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3.2 Protocoles de routage

3.2.2 Protocoles à topologie hiérarchique

Notre première étude consiste à argumenter le choix d’une topologie hiérarchique ou plane et nous nous intéressons tout d’abord aux protocoles de routage dit à topologie hiérarchique. Ces protocoles, e.g. [69], [70], [71], [72], [73], [74], [75], [76], [77], proposent de différencier les rôles des nœuds du réseau. Cette différentiation consiste à confier les rôles de maintenance de la topologie et d’acheminement des trames de données à certains nœuds du réseau, dits nœuds à rôle dominant et minoritaires par leur nombre. Plusieurs sous-familles de protocoles hiérarchiques peuvent être distinguées selon les mécanismes d’élection de ces nœuds et leur organisation, e.g. en grappes [69], en épines dorsales [78], etc. Ces démarches limitent le volume de trafic de contrôle [79] et facilitent le filtrage, l’agrégation et/ou la compression des trames de données lorsque les grandeurs physiques observées par le réseau présentent de fortes corrélations spatiales, les nœuds à rôle dominant étant un point d’agrégation des trafics des nœuds voisins [69].

Nous proposons maintenant d’argumenter leur adéquation à un scénario de télé-relève en milieu urbain. Nous présentons pour cela le protocole LEACH [69], un protocole de routage hiérarchique basés sur des techniques de mise en grappe.

LEACH Le protocole LEACH est un exemple très simple de protocole hiérarchique qui permet d’expliciter les points d’intérêts et les contreparties d’une telle famille de proto-coles. On retrouve en effet dans LEACH les caractéristiques élémentaires d’un protocole hiérarchique, à savoir l’organisation de la topologie de routage autour de nœuds à rôle dominant, appelés cluster heads ou nœuds CHs, auxquels sont rattachés les autres nœuds du réseau. Dans LEACH, la construction de la topologie dépend d’une évaluation des liens entre capteurs. Cette évaluation est basée sur un critère de lien simple : la puissance de signal reçue : Received Signal Strenght Indicator (RSSI). Ce critère est utilisé de façon à identifier les nœuds proches. Les ensembles de nœuds proches sont appelés grappes. Une fois les grappes construites sont nominés les nœuds CHs. LEACH propose d’élire les nœuds CHs selon un tirage aléatoire et une liste tabou. Ainsi, périodiquement (à chaque round r), chaque nœud n’ayant pas un rôle dominant le round précédant tire une valeur aléa-toire dans l’intervalle [0, 1] et la compare à une valeur seuil T (p) avec p le ratio de nœuds dominant souhaité :

T (p) = p

1 − p ⇤ (r ⇤ mod(1/p))

Tout nœud dont la valeur tirée excède la valeur seuil devient alors dominant pour une durée d’un round et prend en charge la collecte des trames en provenance des nœuds capteurs et leur relayage vers le puits comme l’illustre la figure 3.16.

Les protocoles à topologie hiérarchiques diffèrent principalement par les heuristiques ou algorithmes d’élection des nœuds à rôle dominant et par les fonctions remplies par ces derniers. Les protocoles HEED [75] et energy-LEACH [80] proposent par exemple d’utiliser un critère de nœud, l’énergie résiduelle, pour nominer les nœuds à rôle dominant. Dans ces protocoles, les nœuds capteurs possédant l’énergie résiduelle la plus importante ont une plus grande probabilité d’obtenir un rôle dominant. De cette façon, ces protocoles visent à uniformiser la consommation d’énergie entre les nœuds capteurs afin de prévenir l’épui-sement prématuré de leur batterie. Les protocoles TEEN [72] et APTEEN [73] proposent quant à eux de réaliser des fonctions d’agrégation et de filtrage des données au sein des

Figure 3.16 – Protocole LEACH

nœuds CHs avec pour postulat que seul un sous-ensemble des données générées par les capteurs a un intérêt ou la pertinence d’être remonté.

Compte tenu de ce descriptif et dans le contexte d’un réseau urbain de capteurs sans-fil, ces approches se heurtent à plusieurs problèmes : les limitations matérielles des capteurs, la nature des données télé-relevées, la règlementation sur l’usage des bandes radio non licenciées et la variabilité de l’environnement radio.

