• Aucun résultat trouvé

Généralement dans le domaine des matériaux, et en particuliers dans celui des polymères, lorsqu’on parle de propriétés thermiques, on entend capacité calorifique, dilatation thermique ou coefficient d’expansion thermique, ou encore conductivité thermique, pour ne citer que les plus courantes.

Mais la température agit également sur les caractéristiques physico-chimiques des polymères, notamment sur leur changement d’état et leur comportement mécanique. Plusieurs types d’analyses permettent de déterminer les températures de décomposition thermique, les températures de transition caractéristiques des polymères, mais aussi les propriétés viscoélastiques.

1.2.2.2.2.1 L’Analyse ThermoGravimétrique (ATG)

Cette analyse permet de connaître la température de décomposition thermique d’un polymère. La perte de masse est enregistrée en fonction d’une température programmée avec un gradient donné. Elle permet à la fois de limiter la consigne de température à appliquer lors de la mise en forme du matériau, mais également de donner des critères de résistance sous certaines conditions d’atmosphère et de température car l’analyse peut s’effectuer aussi bien sous air que sous atmosphère inerte. Ainsi par exemple, la décomposition de protéines de soja ne se fait pas à la même température selon l’atmosphère d’analyse (Vaz, 2002).

1.2.2.2.2.2 Analyse Thermique Différentielle (ATD) et Analyse Enthalpique Différentielle (AED)

L’Analyse Thermique Différentielle et l’Analyse Enthalpique Différentielle sont des techniques calorimétriques différentielles. Elles reposent sur la mesure des variations d’énergie thermique fournie à l’échantillon à analyser, par rapport à un corps inerte témoin, nécessaire pour imposer un programme de température contrôlé. En ATD et en AED, un

gradient de température entre l’échantillon et le témoin, et un gradient de puissance électrique, nécessaire pour maintenir l’échantillon et le témoin à la même température, sont respectivement mesurés. En AED, le gradient de puissance électrique varie linéairement en fonction du temps et ce système est dit à compensation de puissance.

Cette analyse permet d’enregistrer les variations de flux de chaleur en fonction de la température pour un cycle de température appliquée contrôlé (Ma, 1990). Les changements de pente observés sur le thermogramme peuvent correspondre à des réactions de transformation du matériau (réticulation, dégradation, évaporation de plastifiant, etc.), mais aussi aux variations de capacité calorifique au passage des transitions de phase pour chaque constituant du matériau étudié.

Appliquée aux biopolymères, l’AED, qui présente l’avantage d’être relativement sensible, rapide et de ne nécessiter qu’une petite quantité d’échantillon, reste délicate à interpréter. En effet, plusieurs types de transition de phase peuvent se conjuguer en fonction de l’état structural du biopolymère :

• Les transitions du premier ordre correspondent à la fusion des zones cristallines, elles se traduisent par un pic sur le thermogramme, plus ou moins étalé selon la dispersion des tailles de macromolécules, et dont la surface est proportionnelle à l’enthalpie de fusion du constituant. Ces transitions du premier ordre sont souvent inaccessibles dans le cas des biopolymères car elles sont masquées par leur dégradation aux températures où la fusion se produirait.

• Les transitions du second ordre se traduisent par les changements de pente des épaulements observés sur le thermogramme. Elles peuvent indiquer plusieurs phénomènes, dont le principal est la transition vitreuse (Teyssèdre, 1996). Elle correspond à la transition de l’état vitreux des zones amorphes vers un état liquide visqueux, voire caoutchouteux selon la masse moléculaire des macromolécules. La température de transition vitreuse, Tg, n’est pas, à l’inverse de la température de

fusion, une grandeur physico-chimique caractéristique du polymère car elle dépend des histoires mécanique et thermique du matériau. Ces dernières sont susceptibles de modifier l’organisation structurale des zones amorphes, dont on rappelle qu’elles peuvent être considérées comme des états solides métastables. En particulier, la valeur de la température de transition vitreuse est influencée par la vitesse de chauffe, notamment pour les isolats protéiques de tourteau de tournesol (Mériaux, 2005), ou de refroidissement, ce qui impose de bien définir le programme de montée en

température, la vraie Tg étant théoriquement celle mesurée à vitesse de chauffe nulle.

La température de transition vitreuse observée dépend aussi de la composition structurale du matériau, lorsque celui-ci est constitué d’un assemblage de zones amorphes et de zones cristallines, qui peuvent elles-mêmes présenter un ordonnancement plus ou moins proche de la perfection, selon les irrégularités moléculaires et les conditions de cristallisation. Cela est souvent le cas des biopolymères semi-cristallins et des matériaux constitués d’assemblages de biopolymères de même nature, mais de structures moléculaires différentes (hémicelluloses, pectines, protéines, fibres, etc.).

La détermination d’une température de transition vitreuse pour un matériau biopolymère est très importante puisqu’elle permet de définir le domaine de température d’utilisation et de transformation : ainsi à T < Tg, le matériau est dur, rigide et cassant (état vitreux) ; à Tg < T (<

Tf), le matériau est dur mais déformable (ductile). En effet, un biopolymère, à l’instar d’un

polymère synthétique, doit être caoutchoutique, sinon liquide, afin de pouvoir s’écouler dans les outillages de plasturgie (vis de plastification, moules), étape nécessaire à leur mise en forme.

