• Aucun résultat trouvé

2 Généralités sur les processus de biominéralisation La biominéralisation consiste en l’élaboration d’une structure minérale complexe par un

organisme vivant. Ce mécanisme apparaît comme très répandu dans l’ensemble du monde vivant. Un grand nombre d’organismes sont concernés, qu’ils soient unicellulaires ou pluricellulaires, qu’ils appartiennent au règne animal ou au règne végétal. Il s’agit d’un processus très ancien puisque les organismes marins des mers primitives formaient déjà leur coquille selon un processus de biominéralisation. Ce dépôt de minéraux sous conditions physiologiques par un organisme vivant aboutit à la formation de structures très diversifiées avec des formes, des tailles et des couleurs différentes.

2.1 Les différents processus de biominéralisation

Deux grands types de processus existent (Lowenstam, 1981, Mann, 1983) : - une minéralisation biologiquement induite

Cette minéralisation est le résultat d’interactions entre l’activité biologique de l’organisme et son environnement (Mann, 1983). Elle ne nécessite pas la mise en place d’une machinerie cellulaire dédiée par l’organisme minéralisant. La biominéralisation induite est retrouvée chez certaines espèces bactériennes ainsi que chez les algues vertes et brunes (Lowenstam, 1981).

- une minéralisation biologiquement contrôlée

La minéralisation biologiquement contrôlée est caractérisée par la présence d’une matrice organique, ensemble de protéines, protéoglycanes et polysaccharides (Mann, 1983). Cette matrice est sécrétée par un épithélium dédié. L’apport des ions constitutifs du minéral est assuré par des transports ioniques spécifiques. Des interactions entre les minéraux et la matrice organique sont mises en évidence (Marin and Luquet, 2004, Nys et al, 2004). Ainsi, la matrice organique régule l’initiation de la minéralisation, la croissance des cristaux ainsi que leur type polymorphique sous contrôle génétique.

Deux types de biominéralisation contrôlée sont mis en évidence :

- une biominéralisation contrôlée cellulaire, dans laquelle des cellules sont présentes

au site de minéralisation et impliquées dans la régulation du processus. Le squelette des vertébrés, composé de phosphate de calcium (Ca10(PO4)6(OH)2) en est un exemple.

- une biominéralisation contrôlée acellulaire, dans laquelle aucune cellule

n’intervient sur le lieu de la biominéralisation. Les coquilles d’œufs d’oiseaux, les coquilles de mollusques, les cuticules de crustacés et les exosquelettes de coraux, composés de carbonate de calcium (CaCO3) sont des exemples de biominéralisation contrôlée acellulaire carbonatée.

2.2 Principes généraux de la biominéralisation contrôlée carbonatée

Malgré la diversité de formes et de fonctions, les structures biominérales sont élaborées selon les mêmes principes par interaction des ions constitutifs avec la matrice organique présente dans le milieu (Mann, 1983, Addadi and Weiner, 1992) :

- la définition d’un espace biologiquement compartimenté où le biominéral se formera. Cet espace peut être cellulaire (cas des êtres unicellulaires type bactéries magnétiques), le résultat de fusions cellulaires pour former une vacuole unique (épine de l’oursin formée dans une vacuole allant jusqu’à 25 cm) ou extracellulaire (utérus pour la coquille d’oiseaux). Dans cet espace, les entrées ioniques et organiques sont contrôlées pour atteindre les conditions physico-chimiques précises dans lesquelles la minéralisation pourra se dérouler. Pour exemple, la minéralisation de la coquille des mollusques nacro-prismatiques se déroule dans l’espace extrapalléal. L’épithélium responsable de la minéralisation, appelé le manteau, est situé sous la coquille. Le liquide extrapalléal remplit la cavité et contient tous les ions et les protéines nécessaires au processus de biominéralisation ; les premiers sont amenés de l’hémolymphe vers la cavité au travers des cellules du manteau à l’aide de transporteurs ioniques, les secondes sécrétées par le manteau (Marin and Luquet, 2004). La minéralisation de l’exosquelette de corail se fait au niveau d’un espace défini, le milieu extracellulaire calcifiant sub-calicoblastique. L’épithélium intervenant dans cette synthèse est appelé ectoderme calicoblastique. Les ions nécessaires peuvent être apportés soit par transport transcellulaire soit par transport paracellulaire jusqu'au lieu de la minéralisation et les protéines sont sécrétées par l’ectoderme calicoblastique (Allemand et al, 2011).

