• Aucun résultat trouvé

1.1.6 Membrane de Descemet

1.1.6.3 Les laminines

Les laminines sont des glycoprotéines d’échafaudage extracellulaire responsables de l’organisation primaire de la structure et du développement de la membrane basale (Alberts 2008). Elles disposent d’une grande quantité de domaines de liaison, notamment pour les intégrines (Miner et al. 2004, Sasaki et al. 2004, Alberts 2008). Elles se forment à partir de l’association d’une des 5 sous-unités α, 4 sous-unités β et 3 sous-unités γ pour former 15 combinaisons connues de trimères (Miner et al. 2004, Aumailley et al. 2005, Durbeej 2010). L’identification des laminines suit une nomenclature correspondant aux numéros des sous- unités. Par exemple, la laminine formée des sous-unités α4β1γ1 porte le nom de laminine- 411 (Aumailley et al. 2005). Dans la DM, seules les laminines 411 et 511 sont rapportées (Ljubimov et al. 1995, Kabosova et al. 2007).

1.1.6.4 La fibronectine

La fibronectine est le produit d’un seul gène FN1 capable de produire plus de 20 variants d’épissage avec des fonctions distinctes (Kornblihtt et al. 1983, Tamkun et al. 1984, Hynes 1985). Elle prend la forme d’une glycoprotéine composée de deux sous-unités de 250 kDa associées ensemble par un pont disulfure en C-terminal (Hogg 1974). Chaque monomère est composé de 3 types de segments répétés. Le type I est composé de 40 acides aminés et contient 2 sites de ponts disulfures. Le type II est composé de 60 acides aminés et de deux sites de ponts disulfures. Le type III est composé d’environ 90 acides aminés sans pont disulfure. Généralement, un monomère de fibronectine contient 12 segments type I, 2 segments type II et 15-17 segments type III (Skorstengaard et al. 1982, Petersen et al. 1983, Skorstengaard et al. 1984). À cela peut s’ajouter les segments EDA, EDB et une série interchangeable de segments V (pour variable) (Kornblihtt et al. 1984, Kornblihtt et al. 1985, Norton et al. 1987, Schwarzbauer et al. 1987, George et al. 1993).

La fibronectine se divise généralement en deux catégories, la forme soluble et la forme insoluble (ou cellulaire). La forme soluble est un constituant du plasma (300 mg/mL) et peut s’associer à la matrice extracellulaire (Allard et al. 1986). La forme insoluble forme un groupe davantage hétérogène avec des isoformes spécifiques aux cellules qui la produisent avec des propriétés d’adhésions et de solubilité distinctes. La fibronectine insoluble participe directement aux processus de régulation cellulaire de la matrice extracellulaire en interagissant avec les intégrines (Akiyama et al. 1989, Wennerberg et al. 1996, Yang et al. 1996, Sechler et al. 2000).

La fibronectine régule une grande variété d’interactions cellulaires avec la matrice extracellulaire et joue un rôle important dans l’adhésion, la migration, la croissance et la différenciation cellulaire (Yamada et al. 1976, Ali et al. 1977, Grinnell 1978, Hynes et al. 1978, Grinnell et al. 1980, Kleinman et al. 1981, Pankov et al. 2002). Elle est exprimée dans plusieurs types cellulaires, incluant les cellules endothéliales (Birdwell et al. 1978, Jaffe et al. 1978, Macarak et al. 1978, Johansson et al. 1979, Voss et al. 1979, Alitalo et al. 1980, van de Water et al. 1981, Villiger et al. 1981). Elle est aussi essentielle au développement des vertébrés (George et al. 1993).

La fibronectine est un élément essentiel au processus de dépôt de collagène menant à la formation de matrice extracellulaire (Sottile et al. 2002). Par exemple, il a été démontré que l’inhibition du dépôt de fibronectine entraine une inhibition subséquente du dépôt des collagènes de type I et III, inhibition qui peut être renversée par l’ajout de fibronectine (McDonald et al. 1982, Velling et al. 2002). La fibronectine serait aussi essentielle à l’assemblage de plusieurs autres composants de la matrice extracellulaire, tels la fibuline, la fibrilline, la ténascine C, le fibrinogène et la « TGF-β binding protein » (Godyna et al. 1995, Pereira et al. 2002, Dallas et al. 2005, Sabatier et al. 2009).

