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Partie II : Synthèse de bis-dialkylthiophényléthynyl-carbo-benzène

III. Propriétés optiques

1. Propriétés optiques linéaires

Les effets de la carbo-mérisation peuvent être évalués en comparant les transitions électroniques photoinduites de 22 et 1aq présentées sur la Figure 7. Alors que 22 présente une large bande d'absorption basse et sans structure à 350 nm attribuée à une transition *, 1aq possède des caractéristiques distinctives des carbo-benzènes, 60 dans ce cas particulier, on observe une bande d'absorption fine et intense à 495 nm (pour simplifier la description, cette bande principale est notée M sur la figure 7), un épaulement à 542 nm et une bande secondaire avec un pic à 608 nm (dénommée bande S). L'effet de la substitution par des groupes dialkylthiényléthynyle en position

para dans 1aq est clairement visible en comparaison avec le spectre d'absorption d'un

dialkyl-carbo-benzène précédemment rapporté, 14 dans lequel le système -conjugué est moins étendu (voir Annexes, Figure S3). L'effet global de la substitution par des groupements -conjugués induit un décalage bathochrome d'environ 50 nm des pics M et S accompagné d'un élargissement modéré de la bande M et de la disparition des petits pics entre les deux bandes. La bande d'absorption maximale observée pour 1aq est pratiquement à la même longueur d'onde (495 nm) que celle précédemment rapportée pour le fluorényléthynyl-carbo-benzène 1b, 62 mais avec une réduction d'environ 30% du coefficient d'absorption molaire . Néanmoins,  est passé de 2,8 × 104 M-1 cm-1 pour 22 à 2,25 × 105 M-1 cm-1 pour 1aq en raison de l’expansion du système -conjugué par carbo-mérisation.

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Figure 7. Spectres d'absorption, d'émission et d'excitation pour a) 22 et b) 1aq dans le THF à

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111 | P a g e En général, l'amplitude de  est une référence pour la polarisabilité des molécules organiques aux fréquences optiques (la partie imaginaire de la polarisabilité est proportionnelle à  ).

Le tableau 4 présente les propriétés optiques de macrocycles π-conjugués représentatifs

décrits dans la littérature. Dans ces exemples, le nombre d'électrons π (n) conjugués dans le macrocycle correspondant varie de 18 à 180 et conduit à des coefficients d'absorption molaire généralement compris entre 0,2 et 6,39 × 105 M-1 cm-1, montrant que les valeurs de ε dans les carbo-benzènes sont parmi les plus élevées bien qu'ils ne possèdent que 18 électrons π conjugués dans leur macrocycle. Suivant leur valeur de n, les macrocycles dans le tableau 4 peuvent être qualitativement identifiés par leur caractère aromatique ou antiaromatique en utilisant la règle des [4n + 2] de Hùckel.

Tableau 4. Propriétés comparatives de divers macrocycles π conjugués.

Macrocycle π-conjugué abs (nm) em (nm) (105 M-1 cm-1) n[a] [4n+2] σσ2PA (GM) 2PA/N -e σ2PA/M W max (TPA) (nm) Ref. Thienylène-phenanthrylène 385 495 1.51 Antiaromatique 56 - - 67 Oligofuran based 401 530 1.5 32 Antiaromatique - - 58 BODIPY-phenylacetylène 364 527 0.26 Antiaromatique 32 - - 68 Triangle-shaped aannulene 332 389 - Aromatique 18 11.5 0.64 0.031 372 69 Triangular –[D–π– A]3– 375 469 2.0 Aromatique 66 2 800 42.42 0.85 750 70 Giant expanded oligothiophènes Thiophène[30]mèr e 480 559 6.18 180 Antiaromatique 107 800 598 16.30 710 56,71 Zinc(II) porphyrine 471 - - 18 Aromatique 3 520 195 2.66 1360 72 Hydrocarbon-substitué par métal-free porphyrines 440 660 - 18 Aromatique 42 600 2 366 38.33 800 73 Pentapyrrolic expanded porphyrine 712 716 - 22 Aromatique 2 900 131.8 4.81 1280 74

