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1.4 Le mécanisme de pompe endothélial

1.4.2 Protéines responsables du déplacement des ions

1.4.2.1 Pompes Na+/K+ ATPase

La pompe Na+/K+ ATPase est un membre de la famille des pompes de type P et joue le rôle d’échangeur ATP dépendant du sodium et du potassium à la membrane plasmique. Elle est formée d’un hétérodimère composé d’une sous-unité catalytique α et d’une sous- unité régulatrice β (McDonough et al. 1990, Kaplan 2002, Skou 2004). À ce jour, il existe 4 sous-unités alpha et 4 sous-unités bêta chez le mammifère exprimées de manière tissu spécifique (Blanco 2005). Il existe aussi une sous-unité gamma contribuant à la régulation de la pompe dans certains tissus (Geering et al. 2003, Geering 2008). La fonction principale de la pompe Na+/K+ ATPase est la régulation du gradient inter membranaire du sodium et du potassium. Ces gradients servent dans plusieurs processus comme la gestion du volume de la cellule, le transport des nutriments (glucose, acides aminés) et le potentiel d’action des neurones (Therien et al. 2000, Kuhlbrandt 2004). La pompe possède aussi d’autres fonctions. Elle est par exemple nécessaire à la formation et au maintien des jonctions

intercellulaire où elle agit comme une protéine d’échafaudage et de signalisation (McDonough et al. 1990, Geering et al. 2003, Blanco 2005).

De par son rôle ubiquitaire et essentiel, la pompe est fortement régulée. Sa régulation s’effectue surtout via un contrôle de sa transcription et des modifications post- traductionnelles (Dunbar et al. 2001, Clausen 2003, Skou 2004, Bertorello et al. 2005, Vadasz et al. 2007). Elle est aussi sujette à des changements de conformation affectant son activité enzymatique et sa vitesse de renouvellement (Lecuona et al. 2007, Vadasz et al. 2007).

L’ubiquitination de la pompe Na+/K+ ATPase fut initialement proposée par Coppi et Guidotti (Coppi et al. 1997). Ces auteurs ont rapporté que les sous-unités α1 et α2 de la pompe pouvaient être polyubiquitinées dans les cellules COS-7 (Coppi et al. 1997). Thenevod et Friedman ont par la suite montré que le stress oxydatif causait une augmentation de la dégradation de la pompe, un processus qui pouvait être empêché via l’utilisation d’inhibiteurs du protéasome et des lysosomes (Thevenod et al. 1999). Cette corrélation entre le stress oxydatif et l’ubiquitination de la pompe a été confirmée dans un modèle alvéolaire d’hypoxie, montrant qu’une importante diminution de l’oxygène entrainait l’endocytose et la dégradation des pompes Na+/K+ ATPase (Chibalin et al. 1999, Dada et al. 2003). Encore une fois, cette dégradation est empêchée par l’inhibition du protéasome et des lysosomes, ainsi que par la défectuosité de l’enzyme E1 (Comellas et al. 2006).

L’endothélium cornéen exprime les sous-unités α1, α3 et β1 (Gottsch et al. 2003, Huang et al. 2003).

1.4.2.2 Co-transporteurs du bicarbonate

Les « solute carriers » SLC4 forment une famille de 10 gènes (SLC4A1-5; SLC4A7- 11), transcrivant des protéines responsables du transport du bicarbonate. La famille comprend quatre échangeurs anioniques Cl-/HCO3- indépendant du sodium (AE1-4; SLC4A1-3,9), quatre cotransporteurs couplés au sodium Na+/HCO3- (NBC; SLC4-5, 7, 10) et un échangeur Na+/ Cl-/HCO3- (NDCBE; SLC4A8) (Kopito et al. 1985, Wang et al. 1996, Parker et al. 2008, Damkier et al. 2010).

Les NBC sont divisés en deux sous-catégories selon leurs capacités électrogéniques (NBCe1 et NBCe2; SLC4A4 et SLC4A5) ou neutres (NBCn1 et NBCn2; SLC4A7 et SLC4A10) (Romero et al. 2013, Thornell et al. 2015). Ils régulent la concentration

intracellulaire de sodium et de calcium et peuvent directement influencer le potentiel membranaire (Dart et al. 1992, Lagadic-Gossmann et al. 1992, Camilion de Hurtado et al. 1995, Camilion de Hurtado et al. 1996, Aiello et al. 1998). Ils sont par exemple impliqués dans des processus de sécrétion au niveau du pancréas, des voies respiratoires et de l’endothélium cornéen (Muallem et al. 1990, Bonanno 2003, Garnett et al. 2011, Bonanno 2012, Shan et al. 2012). Dans ces épithelia, le transport intracellulaire de charges négatives nettes et de HCO3- aide à l’établissement d’un gradient électrique ou bicarbonique menant à la sécrétion du bicarbonate à travers la membrane apicale. Le gradient électrique entraine la sécrétion d’autres anions, particulièrement le chlore (Thornell et al. 2015).