Dans la cornée, elle a comme fonction principale de faciliter l’interaction cellule- matrice dans des processus de guérison des plaies épithéliales (Suda et al. 1981, Nishida et al. 1982, Tervo et al. 1991, van Setten et al. 1992, Latvala et al. 1995, Tervo et al. 1995, Pankov et al. 2002). La protéine est notamment administrée sous forme de gouttes oculaires dans le traitement de pathologies réparatoires épithéliales (Nishida et al. 1983b, Nishida et al. 1985). On la retrouve dans la membrane de Descemet, mais son rôle spécifique n’y est pas connu (Suda et al. 1981, Fujikawa et al. 1984, Kohno et al. 1987).

Il est probable que la fibronectine contribue au processus d’épaississement naturel de la membrane de Descemet en régulant le dépôt par les cellules des autres protéines de la matrice extracellulaire (McDonald et al. 1982, Sottile et al. 2007).

1.1.6.5 Les intégrines

Les intégrines sont des molécules d’adhésion. Elles régulent l’adhésion cellule-cellule, cellule-matrice et cellule-pathogène. Elles transmettent des signaux bidirectionnels à travers la membrane plasmique et régulent plusieurs fonctions biologiques telles la réparation tissulaire, la différenciation, la migration et évidemment l’adhésion des cellules (Luo et al. 2006, Alberts 2008).

Les intégrines forment des hétérodimères de sous-unités alpha et bêta qui possèdent chacune une grande quantité de membres : α1-α11, αv, αE, αIIb, αM, αL, αX et β1-β8. Jusqu’à 24 combinaisons rapportées d’intégrines assurent une grande diversité de liaisons à des ligands, tels les collagènes, les ténacines, la fibronectine, la vitronectine et les laminines (Fig. 1.4). Certains hétérodimères αβ lient un seul ligand alors que d’autres peuvent s’associer à plusieurs. Ces combinaisons d’hétérodimères αβ peuvent être classifiées en trois grandes familles, à savoir β1, β2 et αv.

La première famille est basée sur la sous-unité β1. Elle peut former des hétérodimères avec 12 sous-unités alpha (α1 à 11 et αv). La famille β1 est présente dans les cellules dérivées des trois types de tissus (endoderme, ectoderme et mésoderme). Des expériences de « knock-out » ont montré le rôle essentiel de cette famille dans le développement embryonnaire, l’organogénèse, hématopoïèse, ainsi que la formation des os, de la peau et des cheveux (Fassler et al. 1995, Stephens et al. 1995, Potocnik et al. 2000, Raghavan et al. 2000, Sheppard 2000, Bouvard et al. 2001, Globus et al. 2005, Stepp 2006).

Une autre famille est basée sous la sous-unité β2. Elle forme des hétérodimères avec 3 sous-unités alpha (αL, αM, αX). Elles sont impliquées dans la fonctionnalité des cellules immunitaires. Leurs ligands sont presque exclusivement des membres de la famille des IgG et non des protéines de la matrice extracellulaire (Mayadas et al. 2005).

L’intégrine αv porte son nom via sa capacité à lier la vitronectine et forme sa propre famille d’intégrines. Elle lie les sous-unités β1, β3, β5, β6 et β8. Tous les hétérodimères d’intégrines αv reconnaissent la séquence de trois acides aminés arginine-glycine-acide aspartique (RGD) de la fibronectine. L’intégrine αvβ3 est un important médiateur de

l’angiogenèse (Tucker 2003). Les intégrines αvβ5, αvβ6 et αvβ8 sont des médiateurs de l’activation du TGF-β (Sheppard 2004).