Chapitre II : Synthèse et étude de carbo-benzènes quadripolaires 112 | P a g e Cyclo[8]pyrrole expanded porphyrine 427 1496 1.2 30 Aromatique 3 030 101 3.12 1600 75 [28]Hexaphyrine expanded porphyrine 567 1036 4.2 28 Antiaromatique 9 890 380 6.77 1200 75 carbo-benzène quadripolaire 496 2.25 Aromatique 18 1 430 83.3 2.12 650 Ce travai l

Les caractéristiques générales des spectres d'absorption des carbo-benzènes sont remarquables, car une bande M fine et intense suivie d'une bande secondaire S d'intensité plus faible, ne sont pas observées dans les spectres d'autres familles de macrocycles π conjugués qui comprennent en général des bandes d'absorption larges et non structurées (voir macrocycles dans le tableau 4), à l'exception des porphyrines dont les spectres présentent les fameuses bandes de Soret (bande B) et bandes Q. 53,55,76 La bande principale des spectres d'absorption des carbo-benzènes substitués de symétrie C2 a été interprétée, 62 comme provenant des combinaisons additives et soustractives d'excitations des deux plus hautes orbitales moléculaires occupées (HOMO-1, HOMO) vers les deux plus basses orbitales moléculaires inoccupées (LUMO, LUMO+1), tel que schématiquement représenté sur la Figure 8. Cette approche évoque le modèle à quatre orbitales de Gouterman développé pour expliquer l'origine des bandes Soret (bande B) et Q des spectres d’absorption des porphyrines. 76

La Figure 7 présente les spectres de photoluminescence (PL) obtenus pour 22 et 1aq sous excitation à leurs principales longueurs d’onde d'absorption, 350 et 497 nm, respectivement. Pour

22, le spectre de PL présente une simple bande avec un décalage de Stokes de 64 nm par rapport à la

bande d’absorption. Pour 1aq, on obtient une bande de PL entre 615 et 630 nm (des effets de filtre interne déforment le spectre).

L'effet de filtre interne se produit inévitablement dans toutes nos mesures de PL et sont dus à la valeur élevée de ε et à la faible luminescence du carbo-benzène 1aq. Malgré cela, les études de PL ont fourni des informations intéressantes sur les transitions électroniques photo-induites se produisant dans les carbo-benzènes.

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113 | P a g e Par exemple, les spectres d'excitation avec une détection de PL à 570 et à 630 nm, les longueurs d’ondes correspondantes aux maxima d'absorption de 1aq, indiquent que les transitions qui correspondent aux bandes M et S du spectre d'absorption contribuent à la PL. Des transitions de décroissance radiative sont observées à des énergies plus élevées que la bande S. De plus, lorsque

1aq est excité à des énergies élevées, par exemple à 430 nm, des décroissances radiatives se

produisent encore à des énergies correspondant au pied de la bande M (voir Fig. S4, Annexes). Cela implique de petits décalages de Stokes, suggérant des changements géométriques mineurs entre les états excité et fondamental, ce qui n'est pas surprenant pour les carbo-benzènes présentant un macrocycle plan et rigide.

De petits déplacements de Stokes sont également observés dans des systèmes -conjugués plans tels que les porphyrines et les porphyrines expansées. 75,77 Il est également intéressant de noter que le spectre de PL de 1aq contient une composante spectrale qui ressemble à l'émission de

