• Aucun résultat trouvé

1.3 La barrière endothéliale

1.3.1 Jonctions serrées

Les jonctions serrées sont des complexes de protéines ayant pour fonction de contrôler la circulation des fluides par la voie paracellulaire (Fromter et al. 1972, Madara 1998, Colegio et al. 2002). Ces jonctions contrôlent le passage du liquide via deux mécanismes, soit (1) en créant des « pores » extracellulaires ou (2) en produisant une fuite contrôlée (« leaky barrier ») (Van Itallie et al. 2008, Shen et al. 2011, Weber 2012). Le processus de fuite contrôlée permet le passage de larges molécules de manière non sélective. Son mécanisme se base sur un bris de barrière ou d’ouverture transitoire de la jonction entre les cellules (Anderson et al. 2004, Furuse et al. 2006). Le processus exact est mal caractérisé, mais semble être régulé par les protéines occludine et tricelluline, la protéine d’échafaudage zonula occludens-1 (ZO-1) et le niveau de tension exercé par l’anneau d’actomyosine périjonctionnel (PAMR; « peri-junctional actomyosin ring ») (Ikenouchi et al. 2005, Krug et al. 2009, Van Itallie et al. 2009, Van Itallie et al. 2010, Weber et al. 2010). La voie des pores assure une plus grande sélectivité des ions et des molécules pouvant traverser par la voie paracellulaire et est régulée par la présence des claudines (Tsukita et al. 2000, Colegio et al. 2002, Yu et al. 2009).

1.3.1.1 Protéines zonula occludens.

Les protéines ZO, comprenant ZO-1,-2 et -3, sont des protéines d’échafaudage fournissant la base structurelle pour l’assemblage de complexes multiprotéiques à la surface cytoplasmique des jonctions intercellulaires. Elles assurent une liaison entre les protéines membranaires intégrales et le cytosquelette. Les ZO ont été initialement décrites comme faisant partie des jonctions serrées (Stevenson et al. 1986, Anderson et al. 1988). Elles interagissent avec la plupart des protéines transmembranaires de ce type de jonctions, incluant les claudines (Itoh et al. 1999a) et les occludines (Itoh et al. 1999b, Schmidt et al. 2004, Muller et al. 2005). Des expériences ont montré qu’elles pouvaient aussi lier des protéines des jonctions adhérentes (cadhérines) (Howarth et al. 1992) et des jonctions communicantes (connexines) (Kausalya et al. 2001, Li et al. 2004, Singh et al. 2005). Les protéines ZO appartiennent à la grande famille des « guanylate kinase » associées à la membrane (MAGUK; « membrane-associated guanylate kinases ») comprenant plusieurs sous-familles rassemblées via des caractéristiques comme le nombre de domaines et leur similarité de séquence. Les MAGUK sont des protéines d’échafaudage qui créent et maintiennent des complexes moléculaires à différents endroits de la cellule, comme à la surface des membranes cytoplasmiques (Dimitratos et al. 1999, Gonzalez-Mariscal et al. 2000).

Outre leur fonction structurelle dans le contact cellule-cellule, les protéines ZO semblent participer à la régulation de la croissance et de la prolifération cellulaire. Des études moléculaires détaillées ont démontré la présence dans leurs séquences d’acides aminés de plusieurs motifs de localisation nucléaire (NLS; « nuclear localisation signal ») et d'exportation nucléaire (NES; « nuclear export signal ») nécessaires à la translocation nucléaire et cytoplasmique respectivement (Gonzalez-Mariscal et al. 2003, Jaramillo et al. 2004, Lopez-Bayghen et al. 2006). ZO-1 se retrouve dans le noyau des cellules sous- confluentes (Gottardi et al. 1996). La protéine s’associe au facteur de transcription ZONAB (« ZO-1 associated nucleic acid binding protein ») qui active la transcription d’oncogènes tels que la cycline D1 et PCNA (« proliferating cell nuclear antigen ») (Balda et al. 2000, Balda et al. 2003, Sourisseau et al. 2006).