D’autres transitions du premier ou du second ordre, et qui ne correspondent pas respectivement à la fusion et à la transition vitreuse du matériau, peuvent être observée en AED. Elles correspondent à des transitions d’organisations supramoléculaires sous forme d’agrégats vers une organisation plus amorphe, qui peut être réversible ou non. La structure supramolécualire, voire moléculaire de départ est modifié, on pourrait parler le température de déstructuration qui permet le plus souvent un écoulement des biopolymères jusqu’alors figés dans leur structure.

C’est le cas de la déstructuration des granules d’amidon (Roos, 1995; Matzinos, 2002; Stepto, 2003) correspondant à un réarrangement de la liaison hydrogène dans l’assemblage.

C’est aussi le cas de la dénaturation de protéines. Ainsi Gonzalez-Perez a montré qu’il est possible de suivre la dissociation de l’hélianthinine (globuline de tournesol) de sa forme 11S en sa forme 7S (Gonzalez-Perez, 2002). De même, la déstructuration des corpuscules protéiques dans le tourteau de tournesol a pu être corrélée à la dénaturation des globulines (Rouilly, 2001; Rouilly, 2003). Qu’est-ce que cette dénaturation dite thermique des protéines ? Kauzmann la définit comme étant un procédé par lequel l’arrangement spatial des chaînes polypeptidiques est modifié d’un état typique, natif à un arrangement plus désorganisé (Kauzmann, 1959). Cheftel et al. définissent la dénaturation des protéines plus

spécifiquement comme correspondant à n’importe quelle modification de conformation (secondaire, tertiaire ou quaternaire, cf. § 1.3.4) qui n’est pas accompagnée d’une rupture de liaison peptidique dans la structure primaire de la chaîne protéique (Cheftel, 1985). Le pic endothermique observable en Analyse Enthalpique Différentielle mis en évidence par Rouilly (Rouilly, 2001), et qui correspond à une transition de premier ordre, correspondrait à la température de dénaturation selon la définition de Cheftel. Toutefois, et malgré l’observation au microscope électronique à balayage de la désorganisation des corpuscules globulaires protéiques (déstructuration supramoléculaire), la disparition de ce pic endothermique ne donne aucune indication sur le niveau de désorganisation au niveau moléculaire. Ce pic correspond-il seulement à la perte de la structure en agrégat globulaire des globulines de tourteau de tournesol, ou bien indique-t-il une désorganisation plus poussée des structures quaternaire, tertiaire voire secondaire des protéines au sens large ? Au regard de la corrélation de l’analyse enthalpique différentielle avec l’observation au microscope à balayage, nous ne pouvons qu’affirmer que les chaînes protéiques formant des globules voient leur conformation, initialement présente dans le tourteau de tournesol, se modifier, passer à un état sinon fondu du moins caoutchoutique à la température où le maximum du pic endothermique s’observe. Une fois cette température, dite de dénaturation, dépassée, les protéines de tourteau de tournesol s’agrègeraient en une nouvelle structure supramoléculaire pour laquelle ce pic endothermique, cette transition de premier ordre, n’est plus observable (Rouilly, 2003). En effet, lors d’une seconde AED avec les mêmes conditions d’analyse, le pic endothermique n’est plus observable, et ce même après un délai conséquent entre les deux analyses.

Dans la suite de ce manuscrit, la température de dénaturation (Td) des globulines sera

indissociable de la capacité qu’ont les protéines de tourteau de tournesol à acquérir un état quasi fondu permettant leur écoulement.

Notons que la transition vitreuse des protéines de tourteau de tournesol n’a pu être mise en évidence qu’à partir de l’analyse enthalpique différentielle d’isolats protéiques de tourteau de tournesol, et non directement à partir du tourteau. De plus, à des taux d’hydratation de l’ordre de 7 à 10%, la transition vitreuse des protéines est difficilement observable respectivement entre 112 et 77°C (Rouilly, 2001). En effet, l’épaulement du thermogramme correspondant à cette transition de second ordre a une très faible amplitude pour l’isolat protéique de tourteau de tournesol. Cette transition vitreuse est certainement présente mais difficilement observable sur un thermogramme obtenu pour l’AED d’échantillon de tourteau

du fait des nombreux autres constituants et donc des autres phénomènes thermiques qui interviennent à ces températures.

Signalons enfin que l’analyse enthalpique différentielle menée en capsules scellées, qui évitent les pertes de composés volatiles, permet de caractériser l’influence de la présence de plastifiant sur la température de transition vitreuse. C’est en particulier le cas pour l’eau contenue dans les biopolymères, et qui joue le rôle de plastifiant « naturel ». L’étude de l’évolution de la Tg en fonction de la teneur en eau de l’échantillon permet alors de calculer

une valeur de la température de transition vitreuse pour le biopolymère à l’état sec lorsque celle-ci est trop proche des températures de dégradation, par extrapolation directe (estimation) ou à l’aide d’un des nombreux modèles décrits, comme le modèle de Couchman et Karasz (Couchman, 1978) utilisé dans le cas du gluten de blé (Kalichevsky, 1992a; Kalichevsky, 1992b), ou comme le modèle de Gordon et Taylor (Gordon, 1952) utilisé dans le cas de la zéine plastifiée à l’eau (Madeka, 1996).

