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Enjeux de la programmation 

L’activité de programmation implique de sélectionner, hiérarchiser chaque semaine une série de films. En effet, d’abord il faut choisir quels films seront projetés au sein du cinéma, ensuite dans quelle salle ils seront départagés, sachant qu’il est rare que les salles soient similaires (en terme d’espace et de capacité) dans un même cinéma. Parmi les films choisis, on présume que certains accueilleront davantage de spectateurs par rapport à d’autres. En fonction des résultats antérieurs de fréquentation en salle, un cinéma peut se faire une idée des types de films « immanquables », mais il y a toujours une grande part d’imprévu, étant donné que les spectateurs découvrent le film en allant au cinéma (à l’exception de la redécouverte de films de répertoire ou de catalogue mais même une rediffusion connaît des aléas).

C’est à l’exploitant de la salle de cinéma d’assurer l’activité de programmation, elle est au cœur des fonctions de ce dernier, en ce qu’elle cherche le meilleur équilibre entre ce qu’elle estime être les meilleurs sorties de la semaine et ce qu’elle estime être la demande du public. Mais elle est aussi déterminante pour les films, qui une fois achevés, espèrent connaître le succès, et nécessitent d’organiser la rencontre avec le public.

La programmation des films en salle « est la fonction vitale d’un métier qui revêt une double importance au sein de la filière cinématographique, production- distribution/exploitation :

- une importance artistique, car une fois les œuvres produites, il est de la responsabilité des distributeurs de réussir à les faire connaître au public en leur trouvant une exposition idoine dans les salles, et donc de négocier avec les programmateurs ;

- une importance commerciale, car de la quantité et de la qualité des cinémas qui accueilleront chacun des titres dépendront, d’une part, d’une fraction de l’amortissement économique des films, d’autre par, leur valorisation pour les autres supports et enfin, pour les salles, l’optimisation de leur rentabilité. »79.

La programmation se niche en effet au creux de tous les enjeux du secteur cinématographique : elle est issue d’une négociation avec le distributeur s’agissant de choisir quel film est programmé ; et permet à un film d’être ou non rentabilisé par sa mise en projection publique. Dans tous les cas, le programmateur de salle assure une « double responsabilité : exposer correctement les œuvres en salles auprès du public et assurer la viabilité économique et/ou culturelle des salles »80. Le programmateur doit à la fois mettre en

79 CLAUDE FORESTL’argent du cinéma, Belin Sup, 2012, « La programmation des films en salle », page 145  80 Ibidem 

valeur les œuvres cinématographiques qu’il a choisi de projeter, et faire vivre économiquement le cinéma. La recherche de rentabilité est capitale pour les cinémas privés, quand elle est pour les Salles Art & Essai, importante mais pas moins vitale (du moins à court terme) puisqu’elles bénéficient d’aides publiques. Comme le souligne Claude Forest dans la citation qui précède, la « viabilité culturelle »81 est également un enjeu fondamental propre à la programmation. Elle permet de saisir l’identité d’une salle, de la situer parmi d’autres. Selon Claude Forest, ce métier, qui « s’entend comme choix et organisation d’un spectacle »82, est un métier récent. En effet, jusque dans les années 1950, il n’existait en somme que trois types de salles : les salles d’exclusivité diffusant des œuvres de première exclusivité ; les salles de seconde exclusivité ; et enfin, les salles ultérieures appelées aussi « salles de quartier », diffusant les œuvres cinématographiques des mois après la première exclusivité. Les mêmes œuvres étaient alors exposées beaucoup plus longtemps, et les salles de cinéma se relayaient pour les diffuser dans le temps. A la fin des années 1950, les distributeurs se regroupèrent, rendant vite nécessaire la présence d’un « intermédiaire- négociateur »83 capable de se placer entre les salles et les distributeurs. C’est alors que « le métier de programmateur, qui était apparu dès avant la guerre, prend son essor durant cette période et pendant la décennie suivante verra sa consécration ».84 Les exploitants se sont progressivement regroupés en élaborant des politiques communes, pour faire face au poids grandissant, notamment économique, des distributeurs. Ainsi, « en une vingtaine d’années, le nombre et la puissance des ententes régionales et locales se sont considérablement accrus, ainsi que le nombre de leurs adhérents, rendant de plus en plus rares les salles réellement « indépendantes » de ce point de vue »85. Ces regroupements sont vites devenus des obligations pour permettre aux salles de lutter contre une concurrence réelle et pour qu’elles aient un poids important notamment dans l’acquisition de copies de films « commerciaux » du moins de films « porteurs » permettant de canaliser un certains nombres d’entrées et de ce fait d’assurer la survie et la pérennisation d’une salle. En effet les exploitants et les distributeurs ont des intérêts divergents : pour les premiers, il s’agit d’optimiser la diffusion des films ; pour les seconds, il s’agit d’optimiser la carrière de chacun des films distribués dans son individualité (plus ils seront exploités longtemps et dans des salles stratégiques plus le film sera rentable). 81 Ibidem  82 Ibidem, page 146  83 Ibidem  84 Ibidem  85 Ibidem, page 147 

Claude Forest identifie également dans son étude sur la programmation, une « mutation récente »86 liée notamment à la prégnance des multiplexes. En effet, les multiplexes ont entraînés de nombreuses modifications du paysage de l’exploitation, puisqu’ils sont « autonomes à la fois vis-à-vis de la demande (les spectateurs trouvent forcément un film de leur choix parmi les 10 à 25 titres offerts), que vis-à-vis de l’offre (négociée par les distributeurs) »87. Ceci a eu de multiples incidences sur le marché de la salle de cinéma et sur la diffusion des films, entraînant notamment un renforcement de la concentration des entrées pour un nombre faible de films. En effet l’accroissement du nombre d’écrans, et l’augmentation des multiplexes entraînent une hausse de l’exploitation des mêmes films : ainsi dès 1999, une trentaine de films dépasse 500 écrans de diffusion-salle88. Au niveau de la fréquentation, certains titres concentrent donc considérablement un nombre important d’entrées, rendant la fonction de programmation cruciale : concernant la recherche de rentabilité économique, le programmateur doit savoir choisir le bon titre, ne pas passer à coté de celui qui pourrait générer un nombre important d’entrées, et opérer ce choix au moment opportun. Ceci intéresse notre étude, l’UGC-Ciné-Cité La Défense rentrant dans cette nouvelle politique comportementale de programmation de multiplexe.

La programmation conjugue la recherche d’obtention d’un titre à celle de l’organisation de la rencontre entre film et spectateur : choix de la salle ; temps d’exposition dévolu à l’œuvre par semaine et sur la durée. Elle peut être décidée en interne ou alors déléguée à une entreprise spécialisée, pour une salle ou un groupe de salles, ou encore un groupe d’établissements, le plus souvent de manière hebdomadaire.

Le secteur de l’exploitation moderne, caractérisé par un raccourcissement de la durée d’exploitation des films, de l’augmentation de la rotation des films, d’une forme de concentration des titres (en programmation et en fréquentation), appliqué à l’unicité et au caractère « prototypique »89 des films conduit le programmateur à assumer parfois le rôle d’un « joueur de casino »90. Qu’en-est-il pour le cinéma UGC-Ciné-Cité La Défense ?

86 Ibidem, page 150  87 Ibidem 

88 Ibidem, page 151 

89 On considère souvent le film comme une industrie de prototypes   90 Ibidem, page 153 

B. Etude de l’évolution de la programmation de l’UGC‐Ciné‐Cité La Défense (2006‐