22 sous excitation à 350 nm (voir les détails sur la Figure S4, annexes). De façon inattendue, une PL se

produisant directement à partir d'excitations autour de la bande M est en contradiction avec la règle de Kasha, 78 si l’on suppose que de telles excitations conduisent à des états excités quasi-dégénérés S2 (voir Fig. 8 pour le diagramme de Jablonsky proposé pour 1aq par analogie avec le modèle à quatre orbitales de Gouterman). La PL provenant d'états excités élevés (S2 → S0) est un phénomène rare qui est observé le plus souvent pour de petites molécules organiques , 79 bien qu'il ait également été signalé pour des macrocycles tels que le [18]annulène, 46 des macrocycles à base de BODYPI, 68 des métalloporphyrines, 80,81 et théoriquement prédits pour les cyclo[n]thiophènes. 82 Une émission anormale avait également été déjà observée pour un carbo-cyclohexadiène à propriété de dichromisme en solution, 60 qui présentait une bande de PL verte apparaissant entre ses bandes d'absorption bleues et rouges. Cependant, cette bande n'avait alors pas été explicitement identifiée comme correspondant à des décroissances radiatives S2→S0 ni discutée selon la règle de Kasha.

L'interprétation admise pour la PL anormale de molécules organiques est qu'elle peut se produire lorsque l'écart d’énergie ∆E (S2-S1) est suffisamment grand pour réduire le facteur Franck-Condon, 83 ce dernier exprimant l'intégrale de chevauchement des fonctions d'ondes vibrationnelles impliquées dans le processus de conversion interne (CI) entre S2 et S1, vers un niveau à partir duquel les transitions radiatives S2 → S0 sont en compétition avec la CI (S2 → S1). L'azulène, par exemple, est une molécule prototype bien connue qui présente une PL efficace de l’état excité S2 due à un très grand ∆E (S2-S1) ≈ 10 000 cm-1 .79 En comparaison, 1aq a un ∆E significatif (S2-S1) ≈3 673 cm-1.

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114 | P a g e Cette valeur est encore plus grande pour le carbo-mère rapporté dans la réf 60 (∆E (S2-S1) ≈ 6 272 cm-1). Cela suggère que la décroissance de fluorescence S2 → S0 observée pour 1aq pourrait être attribuée à la séparation relativement grande entre les bandes M et S, ce qui diminue dans une certaine mesure l'efficacité de CI entre S2 et S1, augmentant alors la probabilité de relaxer directement de S2 à S0. Il est à noter que la conformation du macrocycle détermine la densité et la forme des niveaux vibroniques, et donc à son tour le facteur Franck-Condon.

Figure 8. Diagramme de Jablonski (gauche) et modèle à quatre orbitales (droite) pour 1aq.

Le carbo-benzène 1aq présente une durée de vie de fluorescence significativement plus longue que sa molécule mère 22. La Figure 9 présente la décroissance de PL de chaque molécule mesurée en utilisant la technique de comptage de photons uniques corrélés dans le temps (TCSPC). Sur cette figure, les lignes pointillées indiquent la réponse de l'instrument et les lignes pleines représentent la durée de vie de 22 (noir) et 1aq (bleu).

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Figure 9. Mesures de temps de vie pour 1aq (ligne bleue) et 22 (ligne noire). À titre de

référence, la fonction de réponse de l'instrument (lignes pointillées) est présentée. Il est à noter que { la durée de vie d’émission de 1aq est 5 fois plus longue que celle mesurée pour 22. La durée de vie a été déterminée à 550 nm avec une excitation à 405 nm.

La durée de vie moyenne obtenue pour 22 est de 1,02 ns, ce qui est très proche de la fonction de réponse de l'instrument, de sorte qu'il est clair que la durée de vie réelle de la fluorescence est sans doute <1 ns. Une durée de vie de fluorescence cinq fois plus longue (5,04 ns) a été mesurée pour 1aq. Avec cette méthode de mesure, aucune dépendance de la durée de vie de PL en fonction de la longueur d'onde n'a été observée, contrairement à ce qui est attendu pour des décroissances radiatives de S2 et S1. Il semble que la résolution temporelle de la technique de mesure utilisée ne permette pas cette discrimination. Une étude plus approfondie par des techniques dont la résolution temporelle est plus élevée sera donc nécessaire.

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