Il est à noter qu’il existe un 10e membre à la famille (SLC4A11) codant pour un transporteur du borate, mais qui peut jouer le rôle d’échangeur Na+/H+ (Jalimarada et al. 2013, Ogando et al. 2013, Kao et al. 2015). Des mutations de ce gène sont impliquées dans des cas familiaux de la dystrophie endothéliale cornéenne de Fuchs (voir section 1.5.6.3).

1.4.2.3 Transporteurs du monocarboxylate

Le glucose de la cornée provient de la chambre antérieure. Il est transformé en acide lactique (85%) par les kératocytes et les cellules épithéliales (Riley 1969). En conséquence, la concentration en lactate de la cornée est deux fois plus élevée que dans la chambre antérieure (Klyce 1981). L’épithélium étant imperméable au lactate, ce dernier profite ainsi de cette différence de gradient pour s’échapper vers la chambre antérieure en traversant l’endothélium (Klyce 1981, Giasson et al. 1994).

Le transport inter-membranaire des monocarboxylates comme le lactate, le pyruvate et le bicarbonate est facilité par une famille de protéines transmembranaires qu’on appelle les cotransporteurs du monocarboxylate (MCT; « monocarboxylate cotransporter ») (Poole et al. 1993). Ils sont regroupés dans la famille de gène SLC16 qui comprend 14 membres partageant une structure similaire de 12 hélices transmembranaires (Halestrap et al. 1999, Halestrap et al. 2004, Meredith et al. 2008). Seuls quatre membres de cette famille ont été confirmés comme étant des transporteurs du monocarboxylate, à savoir SLC16A1 (MCT1), SLC16A7 (MCT2), SLC16A8 (MCT3) et SLC16A3 (MCT4). SLC16A2 (MCT8) est connu comme étant un transporteur de l’hormone thyroïdienne et SLC16A10 (MCT10) comme étant un transporteur des acides aminés aromatiques (Kim et al. 2001, Friesema et al. 2003). Les rôles des autres MCT sont peu caractérisés (Halestrap et al. 2004, Meredith et al. 2008).

Nguyen et Bonanno (2011) ont montré la présence de MCT1, MCT2 et MCT4 dans l’endothélium cornéen (Nguyen et al. 2011, Nguyen et al. 2012).

1.4.2.4 Aquaporines

Les aquaporines sont des protéines formées de six hélices alpha arrangées de manière à former des pores perméables aux molécules d’eau dans les membranes plasmiques des cellules (Agre 2006, Gonen et al. 2006, Fu et al. 2007). Il existe 13 aquaporines. L’endothélium cornéen exprime principalement l’aquaporine 1 (Hasegawa et al. 1993, Hamann et al. 1998).

Les cellules endothéliales cornéennes expriment une grande quantité d’aquaporine 1 localisées autant au niveau apical que basolatéral (Kuang et al. 2004). Leur rôle dans la déturgescence est mal défini. La cornée des souris « knock-out » d’AQP1 est plus mince que dans le phénotype sauvage (Thiagarajah et al. 2002). Ce résultat suggère que l’aquaporine aurait un rôle pro-hydratation et ferait donc obstacle à la déturgescence.

1.4.2.5 Anhydrase carbonique

Les anhydrases carboniques sont un regroupement d’enzymes catalysant la conversion réversible du dioxyde de carbone et de l’eau en bicarbonate et proton (Hatch et al. 1990).

CO2 + H2O ↔ H2CO3 ↔ HCO3- + H+

Il existe six familles (α-CA, β-CA, γ-CA, δ-CA, ζ-CA, η-CA) non associées génétiquement d’anhydrases carboniques présentes dans les animaux, les plantes, les algues et les bactéries (Supuran 2010, Del Prete et al. 2014). Ces familles catalysent toutes la même réaction, mais ne partagent ni séquence d’acides aminés, ni conformation 3D similaires. L’humain exprime 12 membres de la famille alpha (CAI-IV, VA, VB, VI, VII, IX, XII-XIV) (Supuran 2008, Neri et al. 2011). Ces anhydrases carboniques se divisent en 4 catégories : cytologiques (CAI à III, CAVII), mitochondriales (CAVB, CAVA), sécrétées (CAVI), et associées aux membranes (CAIV, CAIX, CAXII, CA-XIV) (Breton 2001). Elles jouent des rôles fondamentaux dans plusieurs processus, incluant le transport du CO2, du bicarbonate et des électrolytes, la régulation du pH, l’anabolisme glucidique, lipidique et protéique (glycogenèse, lipogenèse, uréogénèse), la résorption osseuse et la calcification (Lionetto et al. 2016).

L’endothélium cornéen exprime les anhydrases carboniques II et IV (Hageman et al. 1991, Ridderstrale et al. 1994). Leurs inhibitions causent un ralentissement de la déturgescence (Fischbarg et al. 1974, Hodson et al. 1976, Riley et al. 1995).

1.5 Dystrophie endothéliale cornéenne de Fuchs

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