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Le système de réparation par excision de base (« Base Excision Repair », BER) est un système multienzymatique dédié à la réparation des bases endommagées et des cassures simple brin (« Single-Strand Break Repair », SSBR survenant à la suite d’irradiation ou consécutive à un blocage de la réplication). On peut considérer que le SSBR est partiellement inclus dans le BER et diffère simplement par les enzymes qui initient le processus en reconnaissant la cassure [84]. Le BER proprement dit se réalise en deux phases : (i) une phase d’excision consistant en l’élimination du dommage au travers de l’excision de 1 à 10 nucléotides contenant le dommage et (ii) une phase de resynthèse réparatrice conduisant à la reconstitution d’une molécule d’ADN normale. En fonction de la nature des enzymes qui initient le système BER, on distingue : (i) la voie à brèche courte (« Short Patch », SP) initiée par la reconnaissance et l’excision de la base endommagée par une ADN glycosylase monofonctionnelle ou bifonctionnelle et (ii) la voie à brèche longue (« Long Patch », LP) initiée soit par une ADN glycosylase bifonctionnelle, soit par la reconnaissance d’une cassure simple brin par la Poly(ADP-ribose) polymérase 1 (PARP1) assistée de la protéine XRCC1 qui participe à la stabilisation de la cassure simple-brin et au recrutement d’autres enzymes et par conséquent, au choix du SP- ou LP-BER. Il existe 12 ADN glycosylases humaines différentes contre seulement 6 chez E. coli. Le paragraphe suivant sera dédié à la présentation détaillée de ces enzymes car c’est sur celles-ci que mon travail de thèse a porté.

Le site abasique résultant du clivage du lien N-glycosidique entre la base lésée et le désoxyribose par une ADN glycosylase peut être pris en charge soit par une AP endonucléase (hydrolyse du lien phosphodiester en 3’ du site AP, APE1 chez l’Homme) soit par une AP lyase (activité associée aux ADN glycosylases bifonctionnelles consistant au clivage du lien phosphodiester en 3’ ou en 3’ et en 5’ du site AP par β ou β,δ-élimination). Le choix de la voie SP-ou LP-BER peut dépendre d’abord de la nature de la base endommagée, substrat pour une ADN glycosylase monofonctionnelle ou bifonctionnelle donnée, mais peu aussi dépendre de l’abondance relative des enzymes pouvant agir en aval de l’ADN glycosylase recrutée (cette abondance relative peut varier d’un type cellulaire à un autre). La phase d’excision de la base lésée conduit immanquablement et de façon transitoire à une cassure simple brin dont les extrémités doivent être nettoyées afin de constituer une matrice correcte (avec une extrémité 5’-phosphate et 3’-OH) pour la phase de resynthèse (les protéines PNK, APE1, XRCC1 et l’ADN polymérase β contribuent à cela). Dans la voie SP-BER, c’est la polymérase β non-processive (Polβ) qui remplit la lacune (« gap ») résultat de l’excision du nucléotide endommagé (activité « gap-filling »). Les

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ADN polymérases réplicatives δ et Ɛ sont recrutées dans la voie LP-BER. Finalement, la continuité de la molécule d’ADN est rétablie par une ADN ligase [85] (Figure 21).

Figure 21 : Le système de réparation par excision de base (BER) chez les mammifères

Beaucoup d’enzymes différentes participent aux deux mécanismes mais les éléments clés sont les ADN glycosylases bifonctionnelles et monofonctionnelles, l’AP endonucléase 1 (APE1), la polymérase β (Polβ), la Flap endonucléase 1 (FEN1) et les ligases LigI, LigIII [84].

Abréviations : APE1, AP Endonucléase 1 ; PNKP, PolyNucleotide Kinase Protein ; Polβ/δ/ε, polymérase β/δ/ε ; LigI/III, ligase I/III ; XRCC1, X-Ray Cross-Complementation group 1 ; PCNA, Proliferating Cell Nuclear Antigen; FEN1, Flap Endonucléase 1.

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Les protéines PARP1 et XRCC1 sont des protéines impliquées respectivement dans le signalement cellulaire et dans la stabilisation des SSB [86, 87]. La protéine PARP1 favoriserait également la réparation de la 8-oxoG dans des cellules Polβ déficientes [88], et serait surexprimée dans des cellules normales soumises à des agents alkylants et radiations ionisantes [89], permettant de faire un lien entre PARP1 et le recrutement du BER et de la protéine APE1 intervenant dans l’étape suivante [90]. XCRR1 pour sa part stimulerait la polymérase β intervenant une étape après [91] et régulerait l’aiguillage entre les voies SP- et LP-BER [92].

