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Protocole de mise en forme, stabilité thermique des liants et explications sur leur efficacité

Chapitre II : Elaboration de pastilles zéolithiques

2) Protocole de mise en forme, stabilité thermique des liants et explications sur leur efficacité

2.1) Description du protocole optimal

Le protocole optimal, qui sera la base de toutes les caractérisations des propriétés mécaniques et texturales des pastilles conçues, est décrit ci-dessous :

- Etape 1 : Mélange des composants

Le liant et l’eau sont ajoutés dans le mortier selon des quantités définies. La poudre zéolithique est ensuite versée sur le mélange. Si le liant est le silicate de sodium, 2,5 % en masse d’amidon par rapport au mélange sec total peuvent être ajoutés. Le mélange est homogénéisé à l’aide d’une spatule.

- Etape 2 : Mise en place de la pastilleuse

Le mélange précédent est placé dans la pastilleuse, puis le piston peut être légèrement lubrifié avec du glycérol afin de permettre une éjection plus facile. Il faut veiller à ce qu’il n’y ait pas de lubrifiant en contact avec le mélange. Le piston est ensuite inséré dans le corps de la pastilleuse. L’ensemble est placé dans la presse.

Chapitre II : Elaboration de pastilles zéolithiques

- Etape 3 : Compactage et éjection

Une lente montée de la charge de compactage est effectuée. Une fois la charge de compactage souhaitée atteinte, celle-ci est maintenue pendant 5 minutes. Ensuite, la charge de compactage est réduite lentement jusqu’à 0 tonne. La pastilleuse est retirée une fois la décharge terminée. Le corps de la pastilleuse est alors retourné puis placé dans la presse afin de subir une compression lente dans le but d’éjecter la pastille. Celle-ci est enfin récupérée puis séchée à 70 °C pendant 24 heures.

En présence du liant inorganique, une étape de calcination à 500 °C pendant 4 heures est effectuée pour éliminer l’amidon si celui-ci est présent. Le mortier et la pastilleuse sont nettoyés à chaque utilisation. Il est à noter que les zéolithes de types FAU et LTA peuvent rendre l’éjection du piston difficile (peut-être est-ce dû à leur caractère hydrophile).

2.2) Stabilité thermique des liants

Lorsque le satellite est en orbite, la température dans l’habitacle varie de -120 °C à 150 °C, parfois sous un vide poussé (jusqu’à 10-8 Pa). Les liants doivent donc être stables thermiquement, en particulier la méthylcellulose qui est un composé organique. C’est le cas du silicate de sodium qui est un liant inorganique. Seul l’amidon pourrait poser problème, mais ce dernier est éliminé après l’étape de calcination. Pour cela, une analyse thermogravimétrique sous air a permis de définir la limite d’utilisation de la méthylcellulose (Figure 2).

La première perte de masse, comprise entre 30 °C et 240 °C, correspond au départ de l’eau physisorbée, ceci étant dû aux liaisons hydrogène entre l’eau et les groupements hydroxyle de la MC. La dégradation de la MC intervient entre 240 °C et 400 °C. Une perte de masse de 81 % en masse ainsi qu’un pic endothermique sont en effet observés. La combustion des résidus carbonés (signal exothermique sur la courbe du flux de chaleur) intervient ensuite entre 400 °C et 500 °C, correspondant à une perte de masse de 17 %.

Figure 2-2: Analyses thermiques sous air de la méthylcellulose (MC) : en rouge la courbe de la perte de masse (ATG), en vert la courbe du flux de chaleur (ATD).

L’analyse thermogravimétrique d’un mélange « zéolithe de type FAU-MC» compactée à 8 tonnes et activé à 150 °C sous vide secondaire (liant présent à hauteur de 15 % en masse par rapport à la poudre zéolithique non placée dans ce cas dans un dessiccateur à atmosphère humide) montre que la dégradation de la méthylcellulose intervient dans le même domaine de température que la méthylcellulose seule (Figure 3), soit entre 240 °C et 400 °C. La quantité de liant organique introduite (15 % en masse) est toujours présente après un dégazage à 150 °C sous vide (la température d’activation a été optimisée, cela sera l’objet d’un paragraphe ultérieur). La première perte de masse correspond à la perte d’eau présente dans les pores de la zéolithe de type FAU, même si celle-ci se prolonge après 240 °C. Comme dans le cas de la méthylcellulose seule, la combustion des résidus carbonés à lieu entre 400 et 500 °C. Cependant, la dégradation de la méthylcellulose au sein de la pastille est cette fois-ci exothermique (Figure 3), alors qu’elle était précédemment endothermique (Figure 2). Ce phénomène n’est pas encore expliqué à l’heure actuelle et mériterait une étude plus approfondie.

