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Comportement rhéologique en phase fondue du tourteau de tournesol

L’obtention d’un véritable matériau plastique composite nécessitera de réaliser le moulage à une température supérieure à la température d’écoulement du matériau, rendu à l’état caoutchoutique grâce à la présence d’une proportion suffisante d’eau. Or, ces températures d’écoulement de l’état caoutchoutique, voire fondu, conduisant à une phase fluide de biopolymères sont nettement supérieures à la température ambiante, comme le montre l’étude du comportement rhéologique en phase fondue du tourteau de tournesol.

L’écoulement en phase fondue du tourteau de tournesol broyé est étudié dans un capillaire alimenté par une extrudeuse monovis (Partie Expérimentale § 6.5.3). Le tourteau broyé et équilibré au taux d’hydratation choisi est introduit dans l’extrudeuse monovis et porté à l’état fondu sous l’action combinée de la compression exercée par la vis et de la température. La vitesse de rotation de la vis, qui détermine le débit de matière, définit aussi le taux de cisaillement imposé lors de l’écoulement dans le capillaire.

Toute la difficulté d’un tel système de mesure réside dans l’obtention d’un régime stable d’écoulement, et dans le contrôle de l’auto-échauffement du tourteau, induit par les frictions du matériau et de la vis de plastification de l’extrudeuse. Cet effet d’auto-échauffement s’avère particulièrement sensible du fait de la présence d’une forte proportion de fibres lignocellulosiques et du caractère hétérogène du tourteau. Ainsi, à faible taux d’hydratation, inférieur à 15%, qui requerrait des températures supérieures à 145°C pour permettre la dénaturation des protéines (Figure 2.15), l’écoulement du tourteau dans le capillaire n’a pu être obtenu expérimentalement. De même, pour des taux d’hydratation élevés (> 30%), la génération de poches de vapeur d’eau dans le cylindre de plastification et le capillaire perturbe le transport et l’écoulement du mélange.

Par contre à 120°C, le tourteau de tournesol à 25% d’humidité s’écoule parfaitement, dès lors qu’il est soumis à des taux de cisaillement supérieurs à 50s-1 (Figure 2.23). Sa viscosité apparente décroît très rapidement avec l’augmentation de ce taux de cisaillement.

conditions opératoires : capillaire 3-10 (D = 3mm ; L/D = 10) ; températures de l’alimentation au capillaire 60°C / 90°C / 110°C / 110°C ou 60°C / 90°C / 120°C / 120°C ; 8 paliers de mesures avec des vitesse de vis de 30rpm à 200rpm.

Figure 2.23 : Viscosité apparente du tourteau de tournesol (TB3) hydraté à 25% à 110 ou 120°C en fonction du taux de cisaillement.

Cette évolution peut être correctement représentée par la loi-puissance d’Ostwald-de Waele 1 − × = m K γ η &

(§ 1.2.2.2.4) dans la gamme de cisaillement considérée pour l’écoulement capillaire (10 à 1000s-1) (Figure 2.24). A cette teneur en eau du tourteau, la température de 120°C est proche de celle observée pour le pic endothermique mis en évidence par l’analyse AED (Figure 2.15). Une proportion suffisante de biopolymères protéiques dénaturés passe à l’état fondu, et le tourteau se comporte comme un composite associant une phase fibreuse dans une matrice à l’état caoutchoutique proche de la fluidité.

Figure 2.24 : Viscosité apparente du tourteau de tournesol (TB3) hydraté à 25% à 110 ou 120°C en fonction du taux de cisaillement en échelle logarithmique.

La valeur élevée de la consistance K obtenue par extrapolation de la loi-puissance (Tableau 2.12) traduit cependant un fort enchevêtrement des biopolymères, mais le faible indice de pseudoplasticité traduit la forte décroissance de la viscosité du mélange fondu dans une faible gamme de taux de cisaillement (50 à 150s-1). A 110°C, une plus faible proportion de biopolymères serait à l’état caoutchoutique fluide. A cette température le tourteau hydraté à 25% présente une valeur de consistance extrapolée très élevée. Mais le matériau peut néanmoins s’écouler dès lors que le taux de cisaillement atteint des valeurs supérieures à 100s-1, avec un comportement rhéofluidifiant encore plus marqué.