Dans le cas d’un matériau composite, le couplage de l’AED et de l’ATD permet aussi d’obtenir des estimations quantitatives de la répartition des principaux biopolymères le constituant. Cette méthode a, par exemple, été utilisée dans le cas de matériaux lignocellulosiques. De même, le couplage de l’ATG à l’ATD permet de proposer un mécanisme de dégradation thermique du composite (Beaumont, 1981).

1.2.2.2.2.3 L’Analyse Mécanique Dynamique (AMD)

Cette analyse, aussi appelée Analyse Thermo-Mécanique Dynamique (ATMD), exploite le caractère viscoélastique d’un matériau plastique. En effet, dans le cas de faibles déformations, un matériau polymère peut répondre de trois façons différentes à une sollicitation mécanique extérieure :

− une déformation élastique instantanée impliquant une réversibilité spontanée (emmagasinage d’énergie) ;

− une déformation viscoélastique au cours de laquelle intervient la composante temps, impliquant à la fois de la relaxation (réorganisation moléculaire) et une certaine réversibilité ;

− une déformation visqueuse (dissipation d’énergie) au-dessus de la transition vitreuse, irréversible et variant avec le temps.

Ainsi, en-dessous de la température de transition vitreuse, les polymères amorphes et semi-cristallins ont des comportements du même type : la partie inorganisée gouverne le

comportement de l’ensemble. Au-dessus de cette température, les polymères amorphes ont un comportement de liquide très visqueux, tandis que les semi-cristallins subissent des déformations en détruisant partiellement les zones cristallines. Au voisinage de la transition vitreuse, une sollicitation mécanique, uni-axiale de faible ampleur appliquée de façon sinusoïdale, peut déformer l’échantillon en induisant une réponse instantanée élastique, et en même temps un écoulement visqueux donc non récupérable. Le module mécanique de la réponse à la sollicitation est un module complexe E* avec une partie réelle en phase avec la sollicitation E’, appelé module élastique ou module de conservation, et avec une partie imaginaire en quadrature, E’’, appelé module visqueux ou module de perte ou de dissipation (Carrega, 2000; Ehrenstein., 2000). A fréquence fixée et température variable, un spectre mécanique dynamique peut être tracé. Il représente E’, E’’ et le facteur de perte, soit la tangente de l’angle de perte δ (tanδ = E’’/E’) en fonction de la température. Le maximum de facteur de perte (tanδ) indique une relaxation correspondant à la transition vitreuse.

Plus sensible que l’analyse enthalpique différentielle, du fait des variations bien nettes de tangente δ (pic) et du module de conservation E’ (chute), l’analyse mécanique dynamique permet de bien visualiser non seulement les relaxations que subit le matériau, mais également si celui-ci est bien homogène dans le cas d’un compound par exemple. En effet, par exemple dans le cas d’un mélange d’acide hyaluronique et d’hydroxypropylcellulose, selon les proportions de ces constituants, un ou deux pics de tangente δ peuvent apparaître selon que le mélange est homogène ou non (Dave, 1995). Cette technique est largement utilisée aujourd’hui pour caractériser les biopolymères : amidon (Averous, 2004) ; cellulose, fibre de coton (Wibowo, 2004) ; collagène (Sarti, 1995) ; gluten de maïs (Di Gioia, 1999) ; protéine de soja (Mo, 2003).

Notons que la chute du module élastique et la visualisation d’un pic du facteur de perte correspondent à la relaxation d’un polymère. Dans le cas des biopolymères du tourteau de tournesol, il pourrait s’agir de leur transition vitreuse comme d’une autre transition de type caoutchoutique.

Dans nos travaux, nous avons aussi bien effectué des AMD sur des éprouvettes d’agromatériaux fabriqués à partir de tourteau de tournesol, qu’à partir de matières végétales sous forme de poudre. Ce dernier type d’analyse est original et jusqu’alors peu développé. Nous ne pourrons comparer nos résultats qu’entre eux.

Nous devons également spécifier le choix des conditions d’analyse du tourteau. En effet, comme l’AMD se fait sous un courant d’air , et donc en système ouvert, nous avons fait le

choix d’analyser nos matières et produits à sec afin de nous affranchir du signal correspondant à l’évaporation de l’eau contenu dans le tourteau de tournesol, qui pourrait masquer une transition de premier ordre. Bien évidemment, les caractéristiques mesurées ne correspondent pas directement aux caractéristiques du matériau préparé pour sa mise en forme (20 à 30% d’hydratation) ou à l’équilibre (7 à 10% d’hydratation). Toutefois, les études comparatives des différentes AMD effectués sur les diverses matières et différents agromatériaux restent valables et intéressantes pour la compréhension des phénomènes.