- une hypersaturation en ions du milieu. Les ions constitutifs du minéral doivent se trouver en conditions saturantes (C+ + A- → CA, C=cations, A=anions). Le sel CA ainsi formé est en équilibre entre 2 formes (CA soluble, CA solide). Si le produit de solubilité de CA est atteint, la forme solide est favorisée, le sel précipite dans le milieu et le milieu est dit « hypersaturé ».

- la présence de sites de nucléation. Les conditions d’hypersaturation ne sont pas suffisantes à elles seules pour précipiter un sel. L’initiation de la cristallisation ou nucléation primaire se fait à partir de sites de nucléation se trouvant dans le milieu.

- la croissance du minéral. Il s’agit d’une nucléation secondaire qui se déroule à partir des cristaux produits lors de la nucléation précédente. La matrice organique intervient également lors de ce processus en inhibant la croissance du minéral selon un ou plusieurs axes, lui donnant ainsi une morphologie bien déterminée.

- le dépôt d’un type polymorphique cristallin particulier. Pour une même composition chimique, la structure cristalline peut être différente. Par exemple, le carbonate de calcium CaCO3 existe sous trois polymorphes cristallins anhydres différents : calcite, aragonite et vatérite, chacun ayant ses propriétés cristallines propres. La structure du biominéral obtenue sera différente selon le type polymorphique présent. La coquille des mollusques est ainsi composée de différentes couches minérales qui peuvent être faites d’aragonite ou de calcite et l’exosquelette des coraux est formé d’aragonite.

2.3 Rôle du carbonate de calcium amorphe dans la biominéralisation

Depuis quelques années, le rôle supplémentaire du carbonate de calcium amorphe (ACC) est mis en évidence dans différents exemples de biominéralisations carbonatées. Contrairement aux formes cristallines, les atomes composant le carbonate de calcium amorphe ne présentent pas une organisation régulière dans l’espace. Les formes minérales amorphes ne sont pas ou peu stables et n’ont été observées que récemment. L’ACC a été retrouvé chez les mollusques bivalves Mercenaria mercenaria et Crassostrea gigas au niveau de la coquille larvaire (Weiss et al, 2002) et Mytilus edulis (Medakovic, 2000) et (Allemand et

al, 2011)dans les spicules d’oursins Paracentrotus lividus (Beniash et al, 1997) et Strongylocentrotus purpuratus (Raz et al, 2003, Gong et al, 2012). Il est également supposé

être présent chez les coraux, par analogie avec son identification chez les octocorailliaires (Weiner et al, 2003).Ce carbonate de calcium amorphe aurait deux fonctions principales : servir de réserve d’ions pour la construction du cristal futur et de précurseur transitoire à la phase minérale cristalline stable présente dans la structure achevée (Addadi et al, 2003). Le mécanisme en quatre étapes proposé pour la formation de la nacre, une des couches de la coquille de mollusque bivalve, souligne l’importance du rôle du carbonate de calcium amorphe. Dans un premier temps, les composants de la matrice organique sécrétés par les cellules du manteau s’assemblent. Dans un deuxième temps, l’apparition d’une première

phase minérale est constatée. Cette première phase serait synthétisée dans des cellules spécialisées puis transportée par des vésicules jusqu’au site de minéralisation et serait constituée de carbonate de calcium amorphe. Dans un troisième temps, l’initiation de la formation des tablettes de nacre se déroule au niveau de sites précis de nucléation. Ces sites, correspondant au centre de chaque tablette, sont riches en carboxyles et sulfates. Cette formation fait appel à la phase minérale amorphe déposée précédemment. Dans un dernier temps, les tablettes d’aragonite se développent. Elles s’allongeraient tout d’abord verticalement jusqu’à atteindre le feuillet de chitine situé au-dessus puis horizontalement jusqu’à rencontrer les tablettes voisines. Lors de cette croissance, certaines protéines généralement acides sont intégrées dans la nacre au contraire des protéines hydrophobes contenues dans le gel qui sont repoussées en périphérie des tablettes (Levi-Kalisman et al, 2001, Addadi et al, 2006).

3 Biominéralisation carbonatée de la coquille d’œuf