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Figure 2-3: Analyses thermiques sous air d’un mélange « zéolithe de type FAU-MC » compacté à 8 tonnes avec 15 % en masse de méthylcellulose par rapport à la poudre zéolithique anhydre : en rouge la courbe de la perte de masse (ATG), en vert la courbe du

flux de chaleur (ATD). La pastille a été activée à 150 °C sous vide secondaire.

2.3) Hypothèses du fonctionnement des liants

Dans ce paragraphe, nous tenterons d’expliquer pourquoi la méthylcellulose et le silicate de sodium ont donné de meilleurs résultats que les autres liants dans le cadre de la mise en forme de zéolithe.

Tout d’abord, la méthylcellulose peut présenter plusieurs structures. En effet, le degré de substitution (DS) de la méthylcellulose est défini comme le nombre de groupements hydroxyle par molécule de glucose. Le DS maximal théorique est de 3. La méthylcellulose que nous utilisons possède un DS de 1,8 d’après le fabricant Acros Organics®. Une représentation schématique de ces 2 liants est donnée en Figure 4.

Figure 2-4 : Représentations du silicate de sodium (à gauche) et de la méthylcellulose dans le cas d'un degré de substitution égal à 1 (à droite).

La méthylcellulose se présente sous forme de fibres mais lorsqu’elle est mélangée à l’eau, elle forme un gel semblable à une colle (Figure 5).

Figure 2-5 : Clichés de microscopie électronique à balayage des fibres de méthylcellulose (à gauche) et du gel « méthylcellulose-eau » (à droite).

La méthylcellulose est un polymère qui possède une température critique inférieure de solubilité (ou LCST pour Low Critical Solution Temperature) comprise entre 40 °C et 50 °C qui dépend du DS. En dessous de cette température, elle est soluble dans l’eau mais au-delà, elle ne l’est plus.

Lorsque la méthylcellulose entre en contact avec l’eau, un hydrogel est formé. Celui-ci est la conséquence de la réticulation de la méthylcellulose à travers des liaisons chimiques ou physiques qui permet au polymère de piéger un grand volume d’eau. Cet hydrogel est formé par des liaisons ionique, hydrogène ou des interactions hydrophobes. Dans notre cas, la formation du gel « MC-eau » est due à des interactions hydrophobes intermoléculaires entre les groupements méthyl des chaînes du polymère. A température ambiante, les molécules d’eau entourent les groupements hydrophobes jouant ainsi sur la solubilité de la méthylcellulose. Lorsque la température augmente, ces structures sont modifiées ce qui entraîne la formation d’agrégats hydrophobes (10).

Lorsque ce gel est mélangé à la poudre zéolithique (ici de type FAU) sans compactage (5 % en masse de méthylcellulose par rapport au mélange « zéolithe-MC »), les cristaux de zéolithe sont enrobés par celui-ci (Figure 6). Tous les cristaux sont incorporés dans le gel ; aucun d’entre eux ne subsiste en dehors de ce dernier. Lors du processus de compactage, ces blocs composites seront eux aussi assemblés afin de former une pastille compacte composée d’un gel « MC-eau » et de zéolithe. Ce gel assurera la tenue mécanique de la pastille.

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Initialement, l’hypothèse était que les liaisons hydrogène entre les groupements hydroxyle de la méthylcellulose et les groupements silanol de la zéolithe étaient responsables de la tenue mécanique de la pastille. Les analyses en spectroscopie infrarouge (disponibles en

Annexe 4) ne l’ont toutefois pas démontrées. Cependant, certains travaux font état de la

présence de liaisons hydrogène entre les groupements hydroxyle de la cellulose (et non de la méthylcellulose) et les groupements silanol de la zéolithe (11; 12), mais les résultats obtenus incitent à la prudence. En effet, les auteurs affirment que le déplacement de la bande 3600-3000 cm-1 (soit de 3347 cm-1 à 3336 cm-1), caractéristique du groupement hydroxyle de la cellulose, vers de plus basses longueurs d’ondes est dû à la présence de liaisons hydrogène. La résolution de leur appareillage étant de 4 cm-1, leur conclusion semble légèrement biaisée.

Figure 2-6 : Clichés de microscopie électronique à balayage du mélange « zéolithe de type FAU-eau-méthylcellulose » (5 % en masse de méthylcellulose par rapport au mélange

« zéolithe-MC »).

Pour la zéolithe de type MFI, nous pouvons constater sur les clichés de microscopie électronique à balayage ci-après (Figure 7) une légère différence : il n’y a plus de gel dans lequel sont enrobés les cristaux zéolithiques mais seulement des « ponts » entre ces derniers, probablement dû au caractère très hydrophobe de cette zéolithe (rapport molaire Si / Al  ∞) et à la présence moindre de défauts de surface. Même si des différences sont observées entre les zéolithes de types FAU et MFI, le rôle de la méthylcellulose est le même :

lier les cristaux zéolithiques entre eux. Les tests mécaniques confirmeront ou infirmeront cette hypothèse.

