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Ces perspectives touchent principalement à l’élucidation des mécanismes cellulaires et moléculaires mis en jeu dans l’activité anti-Plasmodium de la hGIIA. Pour pouvoir orienter de futures recherches, il faut d’abord savoir si l’activité catalytique de l’enzyme est engagée dans le processus anti-parasitaire. L’injection de la forme mutée catalytiquement inactive de la hGIIA (hGIIA H48Q) à des souris WT infectées, devrait permettre de répondre à cette question. Si l’enzyme mutée n’induit pas de baisse de parasitémie, l’hypothèse d’un mécanisme faisant intervenir l’hydrolyse d’un substrat phospholipidique sera privilégiée. Au contraire, si l’enzyme mutée induit une baisse de parasitémie, c’est l’hypothèse impliquant le couplage de la hGIIA à un récepteur cellulaire qui sera étudiée.

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Mécanisme impliquant l’hydrolyse d’un substrat phospholipidique :

Dans le cas où l’activité catalytique serait impliquée, plusieurs volets de recherche pourront être envisagés, tels que 1) l’identification du (ou des) substrat(s) potentiel(s) de l’enzyme ; 2) l’identification du (ou des) produit(s) d’hydrolyse actif(s) dans le contrôle du développement parasitaire ; 3) l’identification des cellules-cibles des produits d’hydrolyse, cellules effectrices de l’effet anti-Plasmodium (cellule phagocytaire ou cytotoxique), ou, plus directement, GR parasité.

Nous avons montré que l’effet antiparasitaire de la hGIIA exogène ne se manifeste que tardivement, aux alentours du pic de crise. Par analogie avec l’effet anti-Plasmodium de la hGIIA observé in vitro en présence de lipoprotéines oxydées (Annexe 1), nous avons supposé que les lipoprotéines oxydées pouvaient être substrat de la hGIIA in vivo et médier l’effet anti-parasitaire. Nous avons donc, d’une part, cherché chez les souris infectées si le niveau d’oxydation lipidique du plasma augmentait au cours de l’infection, et d’autre part testé la capacité de liposomes anioniques chargés en AA à amplifier la baisse de parasitémie chez les souris Tg+ infectées. Aucune de ces expériences n’ayant été concluante, nous prévoyons de les modifier/améliorer de la façon suivante : 1) la mesure des TBARS sera faite à partir de lipoprotéines purifiées plutôt qu’à partir de plasma, de façon à optimiser les capacités du test ; 2) l’expérience d’injection de substrat sera reprise en utilisant des lipoprotéines purifiées à partir de plasma de souris plutôt que des liposomes. Ajouté à la pertinence biologique de ce type de substrat, cela permettra de comparer les effets sur la parasitémie de lipoprotéines purifiées à partir de plasma prélevé à J0 (non oxydées), J8 p.i (potentiellement non oxydées) et à J14 p.i. (potentiellement oxydées), lorsqu‘elles sont injectées à des souris Tg+ infectées.

La recherche des substrats potentiels de l’enzyme pourrait être élargie aux micro-vésicules extracellulaires (EV) circulantes, dont la production est amplifiée au cours de l’infection chez l’Homme et la souris. Plasmodium, comme d’autres parasites et comme les cellules de l’hôte, a la capacité de sécréter des EV, qui peuvent jouer un rôle dans la multiplication et la transmission du parasite, et moduler la réponse immunitaire de l’hôte (Mantel and Marti, 2014). Certaines EV, riches en phospholipides anioniques, pourraient être des subtrats de la hGIIA, et à ce titre intervenir dans le développement du parasite chez la souris Tg+.

Afin d’identifier les molécules actives dans le mécanisme de contrôle parasitaire, une analyse lipidomique du plasma par spectrométrie de masse (Quehenberger et al., 2010) pourrait permettre de vérifier si la quantité d’acides gras et de lysoPL circulants augmente au cours de l’infection chez les souris Tg+. Par cette technique, les lipides pourraient, de plus, être identifiés, ce qui permettrait dans un second temps d’utiliser les molécules commerciales pour tester leur effet inhibiteur vis-à-vis du développement de P. falciparum en culture in vitro. Les mêmes lipides pourraient être testés pour leur capacité à activer des cultures primaires de leucocytes de souris, en particulier les lymphocytes et les monocytes. La caractérisation des cellules et de leur niveau d’activation pourrait se faire par immuno-cytofluorométrie en flux.

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Mécanisme impliquant la liaison de la hGIIA à un récepteur cellulaire :

Des publications récentes ont rapporté que la hGIIA ne se fixerait pas au récepteur M sur les leucocytes, mais aux intégrines v3, 41 et v1, La fixation entraîne l’activation des intégrines (changement conformationnel), qui par voie de signalisation, induit la prolifération cellulaire et l’inflammation (Takada and Fujita, 2017). Cet événement ne met pas en jeu l’activité catalytique de la hGIIA. Par différentes approches (in

vitro et ex-vivo), il serait possible de vérifier si l’enzyme H48Q est capable d’activer des leucocytes humains ou

murins, avec une attention particulière portée aux lymphocytes et monocytes. Ce travail pourrait être réalisé avec du sang prélevé à différents temps de l’infection chez des souris Tg-, ce qui permettrait de mettre en évidence une éventuelle modification des capacités de réponse des leucocytes à l’enzyme au cours du processus infectieux.