K (Pa.sm) m

TB3_25%MH_110°C 1202818 -0,19 0,9935

TB3_25%MH_120°C 171475 0,10 0,9902

Tableau 2.12 : Consistance (K), indice de pseudoplasticité (m) et coefficient de régression linéaire (R²) issus de l’étude des droites de tendance de la viscosité apparente en fonction du taux de cisaillement à l’échelle logarithmique.

La valeur négative de l’indice de pseudoplasticité (m) indique que le modèle de loi- puissance n’est pas adapté pour un tel comportement aux faibles taux de cisaillement : le très fort enchevêtrement des biopolymères, associé au fait que la proportion de ces derniers à l’état

caoutchoutique est moindre dans le matériau à 110°C, ferait apparaître un seuil de contrainte en deçà duquel l’écoulement du tourteau n’est pas possible.

Ainsi, un excédent d’eau de l’ordre de 15% par rapport à la valeur de 10% d’humidité pour laquelle la totalité de l’eau peut être considérée comme liée aux biopolymères (§ 2.3.5), permet à l’eau d’exercer son rôle plastifiant pour la lubrification des biopolymères. Ces derniers peuvent alors s’écouler. La phase caoutchoutique formée en proportion suffisante s’écoule alors à une température de 110 à 120°C sous une faible contrainte de cisaillement. La viscosité apparente du matériau composite fondu devient inférieure à 1000Pa.s pour des taux de cisaillement supérieurs à 350s-1. Les valeurs de viscosité qui ont pu être mesurées dans cette gamme de gradient de vitesse pour des teneurs en eau de 30%, à 110 et 120°C, sont du même ordre de grandeur : environ 800Pa.s.

2.4 Conclusion

Les résultats de l’ensemble des caractérisations chimiques et physico-chimiques que nous venons de présenter montrent que :

• Le tourteau industriel de tournesol, constitué d’environ 50% d’amandes délipidées et de 50% de coques, peut être considéré comme un mélange hétérogène de :

− 30 à 35% de biopolymères protéiques ;

− 6% de biopolymères de parois cellulaires peu lignifiées (pectine 8,1%, hémicelluloses 2,2%, cellulose 2,6%, lignines 0,9%) ;

− 40% de fibres ligno-cellulosiques fortement lignifiées (hémicelluloses 8,1%, cellulose 21,3%, lignines 8,1%).

• Dans le domaine de stabilité thermique du tourteau, plusieurs de ces biopolymères protéiques et polysaccharidiques peuvent subir une transition de type vitreuse, dont la température est fonction de la teneur en eau, et qui augmente considérablement la composante visqueuse du comportement visco-élastique du mélange.

• Soumis à un taux de cisaillement supérieur à 150s-1

, le mélange peut s’écouler à des températures comprises entre 110 et 120°C pour des taux d’hydratation compris entre 25 et 30%. L’augmentation du taux de cisaillement permet de diminuer considérablement la viscosité du matériau fondu.

La mise en forme du tourteau de tournesol par transformation thermoplastique apparaît donc possible dès que :

− Une proportion suffisante de biopolymères, et en particulier de protéines, peut être mobilisée pour former une matrice continue (déstructuration des assemblages initialement présents dans le tourteau de tournesol), dans laquelle sont dispersées les charges et fibres lignocellulosiques ;

− La proportion de molécules plastifiantes, et en particulier l’eau, peut être maintenue dans les conditions d’application de la contrainte thermo-mécanique, qui permet la mise en forme, à des températures supérieures aux températures de transition des biopolymères, mais inférieures à leur température de dégradation (plastification des biopolymères) ;

− Le taux de cisaillement appliqué lors de la mise en forme est suffisant pour assurer l’écoulement du mélange avec une viscosité compatible avec les pressions requises pour le remplissage des moules.

Le traitement du tourteau de tournesol par extrusion bivis va nous permettre de satisfaire ces différentes contraintes et d’obtenir des granulats d’agromatériau thermoplastique.