Figure 2-7 : Clichés de microscopie électronique à balayage du mélange « zéolithe de type MFI-eau-méthylcellulose » (5 % en masse de méthylcellulose par rapport au mélange

« zéolithe-MC »).

Pour conclure cette étude de microscopie électronique à balayage sur les mélanges « zéolithe-méthylcellulose-eau », la Figure 8 met en exergue la tranche d’une pastille « zéolithe de type FAU-MC ». Les fibres de méthylcellulose sont facilement distinguables. La répartition de ces dernières semble assez homogène évitant ainsi l’apparition de fissure lors de l’étape d’éjection.

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Figure 2-8 : Clichés de microscopie électronique à balayage d’une tranche d'une pastille « zéolithe de type FAU-MC » sur laquelle les fibres de méthylcellulose sont distinguables (5

% en masse de méthylcellulose par rapport au mélange « zéolithe-MC »). Le mélange a été compacté à 6 tonnes.

En ce qui concerne le silicate de sodium, le principe de consolidation est très semblable à celui de la méthylcellulose en contact avec la zéolithe. Une fois le silicate de sodium en contact avec l’eau, ce dernier va lier les cristaux zéolithiques entre eux (Figure 9). Des « ponts » de liant entre les cristaux vont alors s’établir entraînant ainsi la formation d’une poudre non pulvérulente et compacte lors du séchage. Contrairement à la méthylcellulose où une différence pouvait être observée selon le caractère hydrophile ou hydrophobe de la zéolithe, le silicate de sodium agit de la même manière peu importe la zéolithe.

Figure 2-9 : Clichés de microscopie électronique à balayage des mélanges « zéolithe de type FAU-eau-silicate de sodium » (à gauche) et « zéolithe de type MFI-eau-silicate de sodium »

(à droite) (5 % en masse de silicate de sodium par rapport au mélange « zéolithe de type MFI-Na2SiO3 »).

Ces conclusions sont en adéquation avec des études qui ont été menées sur les interactions et les mécanismes de consolidation entre la silice (que l’on apparente ici à une zéolithe) et le silicate de sodium (Figure 10) (13; 14). Dans ces travaux, les auteurs décrivent deux mécanismes de consolidation :

- Le premier, qui a lieu à une température inférieure ou égale à 70 °C, correspond à la formation de verre de silice qui assure la cohésion entre les grains de silice. Dans cette gamme de température, deux réactions vont être en compétition : la formation d’un gel de silice progressivement transformé en verre de silice et un phénomène de dissolution-précipitation (décrit ci-dessous) des espèces silicate. Le silicate de sodium joue le rôle de « colle » couvrant les grains de silice et les liant entre eux. Cette température est la même que celle utilisée lors du séchage des pastilles élaborées. Ce mécanisme serait donc celui qui prédominerait dans leur consolidation. Les clichés de microscopie électronique à balayage (Figure 9) accréditent ce mécanisme.

- Le second cas de figure est activé lorsque la température augmente à 150 °C engendrant un phénomène de dissolution-précipitation des espèces silicate. Cela conduit à la formation d’ions hydroxyle qui vont attaquer les liaisons O-Si de la silice. Des groupes Si-OH vont alors se former à la surface de la silice et des espèces anioniques Si-O- vont être en solution. La concentration de ces espèces anioniques va augmenter ce qui va conduire à la précipitation de la silice amorphe entre les grains de silice assurant ainsi leur cohésion.

Le pH de la solution de silicate de sodium, égal à 14, pourrait dissoudre partiellement la zéolithe engendrant une amorphisation partielle ou totale de la structure zéolithique. La diffraction de rayons X et les tests d’adsorption et de désorption du diazote permettront de confirmer ou non cette hypothèse dans un paragraphe ultérieur.

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2.4) Conclusion

Cette deuxième partie a permis de mettre en exergue quelques observations sur le fonctionnement de la méthylcellulose et du silicate de sodium au sein des pastilles. Les liants, au contact de l’eau, vont combler les vides intergrains afin de lier les cristaux zéolithiques entre eux. La limite d’utilisation de la méthylcellulose étant proche de 240 °C sous air, il est possible de l’utiliser à bord de satellite ; une analyse thermogravimétrique a par ailleurs confirmé qu’elle était toujours présente après l’activation à 150 °C sous vide d’une pastille zéolithique.

Dans la partie qui suit, les propriétés mécaniques des pastilles zéolithiques optimales (i.e. 5 % en masse de liant organique ou inorganique par rapport au mélange « zéolithe-liant ») vont être étudiées.