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Section 2 - L’unification continue des règles de conflit de lois

B) Propositions de clauses d’articulation avec les règles de conflit de lois

147. S’agissant d’abord de l’articulation entre la reconnaissance mutuelle découlant du principe de liberté de circulation du droit primaire de l’Union et les règles de droit international privé, l’adoption d’une clause « d’exception d’équivalence » a été proposée dans nos travaux antérieurs400. Toutefois, elle ne convainc plus du fait de sa trop grande technicité. Il avait en effet été proposé que soit opéré, par le biais d’une telle clause, un contrôle de l’équivalence entre la loi désignée par la règle de conflit de lois du for d’accueil et la loi d’origine du titulaire de la liberté de circulation en cause, afin d’imposer une prise en considération de cette dernière loi dans l’application de la loi désignée401. Cet abandon n’exclut pas, en revanche, qu’une réflexion soit conduite sur l’articulation entre le droit primaire des libertés de circulation et le droit international privé dans le cadre plus global d’une future codification du droit international privé de l’Union402.

148. Ensuite, ce sont les textes de droit dérivé comportant une clause « marché intérieur » dans le domaine des services qui pourraient bénéficier de la mise en place d’une clause

399 V. infra, n° 148.

400 V. M.HO-DAC, La loi du pays d’origine en droit de l’Union européenne, op. cit., spéc. n° 679 et s.

401 V. M.HO-DAC, La loi du pays d’origine en droit de l’Union européenne, op. cit., spéc. n° 686 et s.

402 V. infra, n° 166 et s.

d’articulation403. La clause « marché intérieur » de la directive 2000/31/CE sur le commerce électronique404, évoqué précédemment405, constitue un parfait exemple. Pour mémoire, l’incertitude méthodologique porte ici sur la portée à conférer à la compétence de la loi d’origine du prestataire en présence d’une loi d’accueil considérée comme restrictive. La clause

« marché intérieur » entre alors, potentiellement, en collision avec les règles de conflit de lois mises en place par les règlements « Rome I »406 et « Rome II »407 relatifs à la loi applicable aux obligations contractuelles, pour le premier, et non contractuelles, pour le second. Si un considérant introductif dans ces textes prévoit déjà une clause de « libre circulation » 408, son maniement pratique est difficile409. Une clarification de la disposition a été proposée dans nos travaux antérieurs410, afin de permettre, en cas d’entrave à la libre circulation, à la loi d’origine de l’opérateur découlant de la clause « marché intérieur » d’être mise en œuvre à la manière d’une règle d’applicabilité. Partant, elle évincerait ponctuellement l’intervention de la règle de rattachement commandée par le droit commun européen des conflits de lois411. En pratique, une telle modification implique une révision des règlements concernés, ce qui, politiquement, s’avère compliqué, même en application des clauses de réexamen qu’ils contiennent412. Aussi, cet ajustement pourrait être envisagé à l’occasion d’un projet de codification du droit international privé de l’Union413.

403 Sur la notion de clause « marché intérieur », v. supra, n° 82.

404 V. art. 3 de la directive 2000/31/CE préc.

405 V. supra, n° 82 et n° 88 et s.

406 Règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I), préc.

407 Règlement (CE) n° 864/2007 du Parlement Européen et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (Rome II), JO L 199 du 31 juillet 2007, p. 40-49.

408 Elle énonce que « l’application des dispositions de la loi applicable désignée par les règles du présent règlement ne devrait pas restreindre la libre circulation des biens et des services telle qu’elle est réglementée par les instruments communautaires, par exemple la directive 2000/31/CE », in considérant 40 al. 2 du règlement (CE) n° 593/2008 « Rome I » et considérant 35 du règlement (CE) n° 864/2007 « Rome II ».

409 Sur ce point, v. M.HO-DAC, La loi du pays d’origine en droit de l’Union européenne, op. cit., n° 694 et s. (à propos des clauses de « libre circulation » ou de « reconnaissance mutuelle » prévues en droit dérivé) et n° 697 et s. (à propos de la clause prévue dans les considérants des règlements « Rome I » et « Rome II »).

410 V. en dernier lieu M.HO-DAC, « L’adaptation du droit international privé aux exigences du marché intérieur », op. cit., spéc. p. 414 et s.

411 Elle pourrait être formulée comme suit : En présence d’un rapport juridique en matière civile et commerciale, soumis à une clause « marché intérieur » par un instrument de droit dérivé, la compétence de la loi d’origine de l’opérateur en circulation prévaut, en cas d’entrave à la libre circulation, sur les règles de conflit de lois communes.

