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Chapitre 3. Les émulsions foisonnées de Pickering

3.1 Les mousses de Pickering

3.1.2 Déstabilisation des mousses

Si l’on compare la durée de vie d’un bain moussant ou d’une mousse de bière à celle d’une mousse laitière alimentaire ou d’une mousse métallique, il est facile de voir que les mousses peuvent être éphémères ou durables. Tout dépend de leur stabilité.

Dans la plupart des cas, les mousses sont des systèmes foisonnés extrêmement fragiles ayant tendance à se déstabiliser facilement lorsque les bulles de gaz entrent en contact les unes des autres, ou lorsqu’elles atteignent la surface du liquide qui est au contact avec l’air libre. Les bulles sphériques d’une mousse humide auront tendance à rapidement évoluer vers une mousse sèche à bulles polyédriques, d’autant plus si la phase aqueuse est peu visqueuse [8].

Les mousses sont donc des systèmes thermodynamiquement instables. Mais elles peuvent être stabilisées à long terme par des tensio-actifs, des polymères, des protéines ou des particules.

Il faut savoir que les principales déstabilisations proviennent des phénomènes de gravité (séparation gravitationnelle : crémage et drainage), de la coalescence, et du disproportionnement expliqués ci-dessous.

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3.1.2.1 Coalescence

La coalescence provient de la fusion de deux bulles voisines suite à la rupture des films minces présents entre les bulles. La vitesse de coalescence croît avec la taille des bulles. Ce phénomène est rarement isolé et est généralement suivi d’une suite de ruptures de films entre toutes les bulles voisines [9].

Cependant, cet évènement peut être diminué en augmentant la rigidité des interfaces [10] [11]. En effet, la coalescence peut être ralentie par la gélification des films des mousses et totalement arrêtée si les films deviennent épais et/ou rigides [12]

3.1.2.2 Disproportionnement

Le disproportionnement est pour les mousses, ce que le mûrissement d’Ostwald est aux émulsions. Les bulles d’une mousse ne sont jamais précisément de la même taille, amenant des différences de pression. La pression à l’intérieur des grosses bulles est plus faible qu’à l’intérieur des petites bulles (loi de Laplace, cf équation 12).

ࢤࡼ ൌ ࢽ כ ቀ

ቁ ൌ

࢓࢕࢟ࢋ࢔כ ࢽ (Eq 12)

avec ΔP la différence de pression entre l’intérieur et l’extérieur de la bulle de gaz (en Pa), γ la tension superficielle (en N.m-1), r1 et r2 les rayons de courbures principaux (en m).

L’importante pression de Laplace au niveau des petites bulles d’air résulte généralement en un rétrécissement des petites bulles de gaz et l’accroissement des grandes [13].

A l’inverse de la coalescence, la vitesse de disproportionnement est plus rapide dans le cas des petites bulles et lorsque le gaz est plus soluble dans l’eau (par exemple le CO2). En effet, les gaz solubles dans l’eau tel que le CO2 donnent des mousses moins stables qu’avec des gaz

moins solubles tels que le N2, car le transport de CO2 à travers les fils d’eau est plus rapide [12]. Le passage du gaz en partance des petites bulles vers les plus grosses amène la déstructuration des systèmes en enceinte fermée. Lorsque le système est en enceinte ouverte, le gaz se dissipe dans l’air environnant en faisant disparaître petit à petit les bulles d’air présentes dans l’échantillon [14].

Afin de réduire ce phénomène, il est donc conseillé d’utiliser des gaz à faible solubilité et d’augmenter le module élastique des interfaces des bulles [15] [16]. Le phénomène sera

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ralenti quand les films présents entre les bulles seront épais et/ou petits, et complètement stoppé quand le module élastique E sera suffisamment grand [12].

3.1.2.3 Crémage

Le crémage est régi par des phénomènes de gravité conduisant à un déplacement des bulles vers le haut qui rejoignent ainsi la surface du liquide à l’air libre. La différence de densité entre la phase continue et la phase dispersée ainsi que la gravité sont des facteurs importants dans cette déstabilisation (loi de Stokes, cf équation 13). Le crémage aboutit à la formation d’une couche concentrée en bulles à la surface [17].

Afin de pallier ce phénomène, il existe plusieurs possibilités décrites plus en détail en partie 3.1.3 Par exemple, un encombrement stérique présent entre les bulles de gaz permet de diminuer la vitesse de crémage [18].

࢜ ൌ ૛כ࢘ૢכࣁכࢍכࢤ࣋ (Eq 13)

avec v la vitesse de crémage (en m.s-1), r le rayon de la bulle de gaz (en m), g l’accélération de la pesanteur (en m.s-2), Δᅗ la différence de masse volumique entre la phase continue et la phase dispersée (en kg.m-3) et ᆇ la viscosité de la phase continue (en Pa.s)

3.1.2.4 Drainage

La capillarité et la gravité sont responsables du phénomène de drainage. En effet, le liquide présent dans le réseau de films entre les bulles d’air tend à s’écouler vers le bas, principalement dans les bords de plateau et les nœuds. Cela contribue à l’amincissement du film interfacial présent entre les bulles et conduit donc à la déstructuration de la mousse. De ce fait, la mousse s’assèche dans sa partie supérieure alors qu’elle devient plus humide dans sa partie inférieure. On observe donc une variation structurale entre la partie supérieure qui revêt les caractéristiques d’une mousse sèche (grandes bulles polyédriques séparées par des films minces pauvres en liquide) et la partie inférieure constituée de bulles sphériques de petites tailles et séparées par des films riches en liquide, donc plus épais. Sauf exception, c’est donc par le haut qu’une mousse se cassera, d’une part en raison de la plus grande fragilité des films, d’autre part car la surface libre est également soumise à l’évaporation.

Augmenter la viscosité de la phase continue permet de réduire le drainage [19]. Une autre technique permettant de contrer le drainage consiste en l’ajout de petites particules telles

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que des agrégats de protéines à la phase liquide. Le film ne pourra ainsi pas s’affiner plus que la taille des particules et limitera ainsi la déstructuration [20]. De plus, le drainage peut être totalement stoppé si le liquide présent dans la mousse gèle ou se solidifie [12].

Figure 24. Sous l’effet de la gravité, le liquide s’écoule entre les bulles de gaz à travers les

bords de plateau et les nœuds (Figure extraite de [9]).