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Les propriétés de liaisons à l'ARN de la nFMRP seraient importantes dans son rôle dans les CB.

3. Caractérisation de la Fragile X Mental Retardation Protein nucléaire (article 1)

4.3. Interprétation des résultats

4.3.4. Les propriétés de liaisons à l'ARN de la nFMRP seraient importantes dans son rôle dans les CB.

La FMRP fut très rapidement caractérisée comme étant une protéine de liaison à l'ARN, et la très grande majorité des études qui ont suivi n'ont fait que renforcer ce fait. Les implications de la FMRP dans la régulation de l'expression des ARNm dans l'appareil de traduction, leur transport à des sites distaux pour expression locale, ou encore leur emprisonnement dans des granules de stress cytoplasmiques mettent toutes en jeu les propriétés de liaison à l'ARN de la protéine . Il n'est donc pas surprenant de découvrir que la fonction de la FMRP dans les CB soit dépendante de sa capacité à lier l'ARN, telle que le met en évidence la mutation ponctuelle I304N.

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L'adressage aux CB semble fonctionnel chez GFP-FMRP-ISO 6I304N, et ce serait la stabilité

de la protéine recombinante dans les CB qui serait affectée. Le FRAP est très révélateur dans ce sens, avec une stabilité bien moindre dans les CB de la protéine mutée, en comparaison avec la protéine sauvage. On retrouve en fait une stabilité similaire à celle obtenue dans le nucléoplasme pour le mutant I304N. Le mutant I304N montre une stabilité faible similaire dans les CB et dans le nucléoplasme. Cela pourrait indiquer que la FMRP mutée n'accomplit pas sa fonction normale dans les CB, probablement par incapacité de lier convenablement les acides nucléiques.

4.4.

Compartimentalisation des sous-populations étudiées de

FMRP.

La leptomycine B fut utilisée comme base pour établir un modèle de travail pour lequel tout porte à croire qu'il est erroné, et c'est pourquoi nous avons tenté de reproduire les expériences présentées par Tamanini et al. (1999), sans succès. Tout d'abord leur protocole semble soit présenter une erreur de dosage de la drogue, soit non reproductible entre nos mains et celles d'autres chercheurs (communication personnelle de Jennifer Darnell à Edward Khandjian). A des concentrations connues pour être efficace de 3,7 nM (Kudo et al., 1998), nous n'avons pu constater aucune accumulation de protéine FMRP ISO 7 ou 1 dans le noyau. D'autre part, la LMB conduisant à la dissolution des CB (Carvalho et al., 1999, Sleeman et al., 2001), nous avons pu constater cet effet, et donc l'efficacité de la drogue. De plus la LMB n'a pas permis d'observer d'augmentation significative du signal nucléaire de FMRP détecté pas l'anticorps C10, mais plutôt une redistribution nucléoplasmique du signal détecté sans traitement dans les CB.

L'inefficacité des traitements à la LMB et les difficultés éprouvées afin de forcer à faire rentrer les isoformes cytoplasmiques de FMRP qui ne sont que très exceptionnellement et épisodiquement observées dans le noyau rendent peu crédible le modèle présenté par Eberhart et al. (1996) (Figure 21, page 88). Le gène FMR1 offre de nombreuses possibilités d'épissage, et nous pensons que la cellule en tire avantage en produisant deux sous populations de FMRP. Une population cytoplasmique, sur laquelle se sont concentrées la majorité des études reliées au X fragile dans les deux dernières décennies, et une population nucléaire, qui fut longtemps recherchée en vain. La raison pour lesquelles ces recherches sont restées presque vaines repose sur l'induction

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en erreur d'un modèle prédisant la rentrée d'une isoforme clairement cytoplasmique dans le noyau, alors que la réponse reposait pourtant sur des travaux présentés dès 1996 par Sittler et al..

Nous avons pu observer au cours de nos travaux que les isoformes 6 et 12, issues de l'épissage alternatif de FMR1, sont adressées aux corps de Cajal via un signal de 17 aa localisé dans une partie du C-terminal subissant un changement de cadre de lecture dû à l'utilisation d'un accepteur distal en exon 15 lors de l'épissage de l'exon 14. D'autre part, les isoformes longues cytoplasmiques de FMRP, à savoir ISO 1 et 7, n'ont pas pu être détectées dans le noyau, mais ont pu être utilisées comme marqueurs dans une série de résultats préliminaires impliquant FMRP dans des granules aux mouvements très dynamiques. Le gène FMR1 est transcrit puis traduit en protéines aux extrémités N-terminales très similaires, mais aux domaines C-terminaux totalement différents du fait de mécanismes d'épissage (Figure 23 A).