L’injection de hGIIA à des souris WT parasitées produit-elle les mêmes effets que ceux observés chez les souris Tg+ parasitées ?

Nous avons vu que l’injection de hGIIA recombinante active à des souris Tg- infectées induit une baisse de parasitémie lorsque l’injection est pratiquée juste avant le pic de crise, mais n’a pas d’effet lorsqu’elle est faite plus tôt. Ce résultat sous-entend que l’activité anti-Plasmodium de l’enzyme est indirecte et dépend de facteurs survenant tardivement dans l’infection. C’est dans ce cadre que nous avons cherché si le mécanisme faisait intervenir les lipoprotéines oxydées. Il serait important aussi de vérifier si la réponse leucocytaire est modifiée après injection de l’enzyme. Ceci pourrait se faire par observation des frottis et comptage des leucocytes activés, mais aussi par dosage de cytokines dont l’intérêt aura été mis en avant par le dosage effectué chez les souris Tg+ infectées.

Par ailleurs, la caractérisation de l’infection nous a permis de mettre en évidence une différence histologique au niveau de la rate avec des sites d’EMH importants chez les souris Tg+. Une des interrogations que ces données soulèvent est de savoir si l’injection de hGIIA exogène administrée aux souris WT est susceptible d’instaurer rapidement une réorientation vers une EMH plutôt qu’une hyperplasie des LB dans la rate des souris infectées. Une nouvelle expérience d’infection/injection d’hGIIA dédiée à l’analyse histologique des organes, à une mesure de l’hématocrite et à un suivi de l’activation des leucocytes post-injection pourrait répondre à cette question.

Il serait important aussi de recueillir des données sur le devenir de la hGIIA injectée en mesurant son taux d’activité dans le plasma des souris Tg- après injection. Dans ce sens, une expérience a déjà été réalisée en cours de thèse, qui a consisté à mesurer l’activité sPLA2 dans les plasmas de souris WT naïves (n = 3) après une injection de hGIIA (0,125mg/kg/injection). Après injection, 4 prélèvements sanguins ont été réalisés à t = 5 minutes, t = 15 minutes, t = 30 minutes et t = 1 heure. Aucune activité sPLA2 n’a été décelée dans les échantillons plasmatiques, indiquant que l’enzyme est soit rapidement métabolisée par l’organisme, soit qu’elle est captée à la surface des endothéliums vasculaires ou dans les tissus et organes. Etant donné que l’injection exogène de hGIIA induit une baisse de parasitémie chez les souris infectées, il semble plus probable que l’enzyme soit captée mais reste

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active. Il serait nécessaire de comparer les résultats obtenus chez les souris naïves au devenir de l’enzyme injectée chez des souris WT infectées. Dans l’hypothèse d’une rétention de l’enzyme, afin de déterminer sa localisation, il pourrait être envisagé de mesurer l’activité sPLA2 au niveau des cellules sanguines et dans des broyats d’organes récupérés après injection de la hGIIA aux souris.

Conclusion

Comme dans d’autres pathologies infectieuses, la hGIIA augmente dans le sérum des patients impaludés. Ceci a été rapporté au début des années 1990, cependant, son rôle dans le paludisme reste inconnu à ce jour. L’étude présentée ici a permis de dresser un tableau large de l’infection non létale à Plasmodium chabaudi chez un hôte murin exprimant la hGIIA de manière constitutive.

Nos résultats font soupçonner que l’enzyme pourrait être impliquée dans des aspects importants de la physiopathologie chez l’hôte infecté, comme la régulation de l’érythropoïèse, la mise en place et la récupération des lésions aux organes, ou la réponse immunitaire. Dans d’autres pathologies, son rôle en tant que molécule anti-bactérienne et pro-inflammatoire est bien documenté. Nos travaux pourraient permettre d’ouvrir de nouvelles pistes de recherche dans le cadre des études sur le paludisme, en considérant le rôle d’acteur à part entière d’une molécule engagée dans les processus complexes de la réponse de l’hôte au parasite.

L’ensemble de nos résultats nous amène à proposer le scénario suivant :

La hGIIA produit des médiateurs lipidiques à bas bruit chez la souris Tg+. Pas suffisamment pour induire une inflammation chronique, mais suffisamment pour dérégler la production de leucocytes et réprimer légèrement la production d’érythrocytes. Lors de l’infection, l’apparition progressive de substrats idoines pour la hGIIA (surfaces anioniques, telles que des lipoprotéines oxydées, des vésicules extra-cellulaires ou des corps apoptotiques), augmente d’autant la production de lipides directement toxiques pour le parasite, et/ou de médiateurs lipidiques. Ces médiateurs vont provoquer des réactions en termes de recrutement cellulaire et production de cytokines. Parallèlement, la capacité de la hGIIA à se lier aux intégrines à la surface des leucocytes peut elle aussi entraîner une réaction cellulaire. On voit augmenter le nombre de PNN, apparaître une activation des lymphocytes, puis (réaction en cascade ?), une activation des monocytes. Ces monocytes, comme les PNN, sont susceptibles de phagocyter les GRi et/ou les mérozoïtes, et l’élimination du parasite qui s’ensuit se traduit par une baisse du pic de parasitémie.

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