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CHAPITRE 1 ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE

III. Dynamique des protéines

3.2. RMN et dynamique

3.2.1. Le protéasome

Le protéasome un assemblage supramoléculaire intracellulaire chargé de la dégradation des protéines ubiquitinylées. Son étude est un excellent exemple de ce que peut apporter la RMN lors de l’étude de complexes supramoléculaires (Rosenzweig et al. 2014). La particule 20S du protéasome est un complexe de 670 kDa formé par 4 anneaux heptamériques ayant une organisation 7777 (Figure 25B). Les deux anneaux internes 7 délimitent la chambre catalytique alors que les deux anneaux externes 7 forment les entrées du protéasome. Deux chambres intermédiaires situées entre les anneaux 7 et 7

stockent les substrats avant leur dégradation dans la chambre interne. Les anneaux 7

assurent également l’interaction entre la particule 20S, « cœur du protéasome », et d’autres particules régulatrices telles que la particule 19S reconnaissant les substrats portant une signature poly-ubiquitine ou la particule 11S impliquée dans la réponse immunitaire (Figure 25C) (Ruschak et al. 2011).

Figure 25. Structure du protéasome. A. Structure d’une sous-unité . B. Assemblage du cœur du protéasome 7777. Les sous-unités  formant la chambre catalytique sont colorées en rouge et les sous-unités  formant la porte et la chambre intermédiaire sont colorées en bleu. C. Structure du cœur du protéasome avec la particule régulatrice 11S colorée en vert. Adapté de (Sprangers et al. 2007).

Par un marquage spécifique des groupements méthyls, l’équipe de L. Kay a pu étudier la dynamique de ce complexe (Tugarinov et al. 2007). Les anneaux 7 externe forment une entrée de 13 Å de diamètre par laquelle une chaine polypeptidique non repliée accède à la chambre intermédiaire (Figure 26A et B). Il a pu être montré que les extrémités

55 N-terminales des sous-unités  présentaient des mouvements à l’échelle de la milliseconde et étaient capable de passer dans la chambre intermédiaire (Sprangers et al. 2007). L’utilisation de sonde paramagnétique a permis de calculer des contraintes de distance et d’établir que l’extrémité N-terminale pouvait adopter deux ensembles conformationnels, l’un où les 7 à 10 premiers acides aminés se situent à l’intérieur de la chambre intermédiaire, et l’autre où ces acides aminés sont situés à l’extérieur (Figure 26C) (Religa et al. 2010). De plus, sur les 7 extrémités N-terminales des sous-unités  de l’anneau 7, en moyenne 2 extrémités sont dans une conformation les plaçant à l’intérieur. Les deux états « interne » et « externe » sont en équilibre et s’échangent à l’échelle de la seconde avec une durée de vie de 2 s et 6.5 s respectivement à 45°C. Enfin, un déplacement de l’équilibre en faveur de la forme ouverte, par la mutation E25P ou par l’association avec la particule régulatrice 11S, s’est révélé être associé à une activité protéolytique accrue. L’étude des mouvements des extrémités N-terminales dans des milieux de viscosité variable a permis de mettre en évidence l’importance des collisions avec les molécules d’eau dans le passage entre les conformations « interne » et « externe » (Latham et al. 2014). Ce changement conformationnel s’effectue par étapes impliquant des segments inférieurs à 4 Å et l’équilibre conformationnel ainsi que sa cinétique ne sont pas influencés par la forte concentration en protéine présente dans un lysat cellulaire.

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Figure 26. Conformation des résidus formant la porte du protéasome. A. Section du protéasome montrant la position de la chambre intermédiaire et de la chambre catalytique. B. Vue rapprochée d’une sous-unité  et de l’entrée de la chambre intermédiaire du protéasome. C. Ensemble de 10 structures montrant l’extrémité d’une sous-unité a en conformation externe (en bleu) ou interne (en cyan). Adapté de (Religa et al. 2010).

