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Les protéines ERMs et leur(s) rôle(s) dans la polarité et la morphogénèse cellulaire Les protéines de la famille ERM sont connues pour réguler le lien entre l’Actine

Marquage des microtubules (en vert) de cellules de drosophile S2 en mitose incluant une prophase, une métaphase, une anaphase et une télophase Les microtubules sont organisés de façon à former le

IV. Les protéines ERMs et leur(s) rôle(s) dans la polarité et la morphogénèse cellulaire Les protéines de la famille ERM sont connues pour réguler le lien entre l’Actine

filamenteuse et la membrane plasmique. Bien qu’elles aient été découvertes il y a plus de trente ans chez les vertébrés, l’implication de ces protéines dans la division cellulaire est récente [47], [63]. Les mécanismes de leur régulation, ainsi que leur(s) rôle(s) dans la division cellulaire, restent mal connus. L’étude des protéines ERMs pour la morphogénèse de nombreux types cellulaire, dont les entérocytes et les cellules à stéréocils, peut aider à mieux comprendre les mécanismes du remodelage cortical.

41. Des cellules de drosophile pour étudier les protéines ERMs.

Il existe trois gènes codant des protéines ERMs chez les mammifères, appelées Ezrine, Radixine et Moésine. L’inactivation individuelle des trois ERMs chez la souris ne provoque pas de létalité prénatale, suggérant une redondance fonctionnelle de celles-ci au cours du développement. Après la naissance, la Radixine étant la principale protéine ERM exprimée dans le foie, les souris KO pour la Radixine développent des pathologies de cet organe accompagnées d’une altération morphologique des canaux biliaires [112]. Ces souris souffrent également de surdité à l’âge adulte, due au fait qu’à la naissance la Radixine et l’Ezrine sont exprimées dans les cellules formant les stéréocils puis seule la Radixine est exprimée. L’Ezrine, quant à elle, est la protéine ERM majoritaire des cellules intestinales, et est requise pour la formation des microvillosités des entérocytes. Les souris qui n’expriment pas l’Ezrine meurent rapidement après la naissance, et présentent de graves anomalies de l’épithélium intestinal [113]. Enfin, les souris KO pour la Moésine ne présentent aucune anomalie apparente [114]. De par leur co-expression dans la plupart des cellules et leur

probable redondance fonctionnelle, il reste difficile d’identifier les régulateurs et effecteurs des protéines ERMs chez les mammifères.

Le génome des invertébrés tels que la drosophile, l’oursin ou encore le nématode ne présente qu’un seul gène ERM. Chez la drosophile, l’unique orthologue des ERMs, la dMoésine, présente 57% d’identité avec l’Ezrine humaine (figure 29), montrant la forte conservation évolutive de cette famille de protéines.

La drosophile représente un modèle intéressant pour l’étude des ERMs, notamment au cours du développement et pour la division cellulaire [63]. Cette dernière étude a permis de révéler la dynamique de localisation des ERMs à chacune des phases mitotiques, d’abord isotrope puis anisotrope [63]. Quels sont les mécanismes régulatoires à l’origine de la distribution anisotropique de la dMoésine en anaphase et télophase ? L’implication de la dMoésine dans la division cellulaire a simultanément été découverte par l’équipe de B.Baum, grâce à l’utilisation de la lignée S2R+, une autre lignée cellulaire de drosophile [47]. Quel est le rôle exact de la dMoésine dans le processus mitotique ?

42. Activation des ERMs et modification conformationnelle.

421. Structure des protéines ERMs.

Les protéines ERMs sont constituées d’un domaine FERM N-terminal capable de lier différentes protéines membranaires, ainsi que le PI(4,5)P2 [3] (figure 30). La cristallisation de ce domaine, couplée à des expériences de diffraction aux rayons X, a révélée sa structure composée de trois sous-domaines globulaires F1, F2 et F3 [115]. Parmi les 300 acides aminés du domaine FERM, quatre clusters de lysine ont été identifiés comme nécessaires à la liaison du domaine FERM à la membrane plasmique [116]. Le sous- domaine F3 présente par ailleurs la particularité d’avoir une homologie structurale avec le

