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Chapitre 2. Les nanoémulsions de Pickering

2.1 Les nanoémulsions

2.1.2 Propriétés physico-chimiques d’une nanoémulsion

Une émulsion sera toujours plus appréciée si elle possède un aspect visuel et une texture agréable. C’est pour cela que dans ce paragraphe, les propriétés optiques et rhéologiques

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des nanoémulsions seront mises en avant. Les moyens de stabiliser au mieux ce type d’émulsions seront également présentés.

2.1.2.1 Propriétés optiques (apparence)

Les gouttelettes d’une nanoémulsion sont plus fines que la longueur d’onde minimale du spectre visible. Cette propriété lui confère une apparence transparente ou translucide avec une coloration légèrement bleutée à l’œil nu [11]. Pour être exacte, les nanoémulsions peuvent être transparentes, translucides ou turbides. Cela dépend de deux paramètres principaux : la distribution de taille des gouttes, comme il vient d’être dit, mais également la différence d’indice de réfraction entre les phases continue et dispersée [12].

2.1.2.2 Propriétés rhéologiques (texture)

Certains cisaillements d’origine mécanique, ainsi que les propriétés rhéologiques d’une nanoémulsions sont aussi affectés par la taille nanométrique des gouttes d’émulsions. Les nanoémulsions ont la caractéristique d’avoir une viscosité similaire à celle de l’eau, leur donnant un aspect très fluide [1]. Cependant, il est possible de modifier la texture d’une nanoémulsion en la rendant plus consistante. Effectivement, en augmentant la fraction volumique de phase dispersée, la viscosité de l’émulsion augmentera [10]. Cela peut donc se faire en augmentant la concentration en huile, mais également en ajoutant un gélifiant ou un agent épaississant par exemple [6]. Mason et al. [11] ont également démontré que les propriétés rhéologiques d’une nanoémulsion dépendent des interactions ayant lieu entre les gouttelettes d’émulsion. Si les interactions sont répulsives, les propriétés rhéologiques de la nanoémulsion seront semblables à celle d’une émulsion de taille micrométrique, gels élastiques, mais fragiles.

2.1.2.3 Stabilité d’une nanoémulsion

Comme les émulsions, les nanoémulsions sont seulement cinétiquement stables, mais grâce à la petite taille des gouttes, elles ont une stabilité physique beaucoup plus longue.

Les très petites gouttes permettent d’éviter le crémage ou la sédimentation, car le mouvement Brownien est suffisant pour éviter cette séparation produite par les phénomènes de gravité [12]. Le mouvement Brownien est causé par les forces motrices

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entropiques qui gardent les gouttelettes en suspension, pendant de très longues périodes de temps [11]. Mais l’agitation thermique des petites gouttes (mouvement Brownien) peut également augmenter les collisions et améliorer la déformation [13].

De plus, les attractions de Van der Waals sont réduites grâce à la petite taille des gouttes. Le phénomène de floculation est donc diminué. La coalescence est également réduite, car la fluctuation de la surface n’est pas possible. De plus, le film liquide présent entre les gouttes est d’une épaisseur non négligeable, ce qui permet d’éviter l’interruption des films.

Cependant, l’instabilité majeure des nanoémulsions provient du mûrissement d’Ostwald (qui se produit lorsque l’huile présente une solubilité dans le milieu continue). Ce phénomène est détaillé en partie 1.2.3.3.

Avant de rentrer plus dans les détails, il faut savoir que la stabilisation des nanoémulsions dépend du rôle des tensioactifs, de la composition du système et de la distribution de taille des gouttes [4].

Les trois principales déstabilisations ayant lieu dans le cas des nanoémulsions sont les suivantes : le mûrissement d’Ostwald, ainsi que la coalescence et la floculation. Dans ce paragraphe, ne seront détaillés que ces trois phénomènes, appliqués au cas des nanoémulsions. Pour de plus amples informations (générales à toutes les émulsions), se référer à la partie 1.2.3.

9 Mûrissement d’Ostwald

C’est le phénomène de déstabilisation le plus important pour des nanoémulsions. Lors de cette déstabilisation, un grossissement des gouttes d’émulsion se produit. Le système peut alors perdre ses propriétés optiques de transparence.

Théorie LSW

Le mûrissement d’Ostwald est principalement décrit par la théorie LSW formulée par Lifschitz et Slyozov [14] et indépendamment par Wagner [15].

Plusieurs hypothèses sont émises: i. Le transport de masse du composé dispersé est dû à la diffusion moléculaire à travers la phase continue ii. les gouttes de phase dispersée se

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trouvent sous forme sphérique et sont fixes dans l’espace iii. il n’existe pas d’interaction entre les gouttes voisines (i.e. les particules sont séparées d’une distance plus large que leur diamètre) iv. la concentration des espèces dissoutes est constante, exceptée quand adjacente à la bordure des gouttelettes [1] [16].

