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organique de la coquille d’œuf de poule

4.3 Caractérisation des protéines identifiées dans les matrices organiques d’invertébrés biominéralisants

4.3.1 Protéines modifiant les cristaux de carbonate de calcium

La caspartine, identifiée chez Pinna nobilis, est une protéine de 17 kDa. Lorsque la

protéine est ajoutée au milieu de cristallisation in vitro, une inhibition de la précipitation du carbonate de calcium et des modifications morphologiques des cristaux de calcite sont constatées (Marin et al, 2005).

La perlinhibine a été identifiée chez l’ormeau, Haliotis laevigata. Cette protéine est

riche en cystéine (19,5%), en histidine (17%) et en arginine (14,6%). In vitro, des modifications morphologiques des cristaux de calcite apparaissent en présence de la protéine.

Différents creux et marches apparaissent sur les cristaux, suggérant que la perlinhibine inhibe la croissance des cristaux aux endroits où elle s’est fixée (Mann et al, 2007b).

La prisilkine-39 a été identifiée dans la fraction insoluble à l’EDTA de la matrice de

l’huître perlière Pinctada fucata (Kong et al, 2009). Elle présente une structure modulaire constituée d’un domaine N-ter hydrophobe riche en alanine, de deux régions répétées, GYS I et GYS II et d’un domaine C-ter basique avec 4 Histidines et 1 Lysine. La région GYS I est constituée de douze répétitions quasi-identiques d’un même motif (les répétitions présentent un haut degré de similarité entre elles). La région GYS II possède des dipeptides Gly-Tyr, Tyr-Tyr, Gly-Ser et Tyr-Ser. Lorsqu’un test de cristallisation in vitro est réalisé en présence de cette protéine, des modifications morphologiques des cristaux de calcite sont constatées. Kong et collaborateurs suggèrent que ce sont les domaines GYS II et C-terminal qui seraient impliqués dans la liaison à certaines faces spécifiques des cristaux. De même, lorsque la fonction de la protéine est inhibée par l’injection d’anticorps dans l’espace extrapalléal, la structure de la couche nacrée apparaît désordonnée et des cristaux s’accumulent de façon aléatoire sur ceux déjà formés (Kong et al, 2009).

Pinctada Fucata Mantle Gene 1 (PFMG1), identifiée chez Pinctada fucata, possède 2

domaines EF-hand de liaison au calcium. In vitro, la protéine de fusion GST-PFMG1 induit une modification morphologique des cristaux de carbonate de calcium qui présentent une morphologie rhombique au lieu d’une morphologie cubique en condition contrôle (Liu et al, 2007).

MSI-7, identifiée chez Pinctada fucata, est une protéine de 7 kDa qui présente 3

domaines différents le long de sa séquence (un domaine hydrophile en N-terminal, un domaine riche en glycine et un domaine hydrophobe en C-terminal). In vitro, l’ajout de la protéine fusion GST-MSI-7 induit une modification de la morphologie de cristaux de carbonate de calcium avec des cristaux à bases hexagonales au lieu des cristaux rhombiques obtenus en condition contrôle. Un modèle est proposé par Zhang et collaborateurs pour expliquer ces modifications. Les protéines MSI-7 forment une couche, en étant reliées par leur domaine C-terminal, alors que les domaines N-terminaux vont lier les ions Ca2+ et ainsi agir sur la cristallisation du carbonate de calcium (Zhang et al, 2003).

La perlucine est une protéine possédant un domaine lectine de type C (analogue à

l’OC-17 de la coquille d’œuf de poule) identifiée chez deux espèces du genre Haliotis, Haliotis

laevigata (Mann et al, 2000) et Haliotis dicus dicus (Wang et al, 2008). Lorsque la protéine

de fusion MBP (maltose binding protein)-perlucine est ajoutée in vitro, la morphologie des cristaux de calcite est modifiée. Leur forme à base hexagonale diffère de leur forme

rhomboédrique normale (Wang et al, 2008). De plus, la présence de la perlucine accentue la baisse de pH consécutive à la précipitation du carbonate de calcium, ce qui suggère que la protéine accélérerait cette précipitation (Weiss et al, 2000, Wang et al, 2008). Un rôle antimicrobien est également évoqué (Blank et al, 2003, Wang et al, 2008).