Il existe d’autres combinaisons d’intégrines qui ne font pas partie d’une famille. L’intégrine αIIbβ3 est retrouvée dans les plaquettes (Marcinkiewicz 2005), alors que αEβ7 est exprimée par les cellules immunitaires et favorise leur migration intra-épithéliale en se liant à la E-cadhérine (Strauch et al. 2001, Hadley 2004). L’intégrine α6β4 est une composante des hémidesmosomes (Stepp et al. 1990, Gipson et al. 1993, Van den Bergh et al. 2003).

Figure 1.4 Intégrines liant la matrice extracellulaire

Les intégrines s’associent à plusieurs molécules de la matrice extracellulaire. Ce diagramme montre les différentes associations possibles pouvant lier la fibronectine, la vitronectine, la laminine et les collagènes. Tirée de (Stepp 2006).

À l’intérieur des cellules, les intégrines s’associent au cytosquelette d’actine avec l’aide d’intermédiaires comme la taline, la vinculine, l’α-actinine et la filamine. Les intégrines font plus que seulement générer une adhésion à la matrice extracellulaire. Elles recrutent notamment des oncogènes comme la « focal adhesion kinase » (FAK) via des intermédiaires comme la taline et la paxilline. Les FAK sont des tyrosines kinases capables de s’autophosphoryler suivant leur dimérisation. Cette réaction forme un site de liaison phosphotyrosine capable d’activer la famille des kinases Src et ainsi influencer la prolifération des cellules (Hynes 2002, Luo et al. 2006, Alberts 2008). De manière similaire, les intégrines influencent aussi la voie AKT et la famille des RHO GTPases impliquées dans la survie et la motilité cellulaire (Hynes 2002).

L’endothélium produit plusieurs de ces hétérodimères, notamment α2β1, α3β1, α5β1, α6β1, αvβ3 et αvβ5 (Joyce et al. 1998, Ljubimov et al. 1998, Rayner et al. 1998, Collins et al. 2004).

1.2 La déturgescence cornéenne

La transparence cornéenne est le résultat d’un ingénieux processus de déshydratation stromale, nommé déturgescence cornéenne, permettant d’assurer un agencement optimal des fibres de collagène nécessaire afin d’éviter une diffusion aléatoire de la lumière nuisible à la vision. Cette déturgescence dépend des barrières physiques formées par l’épithélium et l’endothélium, de la pompe endothéliale et de la pression intraoculaire (PIO) (Costagliola et al. 2013). Tous ces éléments, ensemble, génèrent une pression sur le stroma qui fait opposition à la pression exercée par la force d’attraction des protéoglycanes pour l’eau et assure ainsi une hydratation du tissu avoisinant les 3.5mg d’H2O par mg de matière sèche (Turss et al. 1971). Ce processus est en grande partie régulé par l’endothélium cornéen via ses deux mécanismes de barrière et de pompe endothéliales qui seront décrits plus en détail dans les sections 1.3 et 1.4. Pour bien comprendre la contribution l’endothélium à la déturgescence cornéenne, il m’apparaît toutefois important d’introduire en premier lieu la relation des forces impliquées dans le phénomène.

La régulation de l’hydratation stromale doit se faire en considération avec la pression osmotique entre l’intérieur et l’extérieur du stroma (Hodson 1971, Elliott et al. 1980). L’attraction du stroma à l’égard de l’eau est attribuable aux GAGs du stroma. Les GAGs sont de longues molécules formées d’une répétition de disaccharides souvent sulfatés qui ont la capacité d’être chargés. Un stroma déshydraté présente moins d’espace entre les charges négatives. Cela attire l’eau parce ces charges cherchent à s’éloigner et utilise l’eau pour y arriver. Dans un stroma hydraté, l’eau a déjà éloigné les charges répulsives. Cela le rend donc moins enclin à attirer davantage d’eau. Puisque le stroma doit être déshydraté à un niveau compatible avec la transparence, l’endothélium doit trouver des méthodes afin de compenser l’attirance pour l’eau des protéoglycanes chargés. En théorie la déturgescence peut être établie via deux stratégies. La première est de manipuler la concentration des molécules chargées de manière à réduire, relativement à l’extérieur du stroma, la quantité de charges dans le stroma avec pour effet de générer une pression osmotique entrainant le liquide à l’extérieur. La deuxième stratégie est de forcer mécaniquement la sortie du liquide via, par exemple, un mécanisme de pompe. L’endothélium semble utiliser une combinaison de ces deux stratégies.

