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a. La psychothérapie individuelle

Le transfert érotomaniaque

La mise en place d’une psychothérapie individuelle semble constituer l’une des options emblématiques de la prise en charge du patient érotomane, qu’elle soit primaire ou secondaire.

Cette stratégie est préconisée par la presque unanimité des auteurs. Le point de vue doctrinal de Freud a réfuté la possibilité d’une cure psychanalytique avec des patients souffrant de symptômes psychotiques. Cependant, cette position de principe n’a pas empêché de commencer une telle cure avec certains d’entre eux et d’obtenir des résultats probants. 163

Le transfert érotomaniaque prend l’allure d’une variante du transfert psychotique, en ceci que l’autre est identifié comme un lieu d’émission de libido. 164

D’un point de vue psychopathologique, le transfert érotomaniaque peut avoir plusieurs fonctions : suppléer une figure parentale ou un imago pré œdipien. Selon Bulat-Manenti, la fonction paternelle et celle de l’idéal présentent, avec la sublimation, des positions pivots qui permettent de travailler avec la psychose. 165

Le clinicien ne doit pas s’opposer à ce transfert, mais pointer les éléments de réalité et soutenir le patient dans son travail psychique.

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Le contre-transfert du thérapeute

D’après Winnicott, le contre-transfert se situe lorsque le thérapeute quitte sa position de neutralité pour agir avec ses émotions.

Pour Covello et Dalle 166, la négation par l’objet d’avoir participé à un quelconque processus érotomaniaque est souvent décrite. Cette dénégation et ce rejet, réactions contre- transférentielles, entretiennent les convictions délirantes de l’érotomane, puisqu’elles suscitent les interprétations du patient. Celui-ci pense les justifier par la conduite paradoxale de son objet, ou bien les attribue à une volonté d’exclusion de sa personne émanant du thérapeute, et entretenant alors un sentiment de persécution.

Caroli 167 invite les cliniciens à écouter la souffrance brute du patient, sans adopter la position

de « l’homme de bien » de Perrier 23, décrite par une bienveillance trop prononcée à l’égard du patient. Il faut également ancrer les récits délirants du sujet dans la réalité objective.

La place et la fonction de l’objet au sein de la thérapie

West et Friedman 122 rappellent l’importance de la prise de distance lorsqu’on est l’objet d’un érotomane, et l’information à son entourage et aux autorités légales, s’il le faut. Leong 168

partage cette opinion, en encourageant une consultation psychiatrique pour un individu à la moindre émergence symptomatique.

Dalle 154 pense que la mention de l’objet doit être incitée au cours de la psychothérapie.

Jordan et al., 117 estiment que la confrontation du sujet avec son objet au cours d’un entretien encadré ne doit pas être utilisée, car ces patients sont souvent persécutés et peuvent intégrer le thérapeute respectif dans leur délire tout en devenant agressif. Le thérapeute devient un adversaire s’opposant à leur idylle. 117

En somme, si l’éloignement de l’objet est incité par de nombreux auteurs lors des phases hypersthéniques de l’érotomanie, sa mention lors des entretiens est considérée comme pertinente et ne devant pas être censuré.

107 b. La thérapie à plusieurs

De toutes les modalités d’accompagnement, une constante reste inchangée : celle du tiers. Chaque prise en charge doit s’efforcer d’introduire une personne tiers, afin d’éviter le piège de s’enfermer dans la relation duelle narcissique.

Perrier questionne la place et la fonction de « l’homme de bien » et, au gré de ses travaux, incite le clinicien à veiller à ne pas s’enfermer dans une relation duelle. Il est question de « toujours créer le tiers ».

La mise en place d’un tiers substitutif suggérée par Kestemberg permet de dépasser l’étape érotomaniaque dans la relation thérapeutique. Il propose ainsi de mêler psychothérapies institutionnelle et collective, en plus de la psychothérapie individuelle.

