-évaluer.

L’apprenant de la PA est censé réaliser plusieurs sortes de tâches qui s’adaptent à des contextes sociaux différents : tâches naturelles, simulées, techniques ou d’apprentissage, interaction sociale, etc.

3.3.6.2. Le nouveau rôle de l’enseignant

Le rôle de l’enseignant connait un changement et une évolution. Il passe du rôle autoritaire et détenteur du savoir de la méthodologie traditionnelle à celui de médiateur, accompagnateur, guide, ou encore concepteur, etc.

L’apprenant prend en main son propre parcours d’apprentissage et l’enseignant de son côté crée les conditions favorables à cet apprentissage en proposant des tâches adaptées, qui s’enchainent dans des parcours logiques et qui visent des buts d’apprentissage ciblés. L’enseignant agit comme ressource, comme guide et comme observateur capable de donner une rétroaction efficace (Piccardo, 2014 : 38).

Si nous reprenons la définition du CECR pour la PA, nous remarquons qu’elle ne comporte aucune mention implicite ou explicite sur l’enseignant et son rôle dans la PA en général et dans la réalisation des tâches en particulier, alors qu’au contraire, l’apprenant est omniprésent. Cette centration sur l’apprenant ne signifie pas du tout l’annonce de la « mort du métier de l’enseignant » car la PA permet à celui-ci de jouer non pas un seul rôle mais plusieurs. Il n’est plus une source unique d’information mais apporte un soutien à ses apprenants. Ce type d’aide, qui ne concerne pas obligatoirement le transfert de savoirs, concerne aussi l’aspect psychologique : susciter la motivation chez ses apprenants, échanger oralement avec eux, les mettre au courant de leur responsabilité, leur donner une grande autonomie dans leur processus d’apprentissage, etc.

C’est également l’enseignant qui délimite la tâche en proposant à ses apprenants les objectifs, les moyens et le contexte dans lequel ils pourront l’exécuter. Ce rôle lui demande beaucoup de temps, de réflexion et de concentration pour choisir et négocier avec les apprenants la tâche qui leur plait et qui s’adapte à leur niveau et à leurs besoins.

il nous appartient, à nous, professeurs de langues étrangères, de lui faire comprendre cette réalité, et de lui donner les moyens pour qu'il puisse devenir maître de cet outil qu'est la langue comme objet d'action et d'interaction39.

De plus, Goullier (2006 : 29) explique ainsi le travail de l’enseignant qui souhaite adopter la tâche actionnelle dans ses cours :

a.! Il peut analyser ses matériaux pédagogiques et ses démarches d’enseignement en se demandant si les travaux donnés aux élèves correspondent effectivement à des tâches.

39 Marie-Laure, Lions-Olivieri et Philippe Lirai, « Qu'entend-on paire actionnelle en perspective ? » Consulté le

b.! Il se demande également si ces tâches couvrent l’ensemble des dimensions [compétences générales et communicatives, les activités langagières, les domaines et les thèmes abordés, les stratégies mises en œuvre et les tâches] et s’il y a lieu d’accorder la priorité à l’une ou l’autre de ces dimensions pour tenir compte des besoins des élèves.

c.! Il peut alors trouver souhaitable d’enrichir la gamme des tâches qu’il met en œuvre dans ses classes par d’autres tâches dont il trouvera des exemples dans des manuels de la langue qu’il enseigne ou d’autres langues.

Dès le début, l’enseignant ne leur impose par de décisions autoritaires, il doit les laisser travailler pour que leur tâche soit réalisée dans les meilleures conditions. Il observe de près le processus et intervient comme conseiller. Son travail consiste aussi à régler les problèmes de ses apprenants comme la domination d’un ou plusieurs étudiants sur leurs camarades ou intervenir pour avoir une permission d’accéder à un endroit interdit au public, par exemple. En ce qui concerne la dimension linguistique, il agit comme facilitateur d’apprentissage qui ne juge pas ses apprenants sur les erreurs commises. Il doit chercher les moyens pour développer les compétences linguistiques de ses apprenants. Il est aussi un évaluateur qui estime la qualité du travail de ses apprenants. Ce rôle exige de lui qu’il soit objectif et attentif dans son évaluation.