1.2.1 Pression de gonflement

Il fut très tôt démontré in vitro qu’il existait une relation linéaire entre l’épaisseur cornéenne et son niveau d’hydratation (Hedbys et al. 1962). Il fut aussi démontré très tôt qu’il était nécessaire d’exercer une pression sur le stroma excisé et désépithélialisé pour empêcher son hydratation et/ou le garder mince. Cette pression fut nommée pression de gonflement (PG), puisqu’elle correspond à la force nécessaire pour empêcher le gonflement du stroma. Elle fut mesurée chez le félin à 100 mmHg en déposant des poids sur un stroma immergé dans de l’eau distillée (Kinsey et al. 1942). Cette valeur fut aussi déterminée à l’aide d’un modèle mathématique chez le lapin (Leung et al. 2011, Cheng et al. 2015b). Il fut aussi démontré que cette PG pouvait être diminuée en immergeant la cornée dans des solutions salines. Par exemple, une solution NaCl 1% réduit la PG à 30 mmHg chez le félin (Kinsey et al. 1942). Plusieurs études ont estimé la PG physiologique à environ 55-75mmHg (Pau 1954, Dohlman et al. 1957, Hedbys et al. 1963a). Toutefois, la technique mesurant la PG n’étant pas utilisable in vivo, cette valeur restait approximative. Il a d’ailleurs été suggéré qu’en considérant l’importante fluctuation de la PG suivant la salinité in vitro, la déturgescence pourrait survenir en réduisant cette pression à 0 par un jeu d’osmolarité entre le stroma et son environnement (Dohlman et al. 1962, Stiemke et al. 1992).

1.2.2 Pression d’imbibition

Pour déterminer s’il existait une pression de gonflement dans le stroma in vivo, une nouvelle méthode a été développée qui consiste à mesurer l’attirance du stroma pour un liquide en introduisant dans le tissu une canule connectée à un détecteur. Cette attirance fut appelée pression d’imbibition (PI) puisqu’elle se définit par la capacité d’un tissu à s’imbiber de liquide (Langham 1962). Cette technique fut utilisée in vitro sur des cornées bovines excisées et donna des résultats similaires à la mesure de PG (Hedbys et al. 1963a). Normalement, si in vivo la PG était réduite à 0 par un jeu d’osmolarité, la PI elle aussi devrait être de 0. La PI mesurée in vivo chez le lapin montra toutefois une PI d’environ -30-40 mmHg, suggérant la présence d’une pression de gonflement résiduelle dans une cornée transparente (Hedbys et al. 1963b). La plus faible valeur obtenue in vivo de PI par rapport aux valeurs de PG de 55-75 mmHg in vitro fut attribuée à la pression intraoculaire (PIO) qui exercerait une pression sur le stroma comme lorsqu’on utilise un poids pour mesurer la PG (Dohlman et al. 1962). Cela suggérait que la déturgescence cornéenne était le résultat d’une combinaison de la PIO et d’un autre élément générant cette pression d’imbibition. Cet autre élément fut identifié comme étant les fonctions de pompe et de barrière de l’endothélium

cornéen (Davson 1955, Harris et al. 1955, Langham et al. 1956, Donn et al. 1959). En effet, c’est l’activité endothéliale qui maintient la pression d’imbibition sous la pression atmosphérique. Klyce, Dohlman et Tolpin ont implanté un plastique hydrophile dans la cornée d’un lapin in vivo. Connaissant la relation de pression de gonflement en fonction de l'hydratation de ce plastique, ils ont estimé la pression d'imbibition aux alentours de -50 mm Hg (Klyce et al. 1971). Cette pression négative aux conditions habituelles de transparence définit le potentiel qu’a la cornée d’enfler. Cette notion peut également expliquer l’apparition de bulles sous-épithéliales lors de hausses de PIO très élevées ou lors de dysfonctions endothéliales sévères avec œdème stromal marqué (Dohlman 1971).

Documents relatifs