• Aucun résultat trouvé

L’arrondissement cellulaire à la transition interphase-mitose.

Marquage des microtubules (en vert) de cellules de drosophile S2 en mitose incluant une prophase, une métaphase, une anaphase et une télophase Les microtubules sont organisés de façon à former le

III. Morphogénèse cellulaire des cellules en mitose.

31. L’arrondissement cellulaire à la transition interphase-mitose.

311. Une caractéristique générale des cellules animales ?

Très tôt au cours du développement, l’entrée en mitose est associée à un arrondissement cellulaire notamment chez les batraciens [41]. Cette modification de la morphologie cellulaire caractérise la majorité des cellules en division aussi bien in vivo qu’ex

vivo [42], [43], [44]. Cet arrondissement du cortex corrèle avec une augmentation de la

rigidité corticale mesurée à la transition interphase - mitose. Par exemple, la résistance des œufs d’oursin aux forces de succions exercées à l’aide de micropipettes augmente à l’entrée en division [45]. De même, la microscopie à force atomique a montré que le cortex des cellules de mammifères Ptk2 ou des cellules de drosophile est plus rigide en début de division qu’en interphase [46], [47]. Cette « universalité » suggère que l’arrondissement des cellules associé à l’augmentation de la rigidité corticale à l’entrée en prophase est nécessaire ou contribue au déroulement de la mitose.

Figure 19A : représentation

schématique d’une sphère.

Figure 19B : représentation schématique d’un sphéroïde oblate.

Figure 19C : représentation schématique d’un objet aux courbes convexes aux « pôles » et convexes à « l’équateur ».

312. L’importance de l’arrondissement pour la division cellulaire.

L’entrée en division des cellules adhérentes ou semi-adhérentes s’accompagne d’un mécanisme de dé-adhésion, permettant l’arrondissement cellulaire et l’intégrité de la division. En effet, une adhésion excessive des fibroblastes induite par un traitement du substrat à la fibronectine, se traduit par une morphologie anormale des cellules mitotiques et un fort pourcentage de cellules binucléées. Cette dé-adhésion cellulaire est caractérisée par une dissociation ou une relocalisation cytoplasmique des complexes protéiques nécessaires à l’adhésion. Ainsi, les protéines des points focaux d’adhésion, telles que l’Alpha-Actinine, la Taline ou encore la Focal Adhesion Kinase deviennent cytoplasmiques à l’entrée en division [48], [49], [50]. Il est cependant important de noter que cette dé-adhésion est partielle. A l’entrée en division, les cellules adhérentes (HeLa) restent en partie attachées au substrat par des fibres de rétraction [51], [52], [53], [54], [55] (figure 20A).

Or ces fibres de rétraction sont importantes pour l’orientation du fuseau mitotique [51], [52], [54], [55]. Des micro-profils de fibronectine permettent de créer des zones de forte adhérence pour les cellules mitotiques, restreignant la formation et/ou la stabilisation des fibres de rétraction dans les zones corticales correspondantes. En fonction de la localisation des fibres de rétraction, on observe une orientation spécifique du fuseau mitotique. Un modèle permet ainsi de prédire l’orientation du fuseau en fonction des zones corticales adhérentes au substrat (figure 20B).

Figure 20A : en mitose les cellules s’arrondissent et présentent des fibres de rétraction.

Cellule HeLa en métaphase, ensemencée sur un patron de fibronectine. L’Actine est en vert, les pôles du fuseau en rouge (panel de gauche) ou en vert (panel de droite), les microtubules astraux en rouge (panel de droite) et l’ADN en bleu.

D’après Théry & al, 2007.

Figure 20B : modèle de

l’orientation du fuseau mitotique par les fibres de rétraction.

Représentation schématique d’une cellule mitotique liée au substrat par des fibres de rétraction (en vert). L’enrichissement de ces fibres de rétraction permettrait d’activer localement des protéines corticales capables d’exercer une tension (symbolisée en bleu) sur les microtubules astraux (en rouge) et ainsi d’orienter le fuseau mitotique en fonction des zones adhérentes.

Ce modèle est basé sur l’activation de protéines au cortex cellulaire, incluant des protéines motrices et de la famille des ERMs, préférentiellement aux points d’adhérence de la cellule avec le substrat (c’est à dire là où se trouvent les fibres de rétraction). En exerçant une tension sur les microtubules astraux, elles participeraient à l’orientation du fuseau mitotique (figure 20B).

L’orientation du fuseau mitotique pourrait également être dépendante d’une interaction entre les microtubules astraux et des structures sub-corticales riches en Actine filamenteuse [55]. La distribution de ces agrégats d’Actine cytoplasmiques, localisés à proximité du cortex, semble être déterminée par les fibres de rétraction [55]. L’orientation du fuseau mitotique pourrait ainsi être contrôlée par une réorganisation du réseau d’Actine cortical mais également sub-cortical. Ces expériences ex vivo pourraient contribuer à mieux comprendre le contrôle du plan de clivage tel qu’observé in vivo.

313. L’arrondissement cellulaire : un processus complexe et régulé.

Bien que globalement mal compris, les mécanismes qui contribuent aux modifications de forme cellulaire et à l’augmentation de la rigidité corticale à l’entrée en mitose impliquent une réorganisation du cytosquelette d’Actine, contrôlée par des mécanismes Rho- dépendents et/ou Rho-indépendents.