La thérapie de couple

Cette proposition de psychothérapie spécialisée s’inscrit dans la lignée de volonté de faire intervenir un tiers au décours de la prise en charge du sujet, ce qui permet d’élargir le champ des possibilités transférentielles.

L’adjonction de la présence du ou de la conjoint(e) peut s’avérer pertinente, puisqu’elle ancre le patient dans des éléments de réalité extérieure, favorisant ainsi son retour progressif dans cette réalité, à la manière de l’espace transitionnel de Winnicott.

Cette thérapie ne se propose que si le sujet n’éprouve pas des sentiments de persécution vis à vis de son ou sa conjoint(e), car le cas échéant elle présente un risque certain à alimenter le délire du sujet, qui pense ainsi que le thérapeute et le partenaire s’allient tous deux pour contrer son idylle imaginée.

C’est au thérapeute d’en juger les indications lors de ces entretiens avec le malade.

C’est également une proposition de thérapie sur du plus long terme, une fois les phases fécondes du délire érotomaniaque résolues et à distance de la crise conjugale qu’a provoquée la décompensation.

108 Elle permet d’apporter un étayage solide au couple, de donner un espace de parole aux deux partenaires, de travailler sur des facteurs qui ont pu prédisposer à l’émergence de tels symptômes, en se gardant de faire naître toute accusation chez l’un ou l’autre des partis.

Il peut aussi arriver que le partenaire du sujet érotomane en soit également l’objet, c’est que tenait à affirmer Clérambault, expliquant ainsi que certains érotomanes déjà mariés à leur objet n’étaient alors jamais diagnostiqués. En ce cas, la distanciation lors des moments de décompensation s’envisage plutôt. Plus tard, on peut envisager une réintroduction de l’objet au cours de la prise en charge du sujet.

La thérapie familiale

La thérapie familiale, avec l’accord de tous les membres sollicités, s’envisage également dans la relation érotomaniaque.

Elle permet de multiplier les intervenants et donc de privilégier un investissement pluriel, et élargir le champ des relations transférentielles pour le patient. Ainsi, ce dernier est plus à même de se détacher de l’objet primaire. 156

Le ou les thérapeute(s) menant à bien ce projet s’assure(nt) au préalable de l’identité de l’objet du patient, et de ce fait qu’il n’en fasse logiquement pas partie. L’intervention directe de l’objet au sein d’une thérapie ne semble pas être une option reconnue.

Cette prise en charge se propose en dehors des moments féconds et bruyants de l’érotomanie, et en excluant toute idée de persécution marquée de la part du sujet envers sa famille. Elle pourrait en ce cas avoir l’effet inverse de celui escompté.

Le thérapeute est donc amené à la prudence lorsqu’il sélectionne les personnes de l’entourage familial, en se gardant de céder à quelconque pression, et en privilégiant l’alliance avec le patient.

La thérapie de groupe

Dalle rapporte son expérience groupale de la prise en charge de plusieurs patientes, dans lequel une érotomane avait été intégrée.

109 C’est également une activité groupale qui s’observe lors des relais extra hospitaliers, au sein des structures de soins, qui permettent un retour progressif pour le patient à la vie extérieure. Elle s’illustre autour d’activités thérapeutiques sous différentes formes (art thérapie, musicothérapie, sophrologie, sport) ou des groupes de soutien et d’espaces de paroles.

Résumé

La psychothérapie individuelle est unanimement reconnue pour accompagner le patient dans son travail psychique et l’ancrer à des éléments de réalité extérieure. Le transfert érotomaniaque existe, et le clinicien ne doit pas le rejeter. Il doit garder une position de neutralité, ne pas occuper la position d’ « homme de bien », et n’émettre ni dénégation ni rejet, puisque cela pourrait affecter et alimenter le délire du patient.

L’objet ne doit pas interférer directement dans la thérapie mais sa mention permise et incitée. Il est primordial pour le thérapeute d’introduire le tiers, que ce soit par le cadre institutionnel, par les thérapies de groupes et spécifiques (conjugales et/ou familiales) afin de ne pas s’enfermer dans une relation duelle narcissique.