412 V. par exemple s’agissant de « la question de l’opposabilité d’une cession ou subrogation aux tiers, ainsi que du rang de la créance faisant l’objet de ladite cession ou subrogation par rapport aux droits détenus par d’autres personnes » visée par la clause de réexamen du règlement « Rome I » (art. 27, §2) qui donne finalement lieu à une proposition de règlement autonome afin de ne pas « ouvrir la boîte de Pandore et de déclencher des débats indésirables sur l’opportunité d’amender d’autres dispositions », selon l’analyse renseignée de G.CUNIBERTI, in

« La proposition de règlement de la Commission sur la loi applicable à l’opposabilité des cessions de créances », Rev. crit. DIP, 2018, p. 793 et s., spéc. note 4.

413 Sur cette orientation, v. infra, n° 166.

149. A côté d’une meilleure articulation des méthodes, c’est le renforcement des dispositifs de reconnaissance mutuelle des décisions et des situations qui devrait être recherché, aux fins d’améliorer le traitement juridique de la circulation des personnes dans l’Union.

§2- Le renforcement des dispositifs de reconnaissance mutuelle des décisions et des situations

150. Nos travaux antérieurs ont été l’occasion de proposer différentes voies de renforcement des expressions techniques de la reconnaissance mutuelle et du principe du pays d’origine414. Parmi celles-ci, l’élaboration ponctuelle de règles européennes de conflit de lois, fondées sur le principe du pays d’origine415 et adoptant la « loi d’origine » de la personne en circulation comme facteur de rattachement, n’est pas retenue ici. L’adoption de telles règles, en vue de clarifier, au cas par cas, la mise en œuvre de cette méthode originale du traitement de la circulation nous apparaît aujourd’hui peu réaliste politiquement416. C’est davantage vers un simple travail d’articulation entre les méthodes, tel que décrit plus haut, qu’il faut s’orienter417.

151. Nos recherches antérieures ont également envisagé la mise en place de règles de reconnaissance fondées sur la reconnaissance mutuelle, en matière personnelle et familiale, ainsi que l’élaboration d’une clause d’articulation entre la reconnaissance mutuelle des actes publics et les règles de droit international public. Dans la lignée de ces propositions, une première proposition de renforcement des expressions de la reconnaissance mutuelle pourrait porter sur l’élaboration de règles d’acceptation418 des éléments du statut personnel dans

414 V. également, dans l’actualité récente, la proposition de règlement du Conseil relatif à la reconnaissance mutuelle des biens commercialisés légalement dans un autre État membre, COM(2017) 796 final, 19 décembre 2017. Ce texte a pour ambition d’améliorer le fonctionnement de la reconnaissance mutuelle grâce à trois mesures-phares : la clarification de l’étendue de la reconnaissance mutuelle, l’introduction d’une déclaration sur l’honneur pour faciliter la démonstration qu’un produit est déjà commercialisé légalement, associé à un système de résolution des litiges en cas de restrictions à l’accès au marché et, enfin, l’instauration d’une coopération administrative renforcée.

415 V. M.HO-DAC, La loi du pays d’origine en droit de l’Union européenne, op. cit., spéc.p. 468 et s. (par exemple en matière de droit de réponse dans le cadre de la directive 2010/13/UE « SMA » ou en matière de contrat électronique et de responsabilité délictuelle dans le cadre de la directive 2000/31/CE « commerce électronique »).

416 En outre, cette orientation est certainement vectrice de confusion méthodologique, en particulier avec la méthode des conflits de lois et, par ricochet, de tensions entre les espaces normatifs concernés par le rapport de circulation. V. par exemple la « Stratégie pour un marché unique numérique en Europe », Communication de la Commission du 6 mai 2015, COM(2015)192 final, point 2.1 (dans lequel la Commission se montre favorable à l’application de la loi d’origine du vendeur dans le cadre de contrats transfrontières conclus avec des consommateurs).

417 V. supra n° 147 et s.

418 Le terme d’acceptation est utilisé afin d’éviter tout présupposé méthodologique dans la réception, par l’État d’accueil, du statut personnel acquis dans l’État d’origine et ainsi de ne pas se cantonner à des règles de

« reconnaissance » que l’on rattache généralement à la méthode de la reconnaissance des situations.

l’espace européen419 (A). Une seconde proposition, non envisagée dans le passé, consisterait à unifier les régimes actuels de reconnaissance mutuelle des décisions (B).