1.3.1.2 Les claudines

Les claudines sont de petites protéines transmembranaires (20-27 kDa) formant la liaison « physique » intercellulaire des jonctions serrées (Furuse et al. 1998). Chez les mammifères, 27 claudines ont été décrites jusqu’à maintenant et sont toutes présentes chez

al. 2009, Lal-Nag et al. 2009, Mineta et al. 2011). Elles ont toutes des propriétés différentes qui influencent les jonctions serrées dans le contrôle de la voie paracellulaire en formant des pores sélectifs à certains ions. On divise les claudines en deux catégories, à savoir les claudines formant des pores (ex. : 2, 10, 15, 16 et 17) et les autres claudines n’en formant pas ou peu (ex. : 1, 3, 4, 5, 11, 14 et 19) (Tsukita et al. 2000, Gunzel et al. 2012, Krug et al. 2014). Par exemple, la surexpression de la claudine 2 in vitro entraîne une augmentation de la perméabilité au sodium, alors que l’expression de la claudine 4 la diminue (Furuse et al. 2001, Van Itallie et al. 2001, Amasheh et al. 2002). Les claudines peuvent former des interactions homophiliques et hétérophiliques résultant en un grand nombre de combinaisons possibles pouvant influencer la perméabilité de la voie paracellulaire (Koval 2013). Il n’existe pas pour l’instant de liste exhaustive des fonctions de toutes les claudines (Krug et al. 2014).

Inagaki et al. (2013) ont montré par PCR que l’endothélium cornéen exprimait les claudines 1-4, 7, 10b, 11, 15, 22-24 (Inagaki et al. 2013). Fait intéressant, l’endothélium cornéen exprime des claudines connues pour former des pores spécifiques aux cations (2, 10b et 15) et n’exprime pas de claudines connues pour former des pores spécifiques aux anions (10a et 17) (Amasheh et al. 2002, Van Itallie et al. 2006, Gunzel et al. 2009, Tamura et al. 2011, Krug et al. 2012, Krug et al. 2014). Ces résultats concordent avec les résultats de Lim et al. (1983) montrant que la voie paracellulaire est spécifique aux cations (par opposition aux anions) (Lim et al. 1983).

1.3.1.3 L’occludine

L’occludine fut initialement identifiée dans le foie de poulet comme la première protéine transmembranaire des jonctions serrées où elle y occupe le rôle, comme les claudines, de liaison « physique » intercellulaire des jonctions serrées (Furuse et al. 1993). Contrairement aux claudines, il n’existe qu’une seule occludine qui est composée de quatre domaines transmembranaires, deux boucles extracellulaires et deux domaines intracellulaires (Feldman et al. 2005). Elle interagit directement avec les ZO, qui sont nécessaires à sa localisation à la jonction serrée. Des études ont montré que la partie C-terminale de l’occludine, d’une longueur d’environ 250 acides aminés, est responsable de l’interaction avec ZO-1 et ZO-2 (Furuse et al. 1994). L’occludine interagit aussi avec le cytosquelette d’actine et la molécule adhésive de jonction (JAM; « junction adhesion molecule ») indirectement via l’interaction des ZO (Gonzalez-Mariscal et al. 2000, Mandell et al. 2005). La présence de l’occludine à la jonction serrée dépend aussi de la stabilité du cytosquelette

d’actine de la cellule. L’utilisation de la mycalolide B, un agent causant la dépolymérisation de l’actine et l’expression d’une version tronquée de l’occludine en C-terminal, région nécessaire à son interaction avec l’actine, induit la délocalisation membranaire des occludines et l’augmentation de la perméabilité paracellulaire (Balda et al. 1996, Kuwabara et al. 2001). L’occludine aurait davantage un rôle dans la stabilité et la fonction de barrière des jonctions serrées que dans l’assemblage de ces dernières. Des souris « knock-out » (occludine -/-) génèrent des jonctions serrées, mais sont caractérisées par une susceptibilité accrue à l’inflammation chronique et à une plus faible intégrité des jonctions serrées dans plusieurs tissus épithéliaux tributaires de cette instabilité (Saitou et al. 2000).

Documents relatifs