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L’Art et Essai à l’épreuve du juridique

B.  L’Art et Essai en pratique 

1. L’Art et Essai à l’épreuve du juridique

Du point de vue juridique, « l’Art & Essai » renvoie à une notion fabriquée par la loi, dans le but de protéger la diffusion du cinéma artistique et expérimental, souvent plus fragile, à plusieurs titres. En effet, nombreux sont les films artistiques précaires dès la mise en production, et qui de ce fait ne pourront faire face aux frais de distribution nécessaires pour assurer la bonne publicité du film. Ce sont souvent de facto les films à la publicité faible qui seront ensuite très peu exploités en salles. Pour trouver un public, un film doit nécessairement faire connaître son existence, mettre en avant ses qualités. Une fois considéré comme « art et essai », comment favoriser la diffusion d’un film réputé difficile ? Comment la loi sur l’art et essai intervient en matière de diffusion ?

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La notion d’Art et Essai juridiquement ne renvoie pas directement à un film art et essai, mais à la salle de cinéma, qui peut être ou non définie comme « Salle Art & Essai » en fonction de certains critères fixés par la législation. Par un décret du ministre de la Culture datant du 25 octobre 1991, ensuite consolidé le 22 avril 2002, sont développés et arrêtés les critères permettant de déterminer une salle Art et Essai. Evidemment par le biais de la salle de cinéma, les films art et essais sont indirectement protégés, et c’est là l’un des objectifs de la loi. Les salles élues bénéficient d’un soutien économique. D’emblée il est intéressant de remarquer que la salle de cinéma, est pensée comme le meilleur allié du film art et essai. Pour qu’une salle obtienne ce statut, plusieurs critères sont à remplir. Tout d’abord, il importe que la salle diffuse des œuvres recommandées art et essai. Le décret du 22 avril 2002 érige les critères permettant de définir ces créations. Ainsi, une œuvre recommandée art et essai est :

- « une œuvre possédant d’incontestables qualités mais n’ayant pas obtenu l’audience qu’elle méritait

- une œuvre Recherche et Découverte, c’est-à-dire ayant un caractère de recherche ou de nouveauté dans le domaine cinématographique

- une œuvre reflétant la vie de pays dont la production cinématographique est assez peu diffusée en France

- une œuvre de reprise représentant un intérêt artistique ou historique, et notamment considérée comme « classiques de l’écran »

- une œuvre de courte durée, tendant à renouveler l’art cinématographique

Peuvent également être comprises dans les programmes cinématographiques d’art et d’essai ; - des œuvres récentes ayant concilié les exigences de la critique et la faveur du public et

pouvant être considérées comme apportant une contribution notable à l’art cinématographique

- des œuvres cinématographiques d’amateurs présentant un caractère exceptionnel »66. Il conviendra de revenir sur ces critères, qui apparaissent d’emblée assez larges, mais aussi pour certains externes aux qualités intrinsèques à l’œuvre filmique en question.

Chaque année, un nouveau classement est effectué pour déterminer le statut des salles Art et Essai sur le territoire national. Il est effectué par le directeur du CNC, d’abord à partir de l’avis de 7 commissions régionales, puis d’une commission nationale chargée de l’harmonisation, composée de 21 membres (un président, trois membres de droit représentant

66 « Qu’est ce qu’une œuvre recommandée art et essai ? », définie par le décret du 22 avril 2002,  Classement art et essai 2014, une publication du CNC www.cnc.fr, page 3 

l’Etat, neuf membres représentant la profession, un membre représentant la critique, sept personnalités qualifiées67).

La décision finale annuelle repose sur des critères précis, liés à la part de films « recommandés art et essai » dans chaque salle de cinéma, mais aussi aux conditions de diffusion de la salle. Des calculs sont effectués pour mettre en avant la diversité de la programmation Art et Essai : est alors appréciée la proportion de séances de films différents recommandés art et essai, en fonction des séances totales, et également en fonction du type de salle et de son implantation géographique et sociologique. En effet, le classement repose :

- « sur un indice automatique indiquant la proportion de séances réalisées avec des films recommandés art et essai par rapport aux séances totales offertes

- sur une pondération de cet indique automatique par : un coefficient majorateur qui apprécie le nombre de films proposés, la politique d’animation (en tenant compte des moyens dont la salle dispose, l’environnement sociologique, l’environnement cinématographique, … ) ; par un coefficient minorateur qui prend en compte : l’état de la salle, la diversité des films art et essai proposés, l’insuffisance de fonctionnement (nombre de semaines et de séances hors période de travaux) »68.

Les calculs effectués dépendent de la référence de « l’unité urbaine » 69 ou « agglomération »70, c’est-à-dire l’environnement dans lequel se situe l’établissement. Ainsi deux types de calcul différents opèrent selon que le cinéma soit implanté dans une « communes-centre des unités urbaines de plus de 100 000 habitants »71 (cette catégorie est elle-même subdivisée selon que la commune dépasse 200 000 habitants) ou qu’il soit implanté dans un commune moins peuplée (de moins de 100 000 habitants) regroupé sous la dénomination « autres localisations »72. Pour la première catégorie, le titre de Salle Art & Essai est donné lorsque la part de films recommandés art et essai représente au minimum de 70 % à 50 % des séances. Pour la seconde catégorie, l’éligibilité minimum varie selon un indice de 0,4 à 0,2. Le montant de la subvention art et essai dépendra du barème obtenu. Il apparaît que plusieurs critères interviennent quant à la détermination de la salle Art et Essai, dont certains liés à la localisation de l’établissement, mais aussi au nombre d’écrans que contient la salle. Plus la salle est petite (nombre d’écrans faible) et plus elle s’inscrit dans

67 Ibidem  68 Ibidem, page 4  69 Ibidem  70 Ibidem  71 Ibidem  72 Ibidem  

une petite commune, plus la proportion de films art et essai minimale requise est faible. De ces critères, il ressort que l’attribution du statut Art et Essai s’inscrit dans une politique culturelle dont les enjeux dépassent la diffusion de films reconnus comme artistiques, indépendants ou expérimentaux.

2. La protection des Salles Art et Essai : un instrument de la politique culturelle