Le premier problème concerne les faibles possibilités de filtrage ou d’agrégation des nœuds à rôle dominant en raison des faibles ressources mémoires. Les nœuds capteurs disposent en effet de quelques kilo-octets de stockage et ne sont en mesure de stocker que quelques trames de données5. Par ailleurs, contrairement aux applications de monitoring environnemental, le trafic généré par une application de télé-relève de compteurs ne présente pas ou peu de redondance spatiale, chaque capteur représentant la consommation d’un client différent. De fait, les possibilités de filtrage sont également très limitées.

Le second problème résulte de la règlementation du cycle d’activité radio dans les bandes ISM non licenciées. Comme décrit dans le Chapitre 2, le cycle d’activité peut être limité à 1% voire 0,1% selon la bande radio utilisée, limitant de fait le volume de données que peut supporter un nœud à rôle dominant et donc le nombre de nœuds attachés. En supposant par exemple une émission de 250ms6 sur une bande à 0,1% de cycle d’activité, un nœud dominant ne peut supporter plus de 345 trames par jour, incluant le trafic de données et de contrôle.

Enfin, les protocoles de routage à topologie hiérarchique souffrent de la variabilité de l’environnement radio. Afin de motiver cette assertion, nous présentons les résultats de travaux que nous avons mené sur le taux de livraison à partir du réseau déployé pour le projet collaboratif ANR ARESA [81]. Le projet collaboratif ANR ARESA s’est achevé

5. 600 bits environ pour une application de télé-relève de compteurs.

6. Conformément aux résultats des Chapitres 4 et 6, on suppose ici une durée d’émission dominée par le préambule de synchronisation, les données ne nécessitant que 30 ms de temps d’émission.

à l’été 2009 avec le déploiement d’un réseau d’une trentaine de nœuds capteurs sans-fil, dont la topologie physique est représentée par la Figure 3.17. Ce réseau, composé de compteurs sans-fils comportait des capteurs de comptage de véhicules et de piétons, de mesure d’humidité, de température et de comptage de gaz sur un parc de 240 000m2mêlant zones de parking, bâtiments, sous-bois et plaine dégagées. Sur la base de cette topologie et

Figure 3.17 – Topologie du démonstrateur ANR ARESA

des traces de connectivité, dont le détail est fourni dans le Chapitre 9 (Fig.9.1), nous avons étudié la dépendance de la connectivité7 des compteurs à la passerelle en fonction de la redondance de chemin dans la topologie de routage [81]. Comme illustré par la Figure 3.18, lorsque le nombre de liens utilisés par nœud pour l’acheminement des données est faible, la connectivité est inférieure à 60%.

Cette étude montre qu’une approche visant à concentrer le trafic sur quelques nœuds/liens du réseau peut de solder par des taux de livraison très inférieurs aux exigences applicatives, i.e. 99% pour une télé-relève de compteurs gaz/eau.

Cette étude pose la question de la pertinence d’une approche hiérarchique pour une application de télé-relève en milieu urbain. La fiabilité des transmissions dépend en effet du lien entre les nœuds à rôle dominant et les nœuds attachés. Ce constat révèle l’une des difficultés majeures auxquelles sont confrontés les algorithmes de formation des grappes et d’élection des nœuds à rôle dominant. Ces algorithmes sont en effet confrontés à un problème triple : un problème de couverture : il faut rattacher l’ensemble des nœuds à un nœud à rôle dominant ; un problème de consommation d’énergie : compte tenu de la consommation d’énergie accrue des nœuds rôle dominant, il est en effet préférable d’en élire un nombre restreint ; un problème de fiabilité des communications : un lien fiable

7. La connectivité représente ici la probabilité d’acheminement d’une trame en supposant l’usage de l’ensemble des chemins mis à disposition par la topologie.

Figure3.18 – Topologie du démonstrateur ANR ARESA

entre chaque nœud à rôle dominant et les nœuds attachés est une condition indispensable au respect des objectifs de QoS des applications cibles.

Pour ces raisons, nous considérons maintenant les alternatives aux protocoles à topo-logie hiérarchique, à savoir les protocoles à topotopo-logie plane.