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PARTIE 2 : LES PHOSPHOLIPASES A2

3. Propriétés des phospholipases A2 sécrétées

3.1. Propriétés enzymatiques relatives aux substrats

L’activité catalytique des sPLA2 est strictement dépendante du calcium, elles possèdent toutes un site actif composé d’un site de liaison au calcium et d’une dyade catalytique. Cependant, l’interaction de chaque sPLA2 avec son substrat se fait par un domaine distinct du site catalytique appelé domaine de liaison interfaciale, ou i-domaine, surface plane de la protéine composée d’environ 20 acides aminés et de surface environ 1500 Å2

(Figure 9). Les acides aminés constituant le i-domaine sont différents d’une enzyme à l’autre, et sa charge électrique globale peut être neutre, acide ou basique. Les interactions électrostatiques entre le i-domaine de la protéine et le substrat agrégé déterminent la force d’interaction entre une sPLA2 et son substrat. De ce fait, les sPLA2 ont des préférences de substrat différentes : la sPLA2 de groupe IIA a une forte affinité pour les surfaces phospholipidiques (substratum) chargées négativement, riches en phospholipides tels que le PG, la PS ou la PE, alors que les sPLA2 de groupes III, V et X ont une bonne affinité pour les surfaces neutres (zwittérioniques, chargées en PC) ou les surfaces anioniques. Par ailleurs, certaines sPLA2 peuvent aussi avoir des préférences vis-à-vis de la chaîne carbonée des acides gras en position sn-2 du glycérol. Par exemple, la sPLA2 de groupe V hydrolyse préférentiellement les phospholipides contenant des acides gras saturés (comme l’acide palmitique (C16 :0)) ou à faible degré d’insaturation (comme l’acide oléique (C18 :1)), et la sPLA2 de groupe X hydrolyse préférentiellement les phospholipides riches en acides gras polyinsaturés (comme l’AA (C20 :4) ou le DHA (C22 :6)) (Guillaume et al., 2015; Murakami et al., 2003; Pruzanski et al., 2005). Les sPLA2 des groupes IB, IIA et III n’ont pas de préférence quant au type d’acide gras présent en position sn-2 du glycérol.

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FIGURE 9:REPRESENTATION DU CYCLE CATALYTIQUE D'UNE SPLA2.

(A) association de l’enzyme à la membrane sur le i-domaine. (B) Extraction et positionnement d’une seule molécule de phospholipide dans le site catalytique. (C) Hydrolyse de la liaison ester en position sn-2 du phospholipide. (D) Diffusion des produits dans la membrane. E : enzyme ; M: membrane ; ES : enzyme-substrat ; EP : enzyme-produit. D’après Varnavas et al.,

(2014) « Membranes serve as allosteric activators of phospholipase A2, enabling it to extract, bind, and hydrolyze phospholipid substrates », PNAS.

3.2. Les récepteurs des phospholipases A2 sécrétées

En plus d’agir par hydrolyse des phospholipides, les sPLA2 peuvent être biologiquement actives via leur fixation à un récepteur.

3.2.1. Les récepteurs de type N et M

Historiquement, deux types de récepteurs ont été identifiés grâce aux sPLA2 issues de venins animaux, notamment la neurotoxine OS2 du venin du serpent taïpan Oxyuranus scutellatus scutellatus (Lambeau et al., 1989; Lambeau and Lazdunski, 1999; Lambeau et al., 1990) : les récepteurs de type N (« neuronal ») et de type M (« muscle »).

Le récepteur de type N a été identifié à l’origine dans le cerveau du rat (Lambeau et al., 1989), avant d’être

observé dans le cœur, le foie, les poumons et les reins. Plusieurs sPLA2 de venins, comme la sPLA2 de venin d’abeille (sPLA2 de type groupe III), sont capables de se lier à ce récepteur avec une haute affinité, suggérant qu’il pourrait avoir un rôle dans les effets neurotoxiques de ces sPLA2 (Lambeau et al., 1989). Ce récepteur n’ayant pas été cloné, sa structure, son(ses) ligand(s) naturel(s) et son(ses) rôle(s) physiologique(s) sont de ce fait inconnu(s).