Les deux populations de protéines ainsi créées partagent certains points communs, mais sont cependant tout à fait différentes de part leur localisations, et très certainement leurs fonction également. La FMRP cytoplasmique (ISO 1, Figure 23 A) , ou cFMRP est connue pour son association à l'appareil de traduction, tant dans le cytoplasme des cellules que dans les prolongements neuronaux sous forme de granules de transport de l'ARN. Au fil des années, de nombreux partenaires furent décrits comme s'associant à celle-ci. Il est intéressant de noter que les domaines d'association des partenaires protéiques de FMRP se trouvent aux deux extrémités N- terminale et C-terminale. Les partenaires liant la partie C-terminale de FMRP ne sont, à priori, pas des candidats de partenaires pour la nFMRP puisque celle-ci possède un domaine C-terminal complètement différent (ISO 6, Figure 23 A). Il est surprenant de retrouver le domaine d'association de la protéine SMN dans cette partie de la FMRP, la localisation de SMN aux CB étant bien établie (Carvalho et al., 1999, Sleeman et al., 2001, Young et al., 2001, Tapia et al., 2012, Forthmann et al., 2013). A l'inverse, on pourrait s'attendre à ce que les partenaires décrits pour FMRP ISO 1 s'y associant en son extrémité N-terminale soient également capable d'interagir avec FMRP ISO 6 ou 12, puisque cette région est identique entre les deux protéines. Il est d'ailleurs particulièrement intéressant de noter que l'interaction de NUFIP (Nuclear FMRP Interacting Protein 1) avec FMRP fut caractérisée avec l'isoforme 12 de FMRP (Bardoni et al., 1999). NUFIP serait capable de trafic nucléocytoplasmique (Bardoni et al., 2003), et serait impliquée dans la biogénèse des RNPs nucléaires (Boulon et al., 2008).

97 Figure 23 : Modèle de travail.

A) Représentation schématique de la structure la plus complète des FMRP cytoplasmiques (cFMRP) et nucléaires (nFMRP). B) Représentation schématique de notre modèle de travail proposant l'existence de deux sous-population de FMRP, à savoir la nFMRP et la cFMRP, la première se cantonnant au noyau dans les CB, et la seconde étant associée à l'appareil de traduction aussi bien dans le soma que dans les GT et les sites distaux de traduction locale.

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D'après notre modèle (Figure 23 B), on distinguerait deux populations de FMRP, à savoir la nFMRP et la cFMRP. D'après nos observations, la nFMRP serait exclusivement nucléaire, mais il est tout à fait possible qu'elle lie un partenaire avant même son adressage aux CB, mais ceci ne reste qu'une hypothèse nécessitant des travaux futurs. La nFMRP conservant ses propriétés de RBP même après clivage, celle-ci pourrait avoir un rôle dans le contrôle nucléaire post-transcriptionnel des ARN. La mutation I304N supporte tout à fait cette hypothèse, puisque son introduction dans la séquence de FMRP ISO 6 altère fortement sa stabilité dans les CB. Cependant, n'ayant pas encore d'information concrète sur le rôle de la nFMRP, on ne pas écarter qu'elle puisse être impliquée dans diverses fonctions associées aux CB, telles que la transcription des histones, l'assemblage et la maturation de complexes RNPs incluant les snRNPs, les snoRNPs ou encore les RNP de télomérase (Gall, 2000, Cioce and Lamond, 2005, Hebert, 2010, Nizami et al., 2010, Broome and Hebert, 2013).

Tout semble indiquer que la cFMRP reste dans le cytoplasme, et n'est pas impliquée dans un trafic nucléocytoplasmique tel que longtemps avancé et repris très largement dans la littérature. Lors des expériences sur la FMRP endogène, nous avons pu montrer que la FMRP pleine longueur retrouvée lors d'enrichissement nucléaires n'était autre qu'une contamination (Figure 12, page 50). La cFMRP se retrouve de façon très concentrée en périphérie du noyau. Ceci pourrait s'expliquer par une prise en charge des pre-RNPs dès leur sortie du noyau afin de leur servir de chaperon pour les conduire à l'appareil de traduction (Figure 23). A partir de là, dans les neurones, certains polysomes en pause se replieraient sur eux-mêmes pour former les granules de transport de l'ARN. Ces granules, observés en microscopie en temps réel (Figure 5), constituent des structures dynamiques capables de voyager jusqu'aux extrémités des neurones (Figure 6) afin de permettre l'existence d'une traduction locale après activation des synapse, et leurs permettant de s'adapter via les mécanismes de LTP. Le rôle de l'existence d'un mécanisme de formation de cargos de granules est flou, mais celui-ci pourrait permettre l'optimisation de l'utilisation de moteurs moléculaires tels que Kif3C dans le cas de FMRP (Davidovic et al., 2007).