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Proposition : une distinction fondée sur la volonté de l’émetteur et l’étiquetage

DISTINCTION PAR RAPPORT À D’AUTRES INSTRUMENTS FINANCIERS

A. Placements collectifs de capitaux

5. Proposition : une distinction fondée sur la volonté de l’émetteur et l’étiquetage

L’approche fondée sur des critères économiques présente des faiblesses im-portantes qui justifient son abandon. Il en va de même de l’approche basée sur des critères formels qui ne permet pas de tenir compte de l’évolution et de la diversité des placements collectifs et produits structurés.

Pour l’industrie, ces approches entraînent des barrières à l’innovation.

Pour les investisseurs, les restrictions qui en résultent ne sont pas forcé-ment synonymes de meilleure protection. D’abord, parce que les efforts – en partie vains jusqu’à présent – consacrés par la FINMA pour circons-crire de la sorte un certain type d’instruments pourraient être alloués à des domaines qui pourraient davantage bénéficier de son intervention, comme la surveillance des bonnes pratiques en matière d’information ou de distri-bution. Ensuite, parce que les critères de distinction apparaîtront souvent obscurs pour les investisseurs. Enfin, parce que les institutions financières chercheront, si elles y trouvent un intérêt, à contourner ces règles par des montages financiers encore plus complexes.

61 ASB, Directive concernant l’information des investisseurs sur les produits structurés 2007, § 2.

62 Ibidem.

63 ASB, Directives concernant l’information des investisseurs sur les produits structurés, 2014, § 2.

D’emblée, la FINMA a reconnu les limites de cette approche. Certains auteurs, qui se sont prononcés pour une approche formelle de la distinc-tion, reconnaissent également que son application ne permet pas toujours d’éliminer tous les doutes64. Pour contourner ces limites et assurer la sécu-rité juridique du système, l’Autosécu-rité fédérale de surveillance des marchés financiers reconnaît l’importance de la volonté de l’émetteur comme cri-tère déterminant le régime juridique applicable. Celui-ci doit alors se reflé-ter dans un étiquetage correct de l’instrument financier65.

Une telle approche est confuse puisqu’elle fonde la distinction sur la base de deux raisonnements très différents : l’approche formelle de l’art. 7 LPCC, d’une part, et l’approche fondée sur la volonté de l’émetteur, d’autre part. Entre ces deux approches, il convient de faire un choix. Celui-ci de-vrait se porter sans ambiguïté sur la primauté de la volonté de l’émetteur concrétisée par la respect du régime juridique choisi et par l’étiquetage de l’instrument financier considéré66. Ainsi, en matière de produits structu-rés et de placements collectifs, “l’habit devrait faire le moine”67.

Une telle distinction accorderait de la flexibilité aux émetteurs, à l’image des instruments financiers existants, et apporterait de la clarté pour les investisseurs. Elle serait, par ailleurs, conforme à la volonté du législateur. En effet, en rejetant le principe Same Business, Same Risks, Same Rules, le législateur a admis la coexistence d’instruments financiers similaires tant économiquement que juridiquement. Seul compte alors la volonté de l’émetteur de faire “revêtir” à son instrument financier l’un ou l’autre des régimes juridiques existants.

Concrètement, une telle proposition reviendrait à dire que :

– L’émetteur/promoteur suisse d’un instrument financier pourrait libre-ment choisir la forme juridique de ce dernier (produit structuré ou

64 BSK-KAG - Bischof / Lamprecht / Schwob (2009), Art. 5 LPCC, p. 374, N. 15 in fine.

65 FINMA, FAQ produits structurés 2010, § 16 et 17 ; FINMA, Rapport sur la distribution de produits financiers (2010), Approfondissement 3 : Réglementation des produits structurés, p. 32.

66 Dans ce sens, Kühne / Lengauer / Amstutz / Imwinkelried / Dömer (2007), p. 212, N. 821 ; van der Meer (2009), p. 7 ; Eggen (2011), p. 133.

67 Dans ce sens, BSK-KAG - Rayroux / du Pasquier (2009), Art. 7 LPCC, N. 22 qui esti-ment que, sans considération des caractéristiques propres aux fonds de placeesti-ment, il n’y a pas de placement collectif dès lors que le produit structuré remplit les conditions des art. 5 LPCC et 4 OPCC. Dans ce sens également, FINMA, FAQ produits structurés 2014, § 3.

