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Fonctions

Les protéines sont des macromolécules essentielles au vivant. Elles sont formées par les acides aminés, décrits dans la section I.1.2.2 p. 34. Leur structure définit leurs fonctions qui sont très variées au sein de la cellule. Les protéines interviennent dans la formation du cytosquelette, qui donne à la membrane cellulaire sa forme globale ainsi qu’une certaine flexibilité. Elles interviennent également dans le transport de métabolites, d’ions, et d’autres molécules à travers les membranes plasmique et nucléaire, dans le métabolisme qui est la formation des composés nécessaires à la cellule. Elle joue aussi un rôle dans l’expression du code génétique contenu dans l’ADN. Pour résumer, elles interviennent dans tous les phénomènes d’assimilation, de croissance, et de division des organismes uni ou pluricellulaires, ces trois grandes propriétés définissant le vivant. Ce sont les machines microscopiques du vivant, servant à la structure, au transport et au métabolisme. L’ensemble des protéines d’un organisme est appelé le protéome.

Pour se donner une idée, le protéome humain est composé d’environ 19 000 protéines putatives [9]. « Putatives » signifie qu’elles sont prédites par la bio-informatique à partir du séquençage du génome humain, mais pas encore identifiées. L’identification du protéome humain est à ce jour en cours, et 93% des protéines ont été assignées à une fonction. Parmi les 19 000 protéines identifiées, 2 300 protéines font partie du « house keeping proteome », elles sont ubiquistes, c’est-à-dire qu’elles sont exprimées dans tous les tissus, leurs fonctions sont le contrôle général et la maintenance de la cellule. Elles composent 75% de la masse des protéines. Les autres sont donc spécifiques à un type cellulaire. De plus, les protéines peuvent subir des modifications post-traductionnelles et être décorées de groupements fonctionnels (acétylation, alkylation, phosphorylation entre autres…), lipides et sucres supplémentaires. Ces modifications permettent l’adressage des protéines dans les bons compartiments cellulaires et influencent leurs fonctions et temps de demi-vie. Ainsi, un gène produit une protéine qui sera ensuite modifiée, et ces modifications

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peuvent produire plusieurs versions d’une protéine adaptant sa fonction selon le contexte (type cellulaire, environnement etc…).

Les acides aminés

Les acides aminés (aa) sont les briques fondamentales formant les protéines. Ce sont des molécules comportant toutes la même base formée des groupements carboxylate (COOH) et amine (NH2) formant le squelette composé des atomes N-Cα-C-O. Les aa sont exclusivement composés des atomes de carbones (C), d’oxygènes (O), d’azotes (N), d’hydrogènes (H) et deux seulement comportent des atomes de soufre (S). Le Cα est porteur d’une chaîne latérale R pouvant avoir différentes structures qui déterminent la nature l’aa ainsi que ses propriétés physico-chimiques. Une vingtaine d’aa composent les protéines, cependant il en existe plusieurs centaines dans la nature et tous ne rentrent pas dans la synthèse de protéines. Ils peuvent être classés en fonction de leurs propriétés physico-chimiques telles que la polarité, leur nature aliphatique, aromatique ou cyclique (Figure 5). Ils sont tous reliés les uns aux autres via des liaisons peptidiques O-N (Figure 4) et forment une chaine polymérique aussi appelé chaine « polypeptidique ». La chaine polypeptidique peut être décrite par les angles dièdres φ (Ci-Cαi-Ni-Ci+1) et ψ (Ni-1-Ci-Cαi-Ni). La synthèse de la chaine polypeptidique est réalisée in vivo lors de la lecture d’un ARNm et consiste en l’assemblage des aa, apportés par les ARNt, correspondant aux codons (séquence de 3 nucléotides sur l’ARNm) lus par le ribosome lors de la traduction. La chaîne polypeptidique possède deux extrémités nommées N-terminale (premier aa, aussi appelé extrémité N-ter) et C-terminale (dernier aa, aussi appelée extrémité C-ter), et se replie sous la force des interactions qu’entretiennent les aa les uns avec les autres pour former différentes structures. Le repliement de la protéine est dépendant de sa séquence en aa.