Le récepteur de type M (aussi nommé PLA2R1) a d’abord été identifié dans une culture de cellules de

muscle squelettique de lapin (Lambeau et al., 1991; Lambeau et al., 1990), avant d’être retrouvé abondamment dans les reins de l’Homme, et en plus faible quantité dans le placenta, les poumons et le muscle squelettique

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(Ancian et al., 1995). En fonction des espèces, la distribution tissulaire de ce récepteur est variable. Par exemple, chez la souris, on le retrouve majoritairement dans les reins, les poumons, le côlon et les glandes salivaires, tandis qu’il est présent à plus faible niveau dans le cœur et le foie (Cupillard et al., 1999). Le récepteur de type M est également présent à la surface de certains types cellulaires comme les fibroblastes, les kératinocytes, les mélanocytes, les cellules musculaires lisses, les cellules endothéliales, les macrophages, les PNN et les podocytes (Augert et al., 2009; Cupillard et al., 1997; Granata et al., 2005; Hanasaki and Arita, 2002; Rys-Sikora et al., 2000; Scott et al., 2006; Silliman et al., 2002).

Ce récepteur, de masse moléculaire de 180 kDa, appartient à la famille des lectines de type C, et lie différentes sPLA2 de type « conventionnelle » avec des affinités distinctes (Rouault et al., 2007). Il existe sous forme de protéine transmembranaire, contenant une longue région extracellulaire comportant 10 domaines distincts et un court domaine cytoplasmique, ou sous forme de protéine soluble, produite par épissage alternatif ou par excrétion du récepteur lié à la membrane (Ancian et al., 1995; Ishizaki et al., 1994; Lambeau et al., 1994). La liaison des sPLA2 au récepteur entraîne l’inhibition de leur activité catalytique. Les sPLA2 de groupe IB et X se lient fortement au récepteur, contrairement à la sPLA2 de venin d’abeille, de groupe III.

Il a été proposé que le récepteur M pourrait agir de 3 manières différentes : (1) comme un récepteur de clairance en inactivant les sPLA2 (Ancian et al., 1995; Zvaritch et al., 1996), (2) comme un transducteur de signaux dépendants des sPLA2 mais ne faisant pas intervenir leur activité enzymatique (Hanasaki and Arita, 2002) ; et (3) comme un récepteur pléïotropique pouvant lier alternativement d’autres ligands que les sPLA2 (Ancian et al., 1995; Rouault et al., 2007).

Enfin, il est important de noter que le récepteur M a été récemment impliqué dans deux maladies chez l’Homme. Dans le cancer, où il aurait un rôle antitumoral lié à sa capacité à induire la sénescence et/ou l’entrée en apoptose des cellules cancéreuses ou pré-cancéreuses, et dans la glomérulonéphrite extra-membraneuse idiopathique, maladie rénale auto-immune où une population d’auto-anticorps dirigés contre PLA2R1 a été identifiée. PLA2R1 est fortement exprimé à la surface des podocytes du rein chez l’Homme, et la fixation des auto-anticorps serait susceptible d’entraîner un dysfonctionnement rénal (Beck et al., 2009; Girard et al., 2014).

3.2.2. Autres ligands des sPLA2

Les sPLA2 des groupes II, III et V sont capables de se lier aux protéoglycanes à héparane sulfate (HSPG), ce qui leur permet d’être à proximité de la membrane cellulaire. La liaison des sPLA2 aux HSPG, comme au récepteur M, peut entraîner l’internalisation de l’enzyme par la cellule par un mécanisme d’endocytose. D’autres molécules susceptibles de se lier aux sPLA2 ont été identifiées assez récemment, mais leur rôle éventuel reste à déterminer (Sribar and Krizaj, 2011).

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