Figure 29 : homologie de structure des protéines ERM. Les trois protéines ERMs humaines (Hs Ezrin, Hs Radixin et Hs Moesin) présentent une forte similarité de séquence, l’Ezrine étant le plus proche orthologue de la seule ERM de la drosophile (Dmoesin) ou de C.Elegans (ERM-1). Cette conservation évolutive concerne notamment le domaine FERM en N-terminal (jaune) et le domaine C-terminal (marron).

domaine dit « PH » (pour Plekstrin-Homology) [115], connu pour lier spécifiquement le PI(4,5)P2. Ce domaine FERM est suivi d’une région centrale prédite pour avoir une structure hélicoïdale, et enfin d’un domaine C-terminal capable de lier l’Actine filamenteuse (figure

30). Alors que les domaines N- et C-terminaux ont été bien conservés au cours de

l’évolution, la région hélicoïdale présente une évolution plus rapide (figure 29). Cette région contribue à la modification conformationnelle de la protéine, conduisant respectivement à une ouverture ou à un repliement de la protéine suite à une interaction intramoléculaire entre le domaine FERM et le domaine C-terminal ou un éloignement de ces deux domaines. Les protéines ERMs cyclent donc entre une forme ouverte et une forme dormante fermée.

422. L’activation des protéines ERMs, un processus en plusieurs étapes.

Une avancée majeure dans la compréhension des mécanismes qui régulent l’activité des protéines ERMs date de 1995, lorsque l’équipe de Furthmayr met en évidence que la Moésine est phosphorylée sur la thréonine 558 lorsque les plaquettes sont activées [117]. Ce résidu thréonine, localisé dans le domaine C-terminal, est bien conservé chez les paralogues (Ezrine T-576 et Radixine T-564) et orthologues (dMoésine T-559) et sa phosphorylation est une marque de leur activation. Le modèle actuel de l’activation des protéines ERMs propose qu’elle est due à une modification de leur conformation [118], [115] et nécessiterait au moins deux étapes.

Dans un premier temps, la liaison des protéines ERMs au PI(4,5)P2 induirait une modification conformationnelle de ces protéines [3, 116, 119]. Plus précisément, l’interaction se ferait entre la tête polaire du PI(4,5)P2 et une région structurale localisée entre les sous- domaines F1 et F3 des ERMs [120]. Cette ouverture conformationnelle, par éloignement des

Figure 30 : domaines communs aux différentes protéines ERMs.

Les protéines ERMs sont constituées de trois domaines. Un domaine FERM (bleu) composé de trois sous-domaines F1, F2 et F3, un domaine central (jaune) constitué d’une α-hélice, et d’un domaine C-terminal (rouge) dans lequel se trouve la thréonine dont la phosphorylation stabilise les ERMs dans leur conformation ouverte.

domaines FERM et C-terminal, aurait pour conséquence de démasquer les sites capables de lier l’Actine filamenteuse, permettant aux ERMs de relier le cytosquelette d’Actine à la membrane plasmique [121] (figure 31). Cette interaction est labile, les protéines ERMs cyclant rapidement entre cette forme ouverte et la forme inactive. La liaison des ERMs au PI(4,5)P2 favorise aussi l’accessibilité de la thréonine C-terminale à une ou plusieurs kinases [122], [123].

Dans un deuxième temps, la phosphorylation du résidu thréonine introduit une charge négative supplémentaire dans le domaine C-terminal, qui favoriserait l’éloignement entre les domaines FERM et C-terminal [115, 123]. Ainsi, les ERMs stabilisées pourraient donc lier stablement l’Actine filamenteuse à la membrane plasmique [121]. Chez les vertébrés, de nombreuses kinases ont la capacité de phosphoryler cette thréonine, au moins in vitro, incluant la PKCθ [124], NF-κβ-inducing kinase (= NIK ou MAP3K14), MST4 [125] ou encore LOK (=STK10) [126]. Chez la drosophile, la kinase Slik est nécessaire à la phosphorylation de la dMoésine, notamment à l’entrée en division [47] [63] [127], [128].