L’aspeine, identifiée chez Pinctada fucata, est la protéine la plus acide connue à ce jour

(point isoélectrique théorique de 1,67). Les résidus acide aspartique représentent 60% des 413 acides aminés formant cette protéine. L’aspeine est composée de trois parties : un domaine N-terminal, un domaine DA et un domaine poly-D. Deux constructions GST-Aspein-∆D comprenant les domaines terminal et DA et GST-Aspein-D1 comprenant les domaines N-terminal et DA et le début du domaine poly-D sont réalisées afin de déterminer la fonction de chacun de ces domaines. Les deux constructions peuvent lier le calcium au contraire de la protéine GST seule. Un test de cristallisation du carbonate de calcium in vitro réalisé en présence de 50 mM de magnésium permet d’obtenir, en condition contrôle, de l’aragonite sous forme d’aiguilles et quelques cristaux de calcite polyèdre. En présence d’une faible

concentration de la protéine recombinante GST-Aspein-D1, des modifications

morphologiques sont constatées avec des cristaux d’aragonite de morphologie sphérique. A plus forte concentration, des modifications polymorphiques sont observées en plus des changements morphologiques et seule de la calcite, présentant une structure en haltère ou en fleur, est obtenue au lieu de l’aragonite (Tsukamoto et al, 2004, Takeuchi et al, 2008).

Les protéines AP7 et AP24 (Aragonite Protein of molecular weight 7kDa et 24kDa),

mises en évidence chez l’ormeau Haliotis rufences, sont légèrement acides (pI de 5,17 et de 5,3 respectivement). Elles présentent une alternance hydrophobie/hydrophilie. La protéine AP24 semble glycosylée post-traductionnellement. Les fonctions de ces protéines ont été analysées par un test de croissance cristalline sur un échantillon de calcite géologique placé dans une solution de CaCl2 et de NH4HCO3. En absence de protéine, la calcite vient se former de manière continue en surface de la précédente. Lors de l’ajout de peptides de synthèse correspondant aux 30 premiers acides aminés des protéines AP7 et AP24, cette croissance est modifiée avec l’apparition d’une structure en marches. Michenfelder et collaborateurs suggèrent que ces deux protéines agiraient en synergie pour inhiber la formation du cristal (Michenfelder et al, 2003).

La nacréine a été identifiée chez Pinctada fucata. Elle lie le calcium et Miyamoto et

collaborateurs suggèrent que cette liaison se ferait par son domaine acide (Miyamoto et al, 1996). L’introduction dans les cellules du manteau de RNAi limitant l’expression de la nacréine conduit à des perturbations dans l’organisation de la couche nacrée (Fang et al,

2011). Lorsque des anticorps anti-nacréine sont ajoutés dans l’espace extrapalléal, les tablettes d’aragonite sont recouvertes de nanocristaux. Ce résultat tend à indiquer que la nacréine inhibe la croissance cristalline (Gong et al, 2008).

Les protéines Pif 80 et Pif 97 ont été identifiées lors d’une recherche de protéines

pouvant se lier aux cristaux de carbonate de calcium, aragonite ou calcite (Suzuki et al, 2009). Ces deux protéines sont codées par le même gène Pif. La protéine précurseur unique obtenue par l’expression du gène Pif est maturée par clivage, celui-ci permettant l’obtention des deux protéines Pif 80 et Pif 97. Le site de clivage, composé des quatre acides aminés RMKR, est reconnu par les protéases de type Kex-2. Pif 80 est riche en acides aminés chargés et présente 17 répétitions d’un motif à quatre acides aminés Asp – Asp – Arg (ou Lys) – Lys (ou Arg) et une séquence riche en acides aminés acides en son centre (Asp2 – Glu –Asp7). Pif 97 présente deux domaines von Willebrand de type A (domaine connu pour être impliqué dans des interactions protéines/protéines) et un domaine de liaison à la chitine similaire à celui de la péritrophine A. Une injection d’ARN interférents conduit à une diminution de l’expression du gène et à une croissance anarchique et très diminuée de la couche nacrée. Suzuki et collaborateurs proposent un modèle fonctionnel où Pif 80 et 97 sont associées au sein d’un complexe protéique. Dans celui-ci, ils suggèrent que Pif 97 lie la chitine alors que Pif 80 attire le carbonate de calcium et intervient dans la formation des cristaux d’aragonite, ainsi que dans le contrôle de leur orientation (Suzuki et al, 2009).

Une famille de protéines riches en lysine (Lysine (K), Rich Matrix Proteins, KRMP) a été mise en évidence dans la matrice organique de l’huître perlière Pinctada fucata. Elle comporte trois membres : KRMP 1 à 3, d’une taille comprise entre 98 et 101 acides aminés. KRMP 1 et 2 sont identiques à l’exception d’un seul acide aminé. KRMP 3 présente plus de 80% d’identité de séquence avec les deux autres. Les protéines sont riches en lysine, glycine et tyrosine et sont basiques (pI entre 9,5 et 9,8). Leur structure primaire peut être divisée en trois régions : un peptide signal en N-terminal, une région basique riche en lysine et un C-terminal riche en Gly et en Tyr. Leur expression est limitée à la partie distale du manteau et l’introduction de RNAi spécifiques de ces gènes dans les cellules du manteau conduit à des perturbations dans l’organisation de la couche prismatique (Fang et al, 2011). Zhang et collaborateurs proposent que ces protéines jouent un rôle de liaison entre les protéines de structure de la coquille et les protéines impliquées dans la formation du cristal (Zhang et al, 2006).