La RMN a aussi permis d’étudier l’état du substrat dans la chambre intermédiaire (Ruschak et al. 2010b). Ainsi en fixant par un linker les protéines EnHD, FynSH3 et Pin1WW à la sous-unité , la chambre intermédiaire a pu être reconstituée avec un substrat dans sa cavité. Alors que ces protéines sont stables sous forme libre à 50°C, l’encapsulation dans la chambre intermédiaire s’est accompagnée d’une déstructuration du substrat qui adopte un ensemble de conformations non-repliées. De plus cette déstructuration s’est révélée être plus importante pour EnHD, constituée d’hélices , que pour Pin1WW, constituée de brins . Ainsi, alors que EnHD restait non-repliée à 10°C,

57 PinWW adoptait une conformation repliée vers 23 – 36°C alors que son Tm est normalement de 62°C. En plus d’abaisser le Tm, l’encapsulation de PinWW s’est aussi accompagnée d’un ralentissement de la cinétique de repliement et d’une augmentation de son c. Cette dernière observation suggère que l’effet déstabilisateur de l’encapsulation passe par une interaction entre le substrat et la paroi de la chambre intermédiaire. Ainsi, le mutant PinWW2 qui est plus stable que PinWW, présente une conformation proche de sa forme repliée dans la chambre interne et un c identique à sa forme libre. Enfin la protéolyse entre les différents substrats, EnHD, PinWW et PinWW2, s’est révélée d’autant plus efficace que le substrat était déstabilisé dans la chambre intermédiaire. La RMN a permis dans cette étude de mettre à jour l’effet de la chambre intermédiaire sur l’équilibre conformationnel du substrat.

Une régulation allostérique du protéasome a été mise en évidence par l’étude des déplacements chimiques des groupements méthyl des anneaux 7 et 7 du cœur du protéasome (Ruschak et al. 2012). La particule 11S se lie à la surface externe de l’anneau 7 au niveau d’un site de liaison hydrophobe avec un Kd de 10 µM (Sprangers et al. 2007). Cette liaison entraine un changement dans les déplacements chimiques d’un groupe de méthyls. Ces méthyls sont situés à l’interface entre les sous-unités  et  et forment un chemin connectant directement le site de liaison situé à la surface de 7 au site catalytique de 7 situé à l’intérieur de la chambre catalytique (Figure 27). Ainsi, le déplacement chimique d’un résidu de la poche S3 du site catalytique, liant une chaine latérale du substrat, est affecté par la liaison de la particule 11S et cette liaison est associée à un changement du profil des peptides générés par le protéasome. Cet effet est d’autant plus remarquable que la particule 11S joue un rôle important dans la réponse immunitaire en intervenant dans la genèse des peptides antigéniques qui seront présentés au système immunitaire (Niedermann et al. 1997, Shimbara et al. 1997). Enfin, la chloroquine, un inhibiteur du protéasome, ne se lie pas au site actif mais à 23 Å du site actif le plus proche et perturbe les déplacements chimiques des même méthyls que ceux perturbés par la liaison de la particule 11S et situés à l’interface entre les sous-unités  et . Ainsi l’effet inhibiteur de la chloroquine est donc de nature allostérique en perturbant l’équilibre conformationnel du protéasome.

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Figure 27. Régulation allostérique du protéasome. Les sous-unités  et  sont colorées en vert et en bleu, respectivement. Les résidus clef du site de liaison de la sous-unité , K66 et L81, sont indiqués en mauve et en jaune. La thréonine catalytique T1 et la poche S3 de la sous-unité  sont indiquées par une sphère orange et par une surface, respectivement. Les méthyls sont colorés proportionnellement au déplacement chimique observé. Les méthyls montrant les déplacements chimiques les plus importants forment un chemin reliant le site de liaison de la sous-unité  au site catalytique de la sous-unité . Adapté de (Ruschak et al. 2012).