La théorie LSW prédit alors que la croissance des gouttes au cours du temps est proportionnelle à ࢘ avec ࢘ le rayon critique de la goutte dont la taille ne grossit ou ne réduit pas. Si ”” > ࢘ , alors la goutte grossira au détriment des petites gouttes, tandis que si ”< ࢘ , alors les gouttelettes auront tendance à disparaître [16]. En effet, théoriquement le mûrissement d’Ostwald pourrait aboutir à la condensation de toutes les gouttelettes en une seule goutte (ie. séparation de phase). Cependant, cela n’arrive pas en pratique car la vitesse de croissance diminue lorsque le diamètre de la goutte augmente [1] [12] [16]. Le mûrissement d’Ostwald peut dont être quantitativement évalué par des courbes reliant le rayon au cube de la goutte au cube en fonction du temps (la pente de la courbe représentant la vitesse de mûrissement) :

ࢉሺஶሻכࢽכࢂ࢓כࡰ

࣋כࡾࢀ ቃ כ ࢚ (Eq 11)

avec D le coefficient de diffusion de la phase dispersée dans la phase continue, ᅗ la densité de la phase dispersée, ࢂle volume molaire de la phase dispersée, ࢽ la tension interfaciale et ࢉሺλሻ la solubilité du bulk [12]. Cette relation linéaire indique que l’instabilité de l’émulsion est due au mûrissement d’Ostwald. De plus, en vertu de cette

équation, la vitesse de mûrissement de l’émulsion est directement proportionnelle à la solubilité de l’huile dans la phase aqueuse [17].

Cependant, les hypothèses de cette théorie LSW ne sont pas complètement applicables dans le cas des nanoémulsions. Malgré le fait que les gouttes de nanoémulsions ne sont pas fixes dans l’espace et que des contributions convectives peuvent être très importantes dans le coefficient de diffusion total, deux différents régimes de mûrissement sont détectés pour les nanoémulsions. La vitesse de mûrissement augmente après une période d’induction6 et est dépendant de la fraction volumique des gouttes de nanoémulsion. La

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Le début du phénomène est très lent au départ, voir quasiment impossible à mettre en évidence (période de latence). Après cette période, la vitesse du phénomène (disparition des petites gouttelettes et augmentation

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vitesse de mûrissement (ripening rate) sera plus lente que pour une macroémulsion grâce à l’étroite polydispersité des nanoémulsions. Dans les deux régimes, ࢘ varie linéairement avec le temps [1] [18]. En effet, le fort mouvement Brownien peut induire une diffusion convective qui accélèrera le taux de diffusion, qui aurait été plus lent s’il avait seulement été dû à la diffusion moléculaire [1].

9 Coalescence / Floculation

En effet, la plupart des études sur les nanoémulsions considère uniquement le mûrissement d’Ostwald comme mécanisme de déstabilisation. Cependant, de récentes études prennent en compte maintenant la coalescence et la floculation dans les nanodispersions [19] [20].

La dépendance linéaire en ࢘ en fonction du temps démontre soit un phénomène de mûrissement d’Ostwald comme précisé précédemment, soit un phénomène de coalescence, comme expliqué par Nazarzadeh et al. [21]. Lorsque le diamètre des gouttes diminue, alors il y a uniquement un phénomène de mûrissement d’Ostwald. Quand le diamètre augmente, il peut y avoir un d’une part un mûrissement ou d’autre part coalescence/floculation. La coalescence sera dominante à basse concentration en tensioactifs et le mûrissement dominant à haute concentration en tensioactifs. La coalescence est donc possible dans le cas des nanoémulsions lorsque les gouttes ne sont pas totalement couvertes avec un surfactant [21].

De plus, en fonction du procédé utilisé pour fabriquer les nanoémulsions, il a été remarqué par Nazarzadeh et al. que la déstabilisation n’était pas la même. Si la nanoémulsion est fabriquée par effet Ouzo (détaillé en partie 2.2), alors elle affichera un état passager de coalescence puis un mûrissement d’Ostwald dominant en régime asymptotique en l’absence de tensioactif. Dans le cas d’une inversion de phases (détaillé en partie 1.2.3.4), la nanoémulsion sera plus stable mais montrera tout de même une vulnérabilité vis-à-vis du mûrissement d’Ostwald et une floculation à long terme [21].

de la taille des grosses) ne peut que diminuer car le nombre de petites gouttes diminue et la taille des grosses augemente. Cette vitesse dépend principalement de l’état initial du système.

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2.1.2.4 Moyens techniques pour observer une nanoémulsion

Les méthodes de microscopie optique classique ne sont en général pas des techniques viables pour examiner des nanoémulsions. Même si des microscopes à contraste interférentiel ou à contraste de phases sont utilisés, il est préférable d’utiliser des méthodes plus sophistiquées, comme la microscopie à force atomique, la cryo-microscopie électronique, des méthodes de diffusion de lumière dynamique, de diffusion de neutrons ou encore de diffusion aux rayons X [11].