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La protection des Salles Art et Essai : un instrument de la politique culturelle française 

B.  L’Art et Essai en pratique 

2. La protection des Salles Art et Essai : un instrument de la politique culturelle française 

Une fois déterminée annuellement salle Art et Essai, la salle peut également prétendre, en fonction de son identité de programmation et d’animation, à l’obtention d’un label plus spécifique à celui « d’art et essai », comme le label « Recherche et Découverte », le label « Jeune Public », « Patrimoine et Répertoire », octroyé par des données indicatives prenant en compte toute une série de données (le nombre de titres de l’établissement, le nombre de séances, le nombre de séances par titre, le nombre d’écrans, la taille de la commune et l’environnement, la VO, la régularité de l’offre art et essai, le résultat par rapport à l’offre, la qualité de l’information spécifique, la qualité de la politique de l’accompagnement des films73). Ainsi, il est à remarquer que la protection de ses salles par le biais de l’obtention de subvention s’opère en fonction de la manière dont le film reconnu artistique est programmé. Il ne suffit pas qu’une grande proportion de films soit programmée pour obtenir un label, mais il faut que la salle démontre sa capacité à entourer, accompagner les films, les valoriser dans son espace de réception publique.

Cette protection du dispositif de réception cinématographique, comme espace social, d’enrichissement culturel et de divertissement, est à rallier à la politique culturelle française, exemplaire à ce sujet. En effet, le CNC, crée en 1948, n’est autre aujourd’hui qu’une branche du ministère la Culture, et s’inscrit à ce titre dans l’histoire et les enjeux de ses missions, même si sa création lui est antérieure. Le ministère des affaires culturelles fut crée en 1959, dans un désir originel de démocratisation de la culture, notamment si l’on pense à la conception qu’en avait son premier chef de file, André Malraux. C’est d’ailleurs Malraux lui même qui rattacha le CNC au nouveau ministère de la Culture en 1959, veillant à insister sur la nécessité de la protection du domaine cinématographique, soumis aux aléas économiques propres à sa nature industrielle. Déjà en 1946, dans un ouvrage « Esquisse d’une psychologie du cinéma »74, il rapproche le cinéma des autres formes d’expressions artistiques, en

73 Ibidem, page 10 

soulignant son autonomie de langage, sa modernité, ses enjeux stylistiques, clôture son discours lyrique par la dernière phrase « Par ailleurs le cinéma est une industrie. »75. Cette fermeture implique qu’il faudrait faire appel à un autre ouvrage pour aborder la nature industrielle du cinéma, ses enjeux et implications, elle sous-entend la complexité de cette fatalité.

Le CNC a pour mission de protéger et de favoriser la naissance et la circulation des créations cinématographiques, face aux dérèglements et instabilités financières que le 7e art rencontre. La mission du CNC s’inscrit dans la mission générale du Ministère de la Culture et de la Communication, à savoir de « rendre accessibles au plus grand nombre les œuvres capitales de l’humanité, et d’abord de la France. À ce titre, il conduit la politique de sauvegarde, de protection et de mise en valeur du patrimoine culturel dans toutes ses composantes, il favorise la création des œuvres de l'art et de l'esprit et le développement des pratiques et des enseignements artistiques »76.De même, le CNC opère à tous les stades de la vie d’un film pour favoriser sa création, mais aussi sa diffusion, avec une attention particulière dévolue au cinéma de nature artistique. Un système de redistribution des richesses et de mutualisation des risques a été mise en place pour rééquilibrer certaines irrégularités, opérés notamment par des taxes prélevées sur le chiffre d’affaire des salles de cinéma depuis 1948, ainsi que plus tard sur les chaînes de télévision, et enfin la vidéo et la VOD, ainsi que le média internet.

C’est le secteur de l’exploitation qui intéresse ici les questions relatives aux Salles Art et Essai. Celui bénéficie d’aides différentes : une en matière d’aménagement de la salle de cinéma (qu’il s’agisse d’une construction sur terrain nu ou d’une rénovation), ainsi que l’aide « sélective » occupant notre étude propre à la Salle Art et Essai, dont la subvention résulte de la politique de redistribution propre au fonctionnement du CNC. Autrement dit, l’ensemble de l’assiette-diffusion sur tous les supports confondus alimentent un fonds d’aide redistribués dans toutes les strates de la vie d’une œuvre.

Comment s’inscrit UGC dans cette politique de redistribution des richesses ? En quoi UGC trouve une implication en matière de diffusion de films « arts et essais », et plus précisément si l’on pense à l’UGC-Ciné-Cité La Défense ?

75 Ibidem 

3. Quel positionnement pour l’UGC‐Ciné‐Cité de La Défense, vis‐à‐vis du cinéma d’art et essai ? 

Compte tenu des critères appréciés par les Commissions annuelles responsables de la qualification des Salles Art et Essai sur le territoire national, qui touchent à la fois à la taille de l’agglomération, mais aussi au nombre d’écrans, il apparaît que le lien entre « film art et essai » d’un côté et institutionnalisation de la notion chez UGC n’opère pas. Plus particulièrement, l’UGC-Ciné-Cité La Défense ne saurait acquérir ce statut, compte tenu à la fois de la taille de l’agglomération dans laquelle il s’inscrit, mais aussi du nombre d’écrans qui le caractérise. L’espace de réception consacré par le modèle de l’UGC-Ciné-Cité La Défense, qui revendique par sa dénomination même une attractivité en terme de quantité et qualité d’écrans, échappe aux critères « externes » aux œuvres filmiques.

D’emblée, et sans même connaître la proportion de films « recommandés art et essai » à l’UGC La Défense, il apparaît que la politique de soutien sélectif envisage la diffusion de films artistiques en tenant compte de la nature dudit dispositif de diffusion : films et supports de diffusion sont envisagés dans une certaine continuité. Ceci pose alors les questions suivantes : un même film « recommandé art et essai », diffusé dans une Salle Art et Essai d’un côté, et de l’autre le même film diffusé au sein de l’UGC-Ciné-Cité La Défense ne renvoient pas à la même expérience filmique ? Et ceci dans quelles mesures ?

Plus encore, la consécration de la salle Art & Essai recouvre deux réalités : celle de l’espace de réception et celle du film. L’UGC-Ciné-Cité La Défense ne peut en tant qu’espace de réception être consacré juridiquement, mais cela ne veut pas dire que ce cinéma ne diffuse pas de films artistiques, ou de films « recommandés art et essai ». Le cinéma de La Défense est un cinéma privé, tourné vers le divertissement, et une offre pléthorique filmique, en ce sens il échappe à la protection publique de la salle Art et Essai. Toutefois, comme toutes les salles de cinéma, il contribue pour chaque billet vendu à la politique générale de redistribution. Il s’inscrit de ce fait dans le paysage de l’exploitation politique française. Aussi, en fonction des films qu’il diffuse, et de la manière dont ces derniers sont diffusés, ce cinéma peut contribuer à la diffusion d’une part de films artistiques et expérimentaux. Il est difficile de mesurer une telle proportion, puisqu’il est difficile de définir le cinéma d’art et essai. Mais il est possible de mesurer rétrospectivement la part des films recommandés par l’AFCAE. Aussi, le fait que l’UGC-Ciné-Cité La Défense diffuse depuis 2012 des films de répertoire permet d’envisager et questionner le rôle de ce cinéma dans la diffusion art et essai, alors même que la salle échappe à la qualification juridique de salle Art et Essai.

II. Une programmation diversifiée donnant une place aux programmes « Art &