43. Les ERMs : des régulateurs de la polarité corticale et de la morphogénèse. Bien que l’implication des ERMs dans la morphogénèse cellulaire des cellules mitotiques soit récente [47, 63], ces protéines sont connues depuis de nombreuses années pour leur rôle dans la morphogénèse de différents types cellulaires, caractérisés par des structures polarisées, riches en Actine-F. Ainsi, l’Ezrine, initialement découverte dans des cellules épithéliales d’intestin de poulet, est essentielle à la mise en place et à l’organisation des microvillosités apicales des entérocytes [129]. De même, la Radixine [130] s’accumule et est nécessaire à la formation et/ou au maintien des stéréocils des cellules de l’oreille interne [131]. L’absence de la dMoésine dans les cellules de l’œil chez la drosophile conduit

Figure 31 : modèle d’activation des protéines ERMs. Sous forme non phosphorylée les ERMs adoptent une conformation fermée dans laquelle le domaine FERM (bleu) interagit avec le domaine de liaison à l’Actine-F (rouge). Suite à la liaison du domaine FERM au PI(4,5)P2, la conformation de la protéine est modifiée permettant une (pré)ouverture de celle-ci. Les domaines FERM et de liaison à l’Actine ne sont plus capables d’interagir entre eux, s’éloignant d’environ 25nm grâce à une modification conformationnelle de la région centrale (en jaune) constituée d’une α–hélice.

à une morphologie altérée de ces cellules. Alors qu’en condition sauvage ces cellules forment des structures riches en Actine filamenteuse appelées rhabdomères, l’inhibition de la dMoésine conduit à une morphogénèse anormale, avec une désorganisation des filaments d’Actine situés sous la membrane plasmique. Les protéines ERMs sont donc essentielles à la morphogénèse du domaine apical des cellules présentant des structures riches en Actine filamenteuse, probablement en raison de leur capacité à interagir simultanément avec la membrane plasmique et le cytosquelette d’Actine.

Par ailleurs, plusieurs études montrent le rôle des protéines ERMs et de leur distribution polarisée dans la migration invasive de type blebs-dépendante (figure 32) [111], [132], [133], [134].

La division et la migration présentant de nombreuses similitudes de par les voies de signalisation activées, la découverte de régulateurs ou d’effecteurs des ERMs dans le processus de migration cellulaire pourrait permettre d’apprendre sur la régulation et/ou le(s) rôle(s) des ERMs en mitose et inversement.

En conclusion, en participant à la création d’un différentiel de plasticité du cortex cellulaire, les protéines ERMs participent à la polarité cellulaire dans différents processus biologiques qui engagent un remodelage cortical tels que la migration cellulaire. L’équipe a aussi démontré que l’activation de ces protéines est essentielle à l’intégrité de la division cellulaire, et que cette activation est dépendante de la kinase Slik. De nombreuses questions restent ouvertes, relatives aux rôle(s) des ERMs en mitose, à l’identification des régulateurs de leur activation ou de leur distribution lors de la division cellulaire. Le PI(4,5)P2 étant un phosphoinositide participant à l’activation des ERMs, nous aborderons dans la partie suivante l’importance des membranes et plus particulièrement du PI(4,5)P2 dans la morphogénèse des cellules mitotiques.

Figure 32 : distribution de la Moésine dans une cellule humaine lors de la migration invasive en trois dimensions. En absence de migration ces cellules sont sphériques et présentent une distribution corticale uniforme de la Moésine (bleu-vert). Par la suite, la distribution anisotropique de la Moésine polarise la cellule, en permettant la formation d’un dôme d’Actomyosine au pôle apical de la cellule et simultanément un cortex plus dynamique au pôle basal, caractérisé par la présence d’une multitude de blebs (orange). Ces blebs sont nécessaires à la migration invasive. En absence de Moésine, la polarisation corticale ne se produit pas, prévenant la formation des blebs et la migration cellulaire. Estecha & al, 2009