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Propriétés mécaniques des membranes

1.3 Les protéines membranaires

2.1.1 Propriétés mécaniques des membranes

La déformation d'une membrane peut être décomposée en une combinaison linéaire de trois types de déformations élémentaires qui sont de symétries diérentes : (i) Ex-tension / compression qui est isotrope, (ii) cisaillement qui se fait à surface constante, (iii) courbure perpendiculaire au plan de la membrane. Nous allons présenter dans la suite les caractéristiques de ces trois déformations élémentaires.

Fig. 2.1. Diérents modes de déformations d'une membrane : (A) schéma d'une mem-brane plane, (B) Courbure, (C) extension / compression, (D) cisaillement. (D'après [Canham, 1970])

Extension / compression :

Cette déformation correspond à une variation de l'aire de la membrane (plus pré-cisément l'aire par lipide dans une description moléculaire). L'augmentation de l'aire

2.1. Modélisation théorique des membranes lipidiques à l'équilibre 35 correspond à l'extension, sa diminution à la compression. La densité surfacique d'énergie d'une telle déformation pour membrane d'une aire A variant de ∆A s'écrit :

fext= 1 2χ  ∆A A 2 (2.1) où χ est le module de compression qui est de l'ordre de 0, 2 J/m2 pour des mem-branes lipidiques [Evans et Rawicz, 1990, Olbrich et al., 2000]. La variation relative ne peut dépasser 8%, pour une tension limite appelée "tension de lyse". Au delà de cette valeur, on a l'ouverture de pores dans la membrane qui conduisent à sa destruction [Sandre et al., 1999, Rawicz et al., 2000].

Cisaillement :

La densité d'énergie associée au cisaillement de la membrane est obtenue par la loi de Hooke et s'écrit :

fcis= 1 2µ(λ

2+ λ−2− 2) (2.2)

où λ = (L0+ ∆L)/L0 est le taux d'extension latérale et µ le module de cisaillement (en J/m2). La valeur de ce module dépend de l'état d'organisation de la membrane. Il n'est à prendre en compte que pour des membranes en phase cristal liquide ou polymérisées. Il est nul pour les membranes en phase uide car ce type de mem-brane n'oppose aucune force au cisaillement. Cependant, la présence d'un cytosque-lette peut conférer une résistance au cisaillement à des membranes uides. C'est le cas du globule rouge avec la présence du réseau de spectrine sous la membrane plas-mique. Le module de cisaillement du globule rouge a été mesuré par des expériences de micropipettes µ = 6.10−6J/m2 [Mohandas et Evans, 1994], et par pince optique µ = 2, 5 ± 0, 4.10−6J/m2 [Henon et al., 1999].

Courbure :

La courbure d'une membrane peut être décrite par deux courbures principales (c1 =

1

R1, c2 = 1

R2) qui dépendent du référentiel utilisé pour paramétriser la membrane (gure 2.2). On peut s'aranchir de cette dépendance en considérant la courbure moyenne H = c1 + c2 et la courbure gaussienne K = c1.c2 qui sont invariants. D'un point de vu géométrique, ces deux grandeurs sont respectivement la trace et le déterminant du tenseur de courbure, et sont donc invariants quelle que soit la paramétrisation choisie. Il est donc naturel d'exprimer la densité d'énergie associée à la courbure comme une combinaison de ces deux grandeurs [Canham, 1970, Helfrich, 1973a]

fcourb= 1

36 Chapitre 2. Les membranes lipidiques à l'équilibre

Fig. 2.2. Courbures principales pour deux surfaces courbées : (a) cour-bures de même signe, forme ellipsoï-dale. (b) Courbures de signes oppo-sés, forme dite en "selle de cheval". [Girard, 2004]

La membrane est caractérisée par trois paramètres phénoménologiques :

 Module de rigidité de courbure κ : La valeur de ce paramètre dépend du détail moléculaire de la membrane (longueur et exibilité des queues lipidiques, interactions entre têtes polaires, ... etc.) [Rawicz et al., 2000]. Elle varie avec la composition de la membrane et des conditions du milieu extérieur (pH, force ionique, ... etc.). Ce paramètre est de l'ordre de 10−19J pour des membranes lipi-diques. Nous exposerons dans la suite de ce chapitre des méthodes expérimentales qui permettent de le mesurer.

 Module élastique gaussien κG : caractérise l'énergie élastique associée à la courbure intrinsèque (ou gaussienne). Il n'intervient que pour des déformations qui changent la topologie de la membrane (homogène). Ce module a pu être mesuré (κG ∼ 10−19J) en analysant la forme de vésicules montrant une coexistence de phases (section 1.2.3) [Baumgart et al., 2005].

 Courbure spontanée H0 : Ce paramètre caractérise la courbure d'équilibre de la membrane en l'absence de contrainte. Une courbure spontanée non nulle est possible dans le cas d'une dissymétrie entre les deux feuillets de la bicouche (aire, composition, ... etc.)

Le théorème de Gauss-Bonnet [do Carmo, 1976] assure que l'intégrale de la courbure gaussienne sur l'aire d'une vésicule R KdA = 4π(1 − g) est un invariant topologique. Ce terme ne dépend que du genre topologique (g) de la surface considérée : g=0 pour les topologies équivalente à une vésicule sphérique (sans trou), g=1 pour des vésicules en tore (donc avec un trou), ... etc. (gure 2.3).

Ce terme demeure donc constant tant qu'on ne change pas la topologie de la surface étudiée. C'est le cas de la majorité des études faites sur des vésicules. On va donc omettre ce terme dans la suite de notre exposé.

2.1. Modélisation théorique des membranes lipidiques à l'équilibre 37

Fig. 2.3. Vésicules de topologies diérentes de celle d'une vésicule sphérique : (a) vésicule torique de section circulaire (g=1). (b) cyclide de Dupin dont le trou est excentré (g=1). (c) "Vésicule bouton" (g=2). [Michalet, 1994] La tension membranaire

Pour décrire la membrane par un modèle théorique il faut dénir l'hamiltonien H relatif à ce système. C'est ce que nous allons faire dans la section suivante. Mais avant de faire cela, introduisons d'abord le concept de tension membranaire. On peut dé-nir la tension supercielle dans une membrane d'aire A par σ = ∂H

∂A. On obtient que σ = Ka∆A/Aqui représente la contribution enthalpique à la tension. Nous verrons dans la suite de ce chapitre que la membrane est sujette à des uctuations thermiques qui in-troduisent une contribution entropique à la tension. Ce point sera explicité après la pré-sentation de ces uctuations. A part pour des membranes qui sont sous des contraintes latérales élevées qui suppriment les uctuations, la contribution enthalpique à la ten-sion est généralement négligeable. On peut considérer la membrane comme une surface d'aire xe. Dans ce régime on peut introduire un multiplicateur de Lagrange associé à la contrainte d'aire constante. C'est ainsi qu'on dénit la tension membranaire dans ces conditions.