68 BSK-KAG - Comtesse / Fischer / Stupp (2009), Art. 199 LPCC, p. 1054, N. 11.

69 FINMA, FAQ produits structurés 2010, § 16 2e par.

70 Idem, § 18. Une telle pratique est conforme à l’art. 12 al. 2 LPCC. Sur ce sujet, BSK-KAG - De Zordi (2009), Art. 12 LPCC, p. 482 s., N. 29.

71 ASB, Directives concernant l’information des investisseurs sur les produits structurés 2014, § 5, p. 4 s. ; FINMA, FAQ produits structurés 2014, § 5.

72 Cf. infra Chapitre 9 B. 4. a) iii. et iv., p. 309 ss.

placement collectif) et se conformer à la réglementation correspon-dante. S’il choisit d’émettre son instrument financier sous forme de produit structuré, peu importe que ce dernier remplisse certains des critères formels de l’art. 7 al. 1 LPCC.

– L’émetteur/promoteur étranger d’un instrument financier à distribuer en Suisse bénéficierait de la même liberté.

Une réserve devrait s’appliquer lorsque l’instrument financier étran-ger déjà existant est qualifié de placement collectif, selon la pratique de l’autorité de surveillance étrangère dont relève l’instrument finan-cier étranger. Dans ce cas, la pratique actuelle de la FINMA est de considérer un tel instrument financier comme un placement collectif étranger68. Il serait alors illogique de permettre, en Suisse, une qua-lification de cet instrument financier de produit structuré au sens de l’art. 5 LPCC.

L’ouverture d’esprit et la flexibilité dont le législateur suisse a fait preuve en adoptant l’art. 5 LPCC doivent, à notre sens, être contrebalan-cées par une forte responsabilisation des émetteurs de produits structurés.

La FINMA a ainsi, à juste titre, exprimé par le passé sa volonté d’intervenir en cas de “violation des prescriptions en matière de transparence”69. Un tel abus est avéré non seulement lorsque des dénominations protégées (telles que fonds de placements, fonds d’investissements, SICAV, etc.) sont utili-sées à mauvais escient mais également lorsque l’étiquetage est trompeur ou confus sur la nature juridique de l’instrument financier considéré70. Pour ressortir clairement, l’étiquetage doit figurer sur tous les documents remis à l’investisseur, soit non seulement les prospectus simplifiés mais égale-ment la docuégale-mentation promotionnelle, en première page, en caractères d’imprimerie au moins aussi grands que le texte principal et en gras71. Pour être efficace, une information aussi importante devrait, par ail-leurs, être rédigée dans les trois langues nationales ou à tout le moins dans celle (parmi les trois) qui correspond à la langue de l’investisseur72.

Si l’étiquetage ne ressort pas clairement de la documentation soumise à l’investisseur et que, par conséquent, il peut y avoir un doute dans l’es-prit de l’investisseur quant à la forme juridique de l’instrument considéré, on devrait admettre l’abus de droit. Cela devrait entraîner des sanctions pénales73, voire l’interdiction du produit structuré en tant que placement collectif de capitaux non autorisé74.

6. Avant-projet de loi sur les services financiers

Comme indiqué au Chapitre 3 A. 3., l’AP-LSFin reprend en l’état la défi-nition des produits structurés qui figure à l’art. 5 LPCC75. Par ailleurs, la définition des placements collectifs de capitaux n’est pas touchée par l’AP-LSFin.

Il en résulte un statu quo de la problématique de la distinction entre ces deux types d’instruments financiers. Or, cette distinction est précisément ce qui a initié les débats juridiques autour des produits structurés. Il est, par conséquent, regrettable que le législateur ne saisisse pas l’occasion de l’AP-LSFin pour définir plus clairement la notion de “produits structurés”

et abandonner des critères obscurs au profit du choix délibéré de l’émet-teur comme proposé plus haut (cf. Chapitre 5 A. 5.). Notre proposition de définition des produits structurés (cf. Chapitre 3 A. 2.) pourrait constituer un élément déterminant dans cette démarche.