Figure 4 : Formation d’une liaison peptidique C’est une liaison covalente entre le groupement carboxylate chargé négativement et amine chargée positivement de deux aa. La réaction engendre la production d’une molécule d’eau. Sur cette figure, les carbones sont en noir, les azotes en bleu, les oxygènes en rouge, les hydrogènes en blanc et les sphères jaunes correspondent aux chaines latérales des aa décrits dans la Figure 5.

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Figure 5 : Les acides aminés entrant dans la composition des protéines eucaryotes

Ceux-ci sont classés en 4 groupes selon la nature de leurs chaines latérales. Parmi les cas particuliers, la cystéine est capable de former une liaison covalente nommée pont disulfure avec une autre cystéine ou une molécule portant un groupement thiol (SH). La sélénocystéine (Sec, U) est plus rare et son incorporation est effectuée lors de la traduction grâce au « recodage » d’un codon Stop (UGA) de l’ARNm de la sélénoprotéine par l’anticodon d’un ARNt spécifique pour la Sec [10]. La glycine et la proline sont des acides aminés particuliers dont la chaîne latérale est inexistante pour l’une ou incluse dans le squelette de ce dernier pour l’autre, respectivement, donnant une flexibilité ou une rigidité importante à la séquence protéique où elles sont intégrées.

36 Structures

Il existe plusieurs niveaux de complexité dans la structure des protéines. La structure primaire d’une protéine correspond à l’enchaînement des aa qui décrit une séquence. Sa composition déterminera sa(es) structure(s) tridimensionnelle(s) (Figure 6 A). Les autres niveaux de structuration sont en 3 dimensions et font intervenir des interactions de différents types entre les squelettes et les chaines latérales des aa. La protéine se replie sur elle-même et se combine parfois avec d’autres protéines pour adopter une conformation plus stable, et ces différents « niveaux » de repliement (secondaire, tertiaire, quaternaire) sont maintenus par différentes interactions décrits dans le Tableau 2 [11]. Ces interactions peuvent être de nature covalente ou non covalente et impliquent ou non, respectivement, le partage d’électrons entre deux atomes. Des liaisons covalentes peuvent se créer spontanément au sein d’une protéine entre deux cystéines via leurs atomes de soufre (pont disulfure).

Les interactions non covalentes aussi appelées interactions « à distance » sont des interactions électrostatiques. Les interactions électrostatiques impliquent deux objets porteurs de charges positive ou négative (ions). Selon les charges de ces objets, deux effets sont possibles : la répulsion (mêmes signes : -/-, +/+) et l’attraction (signes opposés : +/-) (Tableau 2 A et B). Les forces de van der Waals (vdW) sont des interactions électrostatiques faibles qui impliquent des molécules possédant un moment dipolaire permanent et/ou induit. Elles impliquent deux dipôles permanents (forces de Keesom, Tableau 2 C) ou un dipôle permanent et un dipôle induit (forces de Debye, Tableau 2 E) ou deux dipôles induits (forces de dispersion de London, Tableau 2 F). Lorsque ces phénomènes impliquent des cycles aromatiques, ils sont aussi appelés « effets π » font intervenir deux objets dont au moins un groupe aromatique d’un aa (Phe, Tyr et Trp), et créer un phénomène d’attraction dans les interactions dites « stacking π-π » (empilement de deux cycles aromatiques, forces de London Tableau 2 F), « cation-π et anion-π » (entre une charge positive et négative, respectivement, et un cycle aromatique, Tableau 2 D), « dipôle-π » (entre un dipôle des aa Ser, Thr, Asn, Gln, Cys, Sec et Tyr par exemple, et un benzène, forces de Debye Tableau 2 E) et « alkyl-π » (entre un groupe alkyle des aa Thr, Ala, Val, Ile, Leu et Met par exemple et un cycle aromatique). Il en résulte des phénomènes d’attraction ou de répulsion entre les atomes ou groupes d’atomes selon les charges portées par ces derniers. Les liaisons hydrogène sont des interactions fortes entre un atome accepteur d’hydrogène, porteur d’une charge partielle négative et un donneur d’hydrogène porteur d’une charge partielle positive (Tableau 2 H). Les interactions hydrophobes, moins bien définies à ce jour, forcent certains groupements fonctionnels aussi dits « apolaires » à « fuir » les molécules d’eau et donc à s’enfouir à l’intérieur de l’édifice tridimensionnel que définit la protéine. Dans les interactions engendrant une attraction, les forces de répulsion de vdW empêchent la collision des orbitales atomiques (Tableau 2 G).

