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2 Chapitre : Les constituants du tourteau de tournesol : nature et fonction pour la mise en forme d’objets

2.2 Caractérisation de la composition du tourteau de tournesol

2.3.1 La fraction protéique

2.3.1.1 Composition de la fraction protéique et solubilité

Classiquement, les protéines de matières végétales sont classées en quatre catégories, en fonction de leur solubilité dans différents solvants à température ambiante (classification d’Osborne et Campbell). Les résultats obtenus pour les différents lots de tourteau de tournesol utilisés pour notre étude (Tableau 2.5) montrent que cette classification, relative à l’organisation supramoléculaire des protéines, ne peut s’appliquer de façon totalement satisfaisante. En effet, le tourteau de tournesol étant déjà un produit transformé, ses protéines ont pu subir quelques modifications.

(NTKextrait)/(NTKtourteau) (a) (%) Solvant Classe de protéines (Gueyasuddin, 1970) (1) (Leyris, 1998)(2) TB1 (1995) TB2 (2002) TB3 (2003) NaCl 1M Globulines 56,2 36,6 28,9 29,2 34,4 NaOH, pH 11 Glutélines 17,0 21,5 17,3 25,3 23,2 Eau déminéralisée, pH 6,5 Albumines 22,0 11,7 0,7 0,2 0,2

Ethanol aqueux 70% Prolamines 1,3 3,8 2,1 3,2 3,0

Insolubles - 26,4 51,0 42,1 39,2

Glutélines / Globulines 0,302 0,587 0,599 0,866 0,674

(a) NTK = teneur en azote total déterminée par la méthode de dosage Kjeldahl ; (1) farine déshuilée ; (2) tourteau pailleux industriel

Tableau 2.5 : Comparaison de la répartition des différentes classes de protéines dans les tourteaux industriels de tournesol et dans une farine déshuilée.

En effet, si la faible proportion de prolamines est bien confirmée, la répartition des autres classes de protéines apparaît nettement différente dans nos tourteaux par comparaison avec les données de la bibliographie pour les farines délipidées. Les albumines seraient quasiment absentes, et le rapport glutélines / globulines est nettement supérieur.

De plus, il semblerait que la teneur en protéines ait diminué dans les lots TB2 et TB3, les plus récents (Tableau 2.4). Quelques hypothèses peuvent être émises pour expliquer cette évolution :

ƒ Les acteurs de la filière « huile de tournesol » chercheraient à produire des graines

toujours plus riches en huile, ceci ayant pour avantage de diminuer le tonnage de déchets agricoles (tiges et capitules) et de coproduits agroindustriels (tourteau peu valorisable dans l’alimentation animale). Des études génétiques sont d’ailleurs effectuées dans ce sens afin de déterminer les génotypes de tournesol qui permettent d’obtenir de meilleurs rendements en huile quelles que soient les variations de facteurs externes (Al-Chaarani, 2004). De plus, Roche a montré qu’il existe une relation inversement proportionnelle entre la teneur en protéines et la teneur en huile dans la graine. La pente de la droite représentative de cette relation est plus ou moins importante selon les variétés de tournesol testées (Roche, 2005). Il existe donc un réel déterminisme génotypique concernant la teneur en protéines des graines de tournesol et donc du tourteau.

ƒ Les facteurs externes, tels que les terroirs (Nagaraj, 1990) ou les apports en minéraux,

ont un effet sur la composition des graines de tournesol et notamment une carence en zinc provoque une baisse de la teneur en protéines dans la graine (Khurana, 2001).

ƒ D’autres facteurs externes, tels que la température, liée à la date de semis, ou le

régime hydrique, ont une influence considérable sur la composition de la graine. Un décalage dans la date de semis se traduit par une température moyenne plus élevée en phase post-

florale, et ceci conjugué à un stress hydrique permet d’augmenter la teneur en protéines alors que la teneur en huile diminue. De plus, la teneur du total protéines + huile diminue également. Dans ce cas-là, la graine produit plus d’autres composés tels que des glucides solubles ou non et peut-être des polysaccharides pariétaux au rôle barrière vis-à-vis de l’eau afin de diminuer ses pertes hydriques (Roche, 2005). Les conditions climatiques particulières de ces dernières années ont pu provoquer une modification biochimique de la production de la biomasse en réponse aux stress dus à la canicule et à la sécheresse (2003).

ƒ Enfin, dès les années 1975, des équipes de recherche annonçaient clairement qu’il

était possible d’orienter la production en divers composés biochimiques en jouant sur les croisements de variétés (Ivanov, 1975). Plus récemment, de rares travaux ont montré qu’il est concevable d’utiliser les pools génétiques afin de créer des variétés capables de produire des protéines aux propriétés particulières, comme des albumines riches en méthionine de faible masse moléculaire (Anisimova, 1995; Anisimova, 1998). De plus, aujourd’hui les protéines solubles des graines de tournesol sont utilisées comme marqueurs ou indicateurs de variétés de tournesol (Kumar, 2004; Navhale, 2004).

Bien que ces hypothèses sur les causes de la variabilité de la répartition protéique restent valables, rappelons aussi que le mode de classification en fonction de la solubilité a été remis en cause par certains auteurs, en particulier dans le cas du tournesol. Pour certains, les glutélines seraient assimilables à des globulines rendues insolubles par le traitement d’extraction de l’huile (Gueyasuddin, 1970; Schwenke, 1979). La teneur très élevée de la fraction protéique insoluble dans nos tourteaux industriels TB1, TB2 et TB3 (40 à 50% du total des protéines) corrobore cette hypothèse. Outre l’insolubilisation d’une partie des glutélines, les traitements thermique et mécanique, que subit la graine lors de sa trituration, expliqueraient aussi la faible teneur en albumines.

Ces actions technologiques sur la graine de tournesol expliquent donc aussi la variabilité de la composition de la fraction protéique. Soulignons cependant que l’insolubilisation d’une fraction importante des protéines ne préjuge en rien de leur contribution, en tant que biopolymères, à la formation de la matrice thermoplastique du composite à base de tourteau de tournesol. Par l’étude de l’évolution des protéines de tourteau de tournesol au cours du procédé de fabrication d’objets injectés moulés (§ 4.4), nous chercherons à vérifier qu’elles jouent un rôle essentiel dans la mise en forme de l’agromatériau.

Par ailleurs, rappelons que les travaux réalisés sur les isolats protéiques obtenus par extraction alcaline avec des rendements supérieurs à 60% et isolés par précipitation avec une

pureté en protéines d’environ 90% ont montré que ces extraits protéiques sont effectivement thermoplastiques (Rouilly, 2001; Orliac, 2002a; Rouilly, 2006a).