3131. La réorganisation du cytosquelette d’Actine.

Dès 1997, des études menées par Cramer et Mitchison démontrent que la réorganisation du cytosquelette d’Actine à la transition G2/M permet une modification de ses propriétés mécaniques [44]. En interphase, l’Actine filamenteuse est organisée en structures diverses ayant des propriétés mécaniques différentes. Les filaments d’Actine peuvent former des fibres de stress, rigides et contractiles [56], ou des réseaux plus souples tels qu’au sein des lamellipodes. Quand les cellules entrent en mitose, ces différentes structures d’Actine sont réorganisées et les microfilaments d’Actine se relocalisent majoritairement à la périphérie cellulaire [54]. Cette réorganisation de l’Actine au cortex cellulaire s’accompagne d’interactions avec la Myosine, permettant la formation d’un réseau d’Actomyosine sur l’ensemble du cortex (cf. 213). Le caractère globalement isotrope des contractions de ce réseau conduit à l’acquisition d’une forme sphérique par la cellule, associée à une augmentation de la rigidité corticale. Plusieurs voies de signalisation, Rho-dépendantes et/ou Rho-indépendantes peuvent être impliquées dans cette réorganisation du cytosquelette d’Actine.

3132. Réorganisation de l’Actine Rho-dépendante.

Grâce à des approches biochimiques combinées à de la micro-manipulation, Amy Maddox a mis en évidence que Rho A participe au remodelage cortical à l’entrée en mitose [57]. La GTPase Rho, active quand liée au GTP et inactive quand elle est liée au GDP, est régulée par deux types de facteurs : les GEFs (Guanine nucleotide Exchange Factors), et les GAPs (GTPase Activating Proteins) (figure 21).

Alors que les GEFs activent la GTPase Rho en substituant une molécule de GTP au GDP, les GAPs inactivent Rho en favorisant l’hydrolyse du GTP [58]. Les GDIs (Guanine nucleotide Dissociation Inhibitors) participent également à l’inactivation des GTPases Rho, en les séquestrant lorsqu’elles sont liées au GDP [58] (figure 21).

En interphase, l’activité de RhoA est globalement faible et celle de son inhibiteur p190RhoGAP élevée. L’entrée en division s’accompagne d’une chute d’activité de p190RhoGAP, associée à une forte activation de RhoA [57]. Cette activation de RhoA à l’entrée en mitose, qui demeure jusqu’en fin de division, a été confirmée dans plusieurs types cellulaires dont les cellules HeLa [57]. Via la kinase Rho-kinase, RhoA stimule la LIM- Kinase qui sous régule la Cofiline, favorisant la fragmentation des filaments d’Actine [59], [60] (cf. 212). La Rho-kinase, qui favorise également la contraction en phosphorylant la chaine légère de la Myosine II [61], [62] (cf.213), est requise pour l’arrondissement des cellules et l’augmentation de la rigidité corticale à l’entrée en division [57]. En régulant la polymérisation de l’Actine et la phosphorylation de la Myosine, RhoA promeut la formation d’Actomyosine, dont les contractions isotropes vont permettre l’arrondissement cellulaire à la transition interphase - mitose. (figure 22) [57].

Figure 21 : cycle d’activation des GTPases de la famille Rho.

Les Rho-GTPases oscillent entre un état inactif lorsque liées au GDP, et un état actif quand liées au GTP. Leur cycle d’activation est finement régulé par des régulateurs positifs : les Rho-GEF qui catalysent l’échange GDP/GTP, et des régulateurs négatifs : les Rho-GAP qui favorisent le retour des GTPases à l’état inactif. Enfin, les Rho-GDI séquestrent les Rho-GTPases bloquant ainsi leur activation.

3133. Réorganisation de l’Actine Rho-indépendante.

Bien que l’activation de RhoA et de son effecteur Rho-kinase à l’entrée en division participent à l’arrondissement des cellules à la transition G2/M [57], d’autres travaux soutiennent l’existence d’un ou plusieurs mécanisme(s) Rho-indépendant. Par exemple, l’inhibition de RhoA par la surexpression de p190RhoGAP ou par son ADP-ribosylation (induit par un traitement à la C3) n’altère pas l’arrondissement des cellules Rat1 à l’entrée en division [57]. Par ailleurs, une étude faite au laboratoire [63] et confirmée par une autre équipe [47] met en évidence la contribution des protéines de la famille ERM dans l’acquisition de la forme sphérique à l’entrée en division. En effet, en utilisant des cellules de drosophile S2, l’équipe a montré que l’inhibition de son expression abolit l’arrondissement cellulaire caractéristique des cellules mitotiques [63]. A l’inverse, l’expression d’une forme constitutivement active de la dMoésine suffit à augmenter la rigidité corticale des cellules interphasiques, qui deviennent sphériques [47]. Il semblerait qu’en réorganisant l’orientation des filaments d’Actine ou leur lien à la membrane plasmique, l’activation des protéines ERMs au cortex soit suffisante pour induire l’arrondissement cellulaire et la rigidification corticale.

32. L’élongation cellulaire caractéristique de l’anaphase B précoce :