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Quand la fusion orientée de vésicules avec la membrane plasmique participe à

5. Importance des membranes et du PI(4,5)P2 dans le processus mitotique

5.1. Quand la fusion orientée de vésicules avec la membrane plasmique participe à

5.1.1. Fusion membranaire lors de la 1ère mitose de l’embryogénèse

Dans l’embryon de Xénope ou d’oursin, plusieurs études mettent en évidence l’ajout de nouvelles membranes provenant de l’appareil de Golgi, à proximité du sillon de clivage [135], [136], [137], [138], [139], [140]. A proximité du sillon se trouve une structure composée de microtubules, le FMA (Furrow Microtubule Array) [141], [142] (figure 33), nécessaire au transport des vésicules membranaires en direction du cortex [138]. La dépolymérisation des microtubules du FMA bloque l’ajout de nouvelles membranes à l’équateur, et conduit à une régression du sillon de clivage. Le FMA a également été observé dans des embryons de poisson zèbre, où la dépolymérisation des microtubules par traitement au nocodazole bloque aussi l’ajout de nouvelles membranes à l’équateur, et conduit à une régression du sillon de clivage ne permettant pas une anaphase B correcte [143]. Le transport de nouvelles membranes microtubules (FMA)-dépendant est donc important pour la formation et la fonctionnalité du sillon de clivage.

Figure 33 : les microtubules du FMA dirigent l’insertion de membranes au sillon de clivage.

Les microtubules (rouge) du FMA (encart) permettent un transport orienté de vésicules membranaires (vert clair) en direction de la membrane plasmique (vert) au sillon de clivage.

Dans ces conditions, le blocage de la cytokinèse pourrait provenir d’une surface membranaire insuffisante pour la formation des deux cellules filles. Cet apport de vésicules membranaires est dépendant des microtubules, or le fuseau mitotique est souvent éloigné du cortex en raison de sa faible taille comparée à la taille des cellules embryonnaires. Le FMA constituerait donc un système supplémentaire pour apporter de la membrane à l’équateur, et pourrait être le fruit d’une adaptation des cellules embryonnaires qui requièrent une insertion de membrane plus importante que des cellules en culture. Ces dernières ne présentent pas de FMA, cependant plusieurs études mettent en évidence un apport de membrane en provenance du cytoplasme, dont la fusion avec la membrane équatoriale est nécessaire à l’abscision du pont intercellulaire.

5.1 2. Rôles des fusions membranaires dans la division cellulaire.

Dans la plupart des cellules en culture, l’inhibition du trafic membranaire conduit principalement à un défaut d’abscission en fin de télophase [144], [145], [146], [147]. Cette abscission se produit normalement lorsque l’ingression du sillon de clivage est totale, et que les deux cellules filles ne sont reliées plus que par le pont intercellulaire. L’abscission est un processus complexe (et reste mal caractérisé), qui requiert une action coordonnée du cytosquelette d’Actine, des microtubules et des systèmes membranaires pour permettre la séparation « physique » des deux cellules filles. Bien que l’accumulation de vésicules membranaires au pont intercellulaire ait été observée dès 1977 par microscopie électronique [148], leur nature et leur(s) rôle(s) fonctionnel(s) en mitose reste encore débattus. Ce trafic implique surtout les vésicules d’endocytose et les endosomes. En utilisant des cellules HeLa, Schweitzer et al montrent qu’en télophase la transférine, un marqueur de l’endocytose, est internalisé préférentiellement aux pôles et est recyclée à proximité de la région équatoriale, suggérant une polarité du trafic vésiculaire [149]. L’inhibition de protéines impliquées dans l’endocytose, telles que la Clathrine ou encore la Dynamine, conduit à des défauts d’abscission dans les cellules de drosophile et de mammifère [144, 149], [149] [150], [151]. Plusieurs études soutiennent également l’importance du trafic des endosomes et de leur enrichissement à proximité du pont intercellulaire pour l’abscission [149], [147], [152]. Cette polarisation du trafic vésiculaire des pôles vers le pont intercellulaire semble être un mécanisme évolutivement conservé

