2. Partie expérimentale
2.2.2. Protocole de production du genre du clitique accusatif
Description du protocole
Ce protocole que nous avons créé pour cette recherche a pour but spécifique de déterminer le rôle du [GENRE] (cf. chapitre 1.3.) dans la difficulté à produire le clitique accusatif 3e personne en français. Le protocole du genre ressemble au PPPC présenté précédemment
puisqu’il vise la production de pronoms clitiques de la part de l’enfant. Cependant, ce test ne concerne que les clitiques accusatifs à la 3e personne et les images utilisées sont des pictogrammes (logiciel Pictelia)21. Nous avons fait varier le genre des clitiques nominatifs [il/elle] et accusatifs [l’/le/la]22 au sein de celui-ci, afin d’obtenir les trois conditions suivantes :
‒ une condition dite [neutre] : « il/elle l’arrose », où on utilise un pronom accusatif « l’ » qui n’est pas marqué en genre (en surface),
‒ une condition dite [match] : « il le – elle la montre », ici les clitiques nominatifs et accusatifs partagent le même genre,
‒ une condition dite [mismatch] : « il la – elle le prend », ici les clitiques nominatifs et accusatifs ne partagent pas le même genre.
Procédure et matériel
Le protocole du genre comporte 32 items. Ceux-ci sont organisés séquentiellement. Dans un premier temps viennent des items d’habituation aux pictogrammes, puis viennent des items pré-test, ensuite les items test. Des distracteurs sont intercalés au sein des items test. (cf. le tableau VI).
Tableau VI. Répartition des 32 items du protocole de production du genre du clitique accusatif 4 items
Nous avons contrôlé les items en utilisant parfois un patient, parfois un thème, qui subissent l’action.
Exemple : patient [animé]23 : « Le garçon montre une girafe. Alors tu te souviens ? Que fait le garçon avec la girafe ?»
21 Pictelia est un programme de pictogramme des marques commerciales de la société R/D/I+ Copyright 2000-2011 R/D/I+, consultable sur le site : http://www.axelia.com/Pictelia.aspx
22 Nous considérons le [l’] comme étant la déclinaison « neutre » du clitique accusatif 3e personne.
23 Sont considérés comme [animé] les humains et les animaux.
Exemple : thème [inanimé] : « La fille arrose une fleur. Alors tu te souviens ? Que fait la fille avec la fleur ? »
Lors de la construction de ce protocole, nous avons également dû porter une attention particulière à la sélection des verbes. En effet, il nous fallait des verbes facilement imageables et suffisamment fréquents pour que des enfants de 4 ans les connaissent. Enfin, nous avions besoin de verbes respectant ces deux premiers points et commençant par une voyelle pour les items des suites neutres, car elles sont construites autour du clitique accusatif « l’ ». Enfin, pour ce qui est de l’ordre de présentation des items, nous l’avons randomisé. Nous avons, pour faire passer ce test, utilisé un diaporama présenté sur ordinateur. Sur chaque diapositive apparaît un dessin représentant l’action d’un personnage ou d’un objet sur son environnement.
Une question est posée oralement à l’enfant, différente selon que nous cherchions à faire produire une suite de clitiques en condition [neutre], [match] ou [mismatch]. On présente tout d’abord les items d’habituation pour familiariser l’enfant avec les pictogrammes dont un exemple est donné en [9] :
[9] Consigne : « Regarde, c’est quoi ? » Réponse attendue : « Un lion »
Ensuite viennent des items prétest, test et distracteurs. Sont présentés ci-après un exemple d’item pré-test [10], un item test en condition neutre [11], un autre en condition match [12], puis en condition mismatch [13], ainsi qu’un item distracteur [14] :
[10] Consigne : « Regarde : Le garçon tire une vache. Alors tu te souviens ? Que fait le garçon avec la vache ! Alors tu te souviens ? Que fait le garçon avec la vache? »
Réponse attendue : « Il la tire »
[11] Consigne : « Regarde, le garçon essuie une grosse tache sur la table. [On clique…ne restent alors que les images de la table et de la tache] Alors tu te souviens ? Que fait le garçon avec la tâche? »
Réponse attendue : « Il l’essuie »
[12] Consigne : « Regarde, la fille prend une banane. [On clique…ne reste alors que l’image de la banane] Alors tu te souviens ? Que fait la fille avec la banane ? »
Réponse attendue : « Elle la prend»
[13] Consigne : « Regarde, le garçon montre une girafe. [On clique…ne reste alors que l’image de la girafe]Alors tu te souviens ? Que fait le garçon avec la girafe ?»
Réponse attendue : « Il la montre»
[14] Consigne : « Regarde, les enfants sont dans la cour de l’école! Regarde ce qu’ils font ! [On clique…ne reste alors aucune image]Alors tu te souviens ? Que font les enfants ?
Réponse attendue : «Ils jouent»
Notons que les trois éléments présents sur les images sont positionnés dans un ordre syntaxique simple24 (Sujet – Verbe – Objet) (ex. en [13] / fille / main / banane /). Nous imaginons que c’est de gauche à droite que l’enfant va scruter l’image et ainsi sera confronté à la structure syntaxique canonique présentée dans la consigne : « Regarde : La fille prend une banane. ». Cependant, la structure SVO n’est pas la structure syntaxique que nous attendons dans ce test. Nous avons donc décidé qu’après la phase de présentation de l’image (ex. « Regarde : La fille prend une banane. »), les sujet et verbe disparaissent et ce, afin d’éviter toute influence liée à la présentation « canonique » des trois images. Ainsi, nous pouvons poser la question à l’enfant (ex. « Alors tu te souviens ? Que fait la fille avec la banane ? »), en n’ayant que l’objet sous les yeux.
De plus, si l’enfant émet une réponse non-cible ou utilise un verbe autre que le verbe cible, on lui propose de réitérer sa réponse en lui demandant de la reformuler avec le verbe visé. Pour plus de détails, la totalité de ce protocole est présentée en annexe III, page 84.
24 Cela n’est pas le cas des distracteurs, ainsi que pour un des items, en [12].
Hypothèses opérationnelles
[HB] suppose un effet principal du type de suite. Nous émettons donc l’hypothèse que le pourcentage de production de clitiques accusatifs corrects sera plus élevé pour la condition [neutre] (vs. [match] et [mismatch]). De même, nous supposons que les suites [match]
favorisent la bonne production des pronoms clitiques accusatifs, donc ils seront plus facilement produits dans cette condition que dans la condition [mismatch]. Ceci se traduit par :
% de suites [neutre] > % de suites [match] > % de suites [mismatch]
[HB1] prédit un effet du groupe d’âge, à savoir que les « 4-6 » auront un taux de production plus faible dans leur production des différentes suites de clitiques que les « 6-8 ». Ceci peut prendre la forme suivante :
% suites [neutres, match, mismatch] : « 4-6 » < « 6-8 »
Il serait également intéressant d’approfondir une possible interaction entre les variables
« groupe d’âge » et « type de suite» : l’écart entre les deux groupes d’âge pourrait être d’autant plus grand pour la condition [mismatch], supposée être la suite la plus complexe.