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Tableau 2 : Interactions de type non covalente ou « à distance » responsables du repliement des protéines

Type d’interaction Modèle Exemple Dépendance

énergie/distance

Dépend de la polarisabilité de la molécule dans laquelle le dipôle est induit

1/r4

E Effet π, dipôle-π

Dipôle-dipôle induit (vdW, force de Debye)

Dépend de la polarisabilité de la molécule dans laquelle le dipôle est induit

38 Figure 6 : Différents niveaux des structures des protéines

Les protéines peuvent être décrites avec différents niveau de structure, de la structure primaire (séquence en acides aminés) à la structure quaternaire (oligomérisation de plusieurs protéines en complexes multiprotéiques), en passant les structures secondaires et tertiaires (repliements de la chaîne polypeptidique et organisation en motifs de ce dernier).

On appelle structure secondaire le repliement local de la chaine peptidique à l’intérieur d’une protéine pour former des motifs tels que les hélices α et les brins β, repliements les plus courants, ainsi que des hélices 310, des hélices π, des ponts et des tours. Les aa ne respectant aucun des motifs cités précédemment sont donc dépourvus d’éléments de structure secondaire canoniques et adoptent une structure dite en boucle. Tous ces éléments forment le dictionnaire DSSP (« The Dictionary of Protein Secondary Structure ») qui est utilisé pour décrire les structures secondaires des protéines par des lettres en se basant sur les liaisons hydrogène formées par la chaine polypeptidique repliée et d’autres caractéristiques géométriques (Tableau 3) [12]. Les hélices, quel que soit leur type, sont caractérisées par des liaisons hydrogène formées entre le carbonyle -CO de l’aa 𝑖 et l’amide -NH de l’aa 𝑖 + 𝑥, 𝑥 étant le nombre d’aa nécessaires pour former un tour de l’hélice (3, 4 ou 5). Ces motifs de structures secondaires peuvent interagir entre eux et former des éléments de structure dits tertiaire comme par exemple des tonneaux β, qui correspond à la succession de brins β antiparallèles organisés en un seul feuillet β s’enroulant pour former une structure quasi-cylindrique. Les protéines peuvent adopter une ou plusieurs structures tertiaires. La structure quaternaire résulte de l’interaction de plusieurs chaines peptidiques appelées sous-unités conduisant à la formation de protéines dites multimériques (dimère, trimère, tétramère, …). Par exemple les capsides protégeant l’ADN viral sont des structures composées

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de globules eux même composés de plusieurs dizaines de protéines. Bien évidemment les fonctions des protéines sont établies par leur structure, qu’elles soient intrinsèquement désordonnées ou non.

Tableau 3 : Caractéristiques permettant de distinguer les éléments du dictionnaire des structures secondaires des protéines Abréviations : DSSP, « Dictionary of Protein Secondary Structure » ; Aa, acide aminé; Ap, antiparallèle;

p, parallèle; lh, liaison hydrogène.