nécessaire à l’abscission [153], [152]. Parmi les régulateurs clefs du trafic membranaire se trouvent les GTPases de la famille Rab, dont la protéine Rab35 [154], [155]. Celle-ci est nécessaire à l’abscission, en contrôlant le trafic des endosomes et leur fusion (recyclage) avec la membrane plasmique. L’inhibition de Rab35 conduit à une accumulation de vésicules cytoplasmiques riches en récepteurs de la transférine, qui proviennent vraisemblablement de fusions entre endosomes en raison d’un recyclage vers la membrane plasmique réduit [146]. Nous verrons ultérieurement que ce trafic orienté des endosomes vers la membrane plasmique du pont intercellulaire participe localement à la régulation du PI(4,5)P2 (cf. 52).

De façon similaire au transport des vésicules par les microtubules du FMA dans les cellules embryonnaires, le transport des endosomes et leur accumulation au pont intercellulaire seraient également dépendants des microtubules. Une analyse protéomique des composants du midbody de cellules humaines montre un enrichissement de la kinésine- 1 au niveau du midbody [156]. Cette kinésine pourrait favoriser la migration des endosomes de recyclage en direction du pont intercellulaire, par un transport dépendant des microtubules et orienté vers leur extrémité positive. Alors que l’apport de membranes à la membrane plasmique équatoriale par des vésicules intracellulaires est nécessaire à l’ingression du sillon de clivage dans les cellules embryonnaires de taille importante, la régulation du trafic membranaire constitué d’endosomes et de vésicules d’endocytose semble générale et essentielle à l’abscission. Ces deux processus requièrent une organisation spatiale des microtubules, ainsi que la présence de protéines motrices de type Kinésine dont certaines restent à identifier.

A l’image des vésicules transportées par le FMA, ce trafic vésiculaire orienté vers le lieu de l’abscission a-t-il pour principale fonction une augmentation de l’aire membranaire à l’interface entre les deux futures cellules filles ? Constitue t-il un moyen de transport efficace pour délivrer des protéines nécessaires au mécanisme d‘abscission spécifiquement à la membrane plasmique du pont intercellulaire ? Ou encore représente t-il un système permettant de moduler la composition lipidique de la membrane plasmique ? Il a clairement été démontré qu’en début de division le volume cellulaire diminue en raison d’un blocage

du recyclage des endosomes vers la membrane plasmique alors que le processus d’endocytose se poursuit, puis que l’aire membranaire augmente en anaphase grâce à la reprise des fusions membranaires entre endosomes de recyclage et membrane plasmique [147], [157]. Cependant, en plus de contrôler la surface membranaire, le transport orienté de ces vésicules participe également à la régulation de la composition lipidique de la membrane plasmique. La composition de celle-ci est aussi importante que la régulation de son aire pour l’intégrité de la division cellulaire. Par exemple, le PI(4,5)P2, un phosphoinositide de la membrane plasmique [158], est connu pour jouer de multiples rôles dans la division cellulaire (cf. 53). Sa distribution, synthèse et hydrolyse doivent être finement régulées afin de permettre aux cellules de se diviser correctement. L’équipe d’Arnaud Echard a récemment mis en évidence que la GTPase Rab35 contrôle le taux de PI(4,5)P2 à la membrane plasmique du pont intercellulaire en régulant le trafic des endosomes de recyclage [146]. Ces endosomes, pourraient ainsi participer à la régulation de la distribution du PI(4,5)P2 dans les cellules mitotiques. Ces travaux montrent de plus que la mutation de la protéine Ocrl, un effecteur de Rab35 dont nous reparlerons par la suite, conduit à un défaut d’abscission associé à un excès de PI(4,5)P2 au pont intercellulaire.