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3. Caractérisation de la Fragile X Mental Retardation Protein nucléaire (article 1)

4.1. La FMRP nucléaire, 20 ans de flou

La protéine de liaison a l'ARN FMRP est connue depuis maintenant 20 ans (Devys et al., 1993, Siomi et al., 1993, Verheij et al., 1993). Dès les premiers travaux, la protéine fut définie comme une protéine dont l'ARN serait sujette à l'épissage alternatif (Ashley et al., 1993, Verkerk et al., 1993), et capable de lier l'ARN (Siomi et al., 1993). La communauté du X Fragile se questionnait alors déjà sur la population d'ARN messagers liés spécifiquement par la protéine, suggérant que la clef du FXS pourrait bien se trouver dans l'identification des ARNm déstabilisés par l'absence de la FMRP. Dès les débuts également, la présence de FMRP dans le noyau fut rapportée (Verheij et al., 1993), bien que cette observation restera unique. Les auteurs avaient alors utilisé des coupes d'œsophage de souris adultes afin de réaliser des immunofluorescences via leur propre anticorps polyclonal de lapin 765. Certaines cellules de l'épithélium pavimenteux stratifié présentaient un "intense signal nucléaire", mais ces données ne furent jamais confirmées par la suite.

Les isoformes nucléaires de FMRP n'ont été étudiées que dans un seul et unique travail, qui permit de déterminer l'importance de la présence de l'exon 14 dans la séquence de la FMRP pour sa localisation cytoplasmique (Sittler et al., 1996). Ces travaux ne furent que peu suivis, et les isoformes nucléaires furent délaissées, sans doutes du fait de la difficulté de prouver leur existence dans la cellule, et à cause de l'intérêt sans cesse grandissant d'identifier la population d'ARNm liés par les isoformes cytoplasmiques de FMRP. Se basant sur la détection de signaux dans le noyau vus en microscopie électronique lors d'analyses par immunocytochimies à l'aide d'anticorps secondaires couplés à des billes d'or, Feng et al. (1997), affirmaient que FMRP prenait part à un trafic nucléocytoplasmique au cours duquel FMRP rentrerait dans le noyau afin d'y assembler des RNP, et en ressortirait, exportant ainsi une sous-population d'ARNm spécifique à FMRP (Figure

21, tirée de Eberhart et al. (1996)). Bien que séduisant, le modèle de travail envisagé par les auteurs

se basait sur la présence des signaux NLS et NES, ainsi que sur la détection, jamais prouvée, de FMRP dans les noyaux. L'anticorps utilisé par Feng et al. (1997) n'était autre que l'anticorps mAb1C3, aussi connu sous le nom de mAb1a (Devys et al., 1993), capable de détecter toutes les isoformes de FMRP, la région de son épitope (aa 66 à 112) en région N-terminale étant conservée dans les 12 isoformes déduites de FMRP. Il n'est donc pas possible de savoir quelle isoforme était

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ainsi détectée, et encore moins de savoir si effectivement la protéine FMRP pénétrant dans le noyau allait effectivement en ressortir en exportant un ARNm.

Deux ans plus tard, Tamanini et al. (1999) utilisaient la LMB afin de tenter de montrer une accumulation de la FMRP dans le noyau des cellules lorsque l'exportation via l'exportine 1 est inhibé. Ces travaux peu concluant furent réalisés dans des conditions extrêmes, basés sur l'utilisation des cellules 48 heures après transfections, suivies d'un traitement LMB de 24 heures à concentrations létales de la drogue, du moins entre nos mains. L'article de Tamanini et al. (1999) ne fit que maintenir le flou sur le modèle du trafic nucléocytoplasmique de la FMRP, qui n'était alors basé que sur de faibles évidences, et fut néanmoins un point de départ dix ans plus tard, pour Kim et al. (2009), qui se risquèrent dans l'étude des isoformes classiques de la FMRP (ISO 1 et ISO 7, décrites dans cette thèse comme les isoformes cytoplasmiques) dans le noyau.

Figure 21 : Modèle du trafic nucléo-cytoplasmique.

Représentation schématique du fonctionnement d'un éventuel système de trafic nucléocytplasmique de FMRP dans les cellules. FMRP entrerait dans le noyau via son NLS, formerait des RNPs, et ressortirait du noyau via son NES pour rejoindre l'appareil de traduction (Eberhart et al., 1996)

Non seulement la FMRP n'est pas détectable dans le noyau par des techniques d'immunofluorescence avec les anticorps alors disponibles, mais elle ne l'est pas non plus par l'utilisation des transfections. Afin d'analyser les implications de la FMRP dans un phénomène

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d'exportation des ARN depuis le noyau, Kim et al. (2009), qui ne parvenaient qu'à obtenir 0.4% de cellules transfectées présentant un signal nucléaire lors d'importante surexpression de la protéine, ont opté pour la modification de la FMRP, afin de la rendre plus propice à son étude dans le noyau. Ils ont ainsi retiré le NES de la séquence. Ceci n'étant pas suffisant, avec encore 61% des cellules présentant un signal exclusivement cytoplasmique, les auteurs ont de surcroit ajouté un puissant signal d'adressage nucléaire du virus SV40 à la séquence de la protéine exprimée. C'est sur cette chimère, amputée de son NES, et présentant un signal nucléaire dans 67% des cellules la surexprimant que les auteurs ont basé leurs travaux, tentant désespérément d'associer la FMRP au trafic nucléocytoplasmique accepté par beaucoup dans le domaine du FXS. Il a tout de même pû être montré que la construction utilisée était capable de lier l'ARN dans le noyau, de même qu'elle était capable de lier le système d'export Tap/ NXF1. L'utilisation exclusive d'une protéine recombinante couplée au puissance signal d'adressage nucléaire tout au long des travaux soulève cependant la question de la pertinence physiologique des résultats obtenus par les auteurs de l'étude.

La travaux récemment publiés par Brackett et al. (2013) ont apporté des éléments qui permettront en plus de nos travaux, nous l'espérons, de relancer l'intérêt sur les isoformes nucléoplasmiques, ce qui permettra de lever le flou persistant sur l'existence ou non d'un trafic nucléocytoplasmique de RNP impliquant FMRP.