La protéine APE1 clive le lien phosphodiester en 5’ (i) des sites abasiques (AP) qui résultent de la perte spontanée (ou induite) de bases ou de l’action d’une ADN glycosylase monofonctionnelle, (ii) des sites AP pré-incisés en 3’ (sites 3’-phospho-aldéhyde α,β-insaturé, PUA) par une AP lyase (telles qu’une ADN glycosylase bifonctionnelle et Polβ) et (iii) d’une extrémité 3’-phosphate (activité 3’phosphodiestérase). Les produits de réaction peuvent être une cassure simple brin délimitée par une extrémité 5’-désoxyribose phosphate (5’-dRP) et 3’-OH (clivage d’un site AP) ou d’une lacune de 1 nucléotide délimitée par une extrémité 5’phosphate et 3’-OH (clivage d’un site AP pré-incisé par une ADN glycosylase bifonctionnelle). Il existe 4 classes d’AP endonucléases, les classes I et II coupent la liaison phosphodiester entre le désoxyribose et le groupement phosphate laissant deux extrémités adjacentes 3’-OH et 5’-phosphate et les classes III et IV qui coupent entre le groupement phosphate et le sucre pour laisser deux extrémités 3'-phosphate et 5’-OH. Chez l’Homme, c’est la protéine APE1 (HAP1 ou APEX) de la classe II qui est majoritairement exprimée dans 95% des cellules. C’est une hydrolase possédant un ion Mg2+ dans son site actif essentiel à la catalyse enzymatique. La protéine APE2 est aussi une endonucléase de classe II dont l’activité AP endonucléase est plus faible que APE1, mais qui possède également des activités 3’→ 5’ exonucléase et 3’-phosphodiestérase [93, 94]. Cela signifie qu’elles sont plus efficaces sur les extrémités 3’ et 5’ de l’ADN. Leurs homologues chez la levure S. cerevisiæ sont les protéines APN1 et APN2 et Xth (Exonucléase III, ExoIII) et Nfo (Endonucléase IV, EndoIV) chez E. coli [95].

La lacune résultant de l’action concertée des ADN glycosylases et d’APE1 est comblée par une ADN polymérase. Il existe un grand nombre d’ADN polymérases, de I à V chez les procaryotes et de α à ν chez les eucaryotes. Chez l’Homme, c’est l’ADN polymérase non processive Polβ qui comble les petites lacunes dans la voie SP-BER [91]. La Polβ possède également une activité 5’dRP lyase capable d’enlever le groupement 5’-dRP selon un mécanisme de β-élimination après l’action de l’APE1, donc généralement lorsque le BER est initié par une ADN glycosylase monofonctionnelle [96]. Dans le cas du LP-BER ce sont les ADN polymérases réplicatives processives Polε et Polδ qui assurent l’étape de resynthèse réparatrice de l’ADN par un processus de déplacement de brin générant des structures

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transitoires dites « Flap » [97]. Ces structures « Flap » sont excisées jusqu’à l’arrêt de la polymérisation par la Flap Endonucléase 1 (FEN1). Cette protéine est également impliquée dans l’élimination des structures « Flap » générées lors de la synthèse des fragments d’Okazaki et dans la maintenance des télomères. Cette protéine détient un rôle clé dans la maintenance de l’intégrité du génome, non seulement en participant à la réplication de l’ADN mais aussi en participant à la réparation de l’ADN via le BER [98].

L’action combinée de la Polβ et/ou Polε/δ et FEN1 conduit à la formation d’une SSB franche délimitée par des extrémités 5’-phosphate et 3’-OH, substrat pour l’ADN ligase I (LigI). Cette enzyme interagit avec « Proliferating Cell Nuclear Antigen » (PCNA, stimulant la processivité des ADN polymérases réplicatives Polε et Polδ) et est donc impliquée dans le LP-BER. L’ADN ligase III (LigIII) est recrutée par XRCC1 et est donc impliquée dans la voie SP-BER. LigIII est également impliquée dans le système de réparation des SSB et des DSB [99].

Cette description générale du BER est valable dans le noyau de la cellule. Néanmoins, il existe une variante du BER (SP et LP) dans les organites cellulaires contenant de l’ADN comme les mitochondries. C’est l’ADN polymérase γ (Polγ) propre à la mitochondrie qui assure l’étape de resynthèse du BER. Il semble que la LigIII que l’on retrouve aussi dans le noyau soit essentielle au BER mitochondrial [100].