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2. FMRP dans les granules de transport de l'ARN

2.1. Dynamique des granules en microscopie en temps réel

Les granules neuronaux de transport de l'ARN permettent l'export des ARNm du soma vers les sites distaux de traduction locale tels les synapses et les cônes de croissance. L'export de ces ARNm participe à la plasticité des neurones, qui peuvent ainsi traduire les protéines directement aux synapses lorsque besoin est, comme lors de stimulations (Figure 4). Comprendre le comportement des granules en microscopie en temps réel ouvrira des pistes de recherche sur les implications de l'export des ARNm dans les mécanismes de plasticité neuronale, essentielle au bon développement et fonctionnement des tissus neuronaux.

La transfection est un outil très utile dans l'étude des protéines, tout particulièrement pour leur suivi par imagerie. Cependant, cette approche représente certains défis. Les protéines endogènes normalement exprimées dans la cellule le sont à un niveau précis, régulé par divers mécanismes de contrôle de la transcription et de la traduction. Lorsque l'on transfecte des cellules en utilisant un plasmide, le contrôle de l'expression de son insert d'ADNc est, dans la majorité des cas, assuré par un promoteur SV40 ou encore CMV, tous deux très forts. De plus, de nombreuses copies du plasmide rentrent dans les cellules en même temps, et autant de plasmides s'expriment. La FMRP étant une protéine de liaison à l'ARN, sa surexpression conduit à l'apparition de granules de surexpression qui paralysent l'appareil de traduction de la cellule (Mazroui et al., 2002) et empêche l'étude de la cellule dans son état physiologique.

Du fait de ces inconvénients récurrents, le comportement de la FMRP dans les granules de transport fut peu étudié, et ce dans des conditions loin d'être idéales, avec des granules de transport peu différenciables de granules nocifs de surexpression. Afin de pallier ce problème, nous avons développé deux vecteurs adénoviraux exprimant la protéine FMRP dont l'expression de la GFP- cDNA (FMR1), est contrôlé respectivement par deux promoteurs différents. Le premier utilisant un promoteur CBA (Chicken β Actin), permettant une expression ubiquitaire, le second utilisant un promoteur Synapsine, faible et neurospécifique. L'avantage de la technique se révéla malheureusement être également son inconvénient. L'efficacité redoutable des adénovirus, avec des taux d'infection proches du 100%, même pour des cellules post-mitotiques comme les neurones, souleva d'importantes difficultés imprévues au niveau des techniques d'imagerie. Le signal GFP en abondance dans la quasi totalité des neurones, avec les neurites s'entrecroisant,

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rendait difficile non seulement le travail d'imagerie, mais aussi la compréhension des données obtenues.

En raison des difficultés techniques éprouvées avec les adénovirus, nous sommes revenus aux transfections, peu efficaces dans les neurones, ce qui permet d'avoir des cellules exprimant la protéine recombinante isolées les unes des autres. Afin de minimiser les problèmes causés par la surexpression, nous avons réduit les quantités d'ADN utilisées au minimum permettant encore l'observation de la GFP, mais avant que ceci ne crée l'apparition de granules de surexpression.

Figure 5 : Oscillations des granules neuronaux de transport de l'ARN.

Des neurones de 5 DIV exprimant GFP FMRP ISO 7 furent imagés en temps réel à raison d'une image toutes les 5 secondes. Les images furent déconvoluées à l'aide du logiciel Métamorph.

Les expériences furent réalisées chez différents âges de neurones d'hippocampe de rat en culture allant de 5 jours de culture in vitro (DIV) à 15. Les neurones matures, à 15 DIV, semblent présenter peu de mouvements de GT, tandis que les plus jeunes, à 5 DIV, sont très actifs (Figure

5). Les mêmes granules purent être observés pendant qu'ils effectuaient des mouvements saltatoires

aussi bien antérogrades que rétrogrades, ou encore faire des pauses. Nous pensons cependant que les mouvements rétrogrades observés faisaient plus partie d'oscillations que de réels mouvements rétrogrades qui atteindraient éventuellement le soma (Figure 5). Ces oscillations pourraient avoir pour but d'attendre un signal afin d'entrer dans une synapse, et d'utiliser le chargement des granules

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de transport (Figure 4). Les différences observées entre les âges des neurones pourraient provenir soit de la densification du réseau d'actine qui compliquerait le passage des granules, soit d'une grande importance des granules de transport au moment de la croissance des neurones et de l'établissement des synapses, besoin qui diminuerait par la suite.

Figure 6: Les granules de transport FMRP positifs voyagent jusqu'au cône de croissance.

Des neurones de 5 DIV furent co-transfectés avec mRuby lifeact, un marqueur de l'actine filamenteuse, et un vecteur codant pour GFP FMRP ISO 7. Les neurones furent imagés en temps réel à raison d'une image dans chaque longueur d'onde toutes les 5 secondes. Ici un arrêt sur image.

Les GT voyagent jusqu'aux extrémités des neurones pour se rendre aux cônes de croissances (GT n°1 et 2, Figure 6). Nous ne savons cependant pas ce qu'il advient des GT une fois utilisés. Les GT pourraient être dégradés sur place dans des systèmes de dégradation locale (Verma et al., 2005, Frampton et al., 2012). Il est expérimentalement difficile de prouver cette théories. En effet, lorsqu'on l'image un GT visible grâce à la GFP fusionnée à FMRP et que son signal s'amenuise ou disparait (GT 3, Figure 6), plusieurs artéfacts expérimentaux pourraient intervenir tels qu'une sortie du granule de la zone de mise au point, ou encore un photoblanchiment progressif de la GFP.

Lors des observations réalisées en temps réel sur les neurones, nous avons pu constater que dans les neurones les plus dynamiques, certains granules de transport avaient tendance à se regrouper pour former des cargos. La fusion de ces granules, bien que difficile à caractériser, pût être observée clairement, comme en Figure 7 A, où différentes fusions se produisent les unes après les autres.

30 Figure 7 : Fusion des GT en cargos.

A) Des neurones de 5 DIV exprimant GFP FMRP ISO 7 furent imagés en temps réel à raison d'une image toutes les 5 secondes. Une série d'images est présentée à des temps déterminés. Ces images furent déconvoluées à l'aide du logiciel Métamorph. B) Quantification de l'intensité des GT en comparaison avec les cargos formés. On peut constater une augmentation du signal des GT après formation de cargos.

L'intensité du signal de la GFP détecté dans les granules, puis des cargos formés, furent quantifiées, et nous avons pu constater que les intensités des signaux GFP augmentent après fusion des GT (Figure 7 B). Le cargo ainsi formé conserve sa mobilité, et poursuit son trajet (19:50,

Figure 7). Les implications de la formation de tels cargos sont floues. Ceci pourrait permettre

l'acheminement conjoint de différents ARN dont le besoin pourrait être simultané à la synapse, comme ceux requis lors de potentialisations à long terme. Il n'est pour l'instant pas possible d'écarter complètement la possibilité que les observations de formation de cargos constituent un artéfact de la surexpression de FMRP. En effet, des granules dont la composition en protéines de liaison à l'ARN est forte en FMRP pourraient avoir un potentiel d'agrégation plus fort, de par les

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propriétés agrégantes de la FMRP (Sjekloca et al., 2009, Sjekloca et al., 2011). Même si tel était le cas, il est possible que la surexpression de la FMRP ne fasse qu'exacerber un mécanisme endogène préexistant. La formation des cargos pourrait ainsi être basée sur les affinités des RBP présentes dans les granules les unes pour les autres.

2.2.

Les granules neuronaux de transport de l'ARN présentent