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Notions et caractéristiques communes a) Instruments issus de processus de titrisation

DISTINCTION PAR RAPPORT À D’AUTRES INSTRUMENTS FINANCIERS

C. Instruments issus de processus de titrisation et dérivés de crédit

1. Notions et caractéristiques communes a) Instruments issus de processus de titrisation

Par titrisation (Verbriefung, securitization111), on entend une technique financière qui consiste à créer des titres financiers standardisés et liquides à partir de créances non standardisées et illiquides112. Ces produits finan-ciers complexes, conçus dans un but de financement113 ou de transfert de risques114, sont parfois désignés par les termes produits structurés (struc-tured products, struc(struc-tured financial products, struc(struc-tured credit products)115. L’opération de titrisation classique consiste en l’émission par une en-tité généralement constituée dans ce but (SPV) de titres financiers sur le marché primaire. Le produit de l’émission est destiné à l’acquisition d’un ensemble de créances d’une entreprise ou d’un établissement financier ( originator). Le remboursement de ces créances est ensuite utilisé au désin-téressement des investisseurs de ces instruments financiers116. Ce montage financier est similaire à celui que l’on trouve dans l’émission de produits

111 On trouve également l’orthographe securitisation même si elle est moins fréquente.

112 Kroll (1999), p. 173 ; Laporte (2005), p. 5 ; Staub (2009), p. 31. Le terme anglais securitization peut également se traduire par le terme désintermédiation, soit le fait pour les entreprises et particuliers de satisfaire leurs besoins en financement en de-hors des circuits bancaires traditionnels. Il s’agit là du sens large auquel on oppose le sens étroit, également désigné asset securitization et traduit par titrisation. Sur cette distinction, voir Bär (2000), p. 21 ss.

113 Kroll (1999), p. 174 ; Laporte (2005), p. 49 ; Bär (2000), p. 21.

114 Kroll (1999), p. 174 s. ; Laporte (2005), p. 50.

115 Watson (2006), p. 11 ; Batchvarov (2004), p. 35.

116 Oertle (1993), p. 155 s. : Kroll (1999), p. 173 s. ; Bär (2000), p. 35 ; Laporte (2005), p. 8 s.

structurés. Dans les deux cas, on retrouve en effet un véhicule émetteur qui aura fréquemment son siège dans une juridiction fiscalement favorable et n’aura pas d’autres passifs que les créances en remboursement des por-teurs des titres émis.

Les montages financiers qui génèrent les opérations de titrisation sont d’une grande diversité et présentent souvent une grande complexité en rai-son de la variété des créances qui peuvent être cédées117, des différentes formes juridiques que peuvent prendre les véhicules de titrisation118 et des contraintes juridiques de chaque ordre juridique impliqué. De manière générale, la structuration de ces opérations doit protéger l’investisseur contre la survenance de certains risques tels que la faillite du cédant ou celle du véhicule de titrisation. Pour ces raisons, la cession des créances est effectuée par le cédant de manière définitive, sans recours, (true sale) au véhicule de titrisation119 et le but social de ce dernier est limité à la réalisa-tion de l’opéraréalisa-tion financière en quesréalisa-tion120.

A l’image des montages financiers, les titres émis à l’occasion d’opé-rations de titrisation sont d’une grande variété121. Pour l’essentiel, on peut les diviser en deux catégories. Il s’agira soit de titres ayant les caractéris-tiques de titres de participation (pass-through structure), soit le plus sou-vent de titres de dettes (pay-through structure)122. Ils sont communément désignés par différents acronymes, tels que CMBS (commercial mortgage-backed securities), MBS (mortgage-backed securities), ABS (asset-backed securities), RMBS (residential mortgage-backed securities) ou CLO (col-lateralised loan obligation), CBO (collateralised bond obligation), ou CDO ( collateralised debt obligation)123. Ces titres sont émis en plusieurs tranches

117 En théorie, tout portefeuille de créances d’une certaine taille qui est apte à géné-rer des flux financiers peut faire l’objet d’une opération de titrisation. En pratique il s’agira très souvent de crédits hypothécaires, Laporte (2005), p. 56 s.

118 Celle-ci varie en fonction du droit national auquel le véhicule de titrisation est sou-mis : par exemple fonds commun de créances en France, Granier / Corynne (2004), p. 38 ss ; trust et corporation aux Etats-Unis d’Amérique et dans les pays anglo-saxons idem, p. 16 ; Fleiner (2007), p. 58 ; société anonyme, voire placement collectif ou trust en Suisse, Laporte (2005), p. 114 ; Fleiner (2007), p. 89 s.

119 Bär (2000), p. 101.

120 Clancy (2006), p. 39. Cf. Kroll (1999), p. 179 ; Oertle, p. 165 ; Bär (2000), p. 110 ; Peter (2006), p. 118 ; Laporte (2005), p. 86 ; Clancy (2006), p. 40 s.

121 Laporte (2005), p. 63.

122 Ibidem ; Bär (2000), p. 130 ; Fleiner (2007), p. 13.

123 La dénomination dépendra du type de créances titrisées : prêts bancaires pour les CLO, obligations pour les CBO, ou n’importe lequel de ces deux types de créances

(super senior, senior, mezzanine, junior, equity, subprime) qui bénéficient, chacune d’elles, de caractéristiques de risque et de rendement différents.

Il s’agira, comme les produits structurés, de valeurs mobilières au sens au sens de l’art. 2 let. a LBVM.

Le marché de la titrisation est avant tout un marché de professionnels, tant du côté du cédant que du coté des investisseurs, composé d’établis-sements bancaires, d’assurances, de hedge funds et d’autres investisseurs institutionnels124. L’émission se fait alors dans la majorité des cas sous forme de placement privé même si la distribution publique, accompagnée le cas échéant d’une cotation, n’est pas exclue125.

b) Dérivés de crédit

Comme l’opération de titrisation, le dérivé de crédit est un instrument financier qui a pour but le transfert du risque de crédit attaché à certaines créances126. Contrairement à cette dernière, et c’est ce qui constitue son originalité, le dérivé de crédit n’implique pas le transfert des créances dans un véhicule de titrisation127. On parle alors parfois de titrisation synthétique128.

pour les CDO, créances hypothécaires pour les ABS eux-mêmes subdivisés en plusieurs sous-catégories : CLEO (collateralized lease equipment obligation) ; CARD (certificate of amortising revolving debt) ; CMO (collateralized mortgage obligation) ; CAR (certificate of automobile receivables) etc.), Wood (2007), Project Finance, p. 113 ; Bär (2000), p. 127.

124 Bär (2000), p. 95 ; Ford (2006), p. 100.

125 En Suisse, la première émission de titres adossés à des actifs par un émetteur suisse aurait eu lieu en 1994. A fin 2003, on pouvait compter une quinzaine d’opérations de titrisation, dont la grande majorité avec placement privé. La possibilité donnée dès octobre 1997 de coter ces instruments financiers et l’assouplissement de certaines conditions d’admission à la cotation pour les véhicules de titrisation ne semble pas avoir suscité l’engouement attendu. A ce sujet, voir le SIX Swiss Exchange, Com-muniqué de l’Instance d’admission no 1/1998 ; Kroll (1999). p. 176 ss ; Laporte (2005), p. 33 s. ; Fleiner (2007), p. 29 s.

126 Berg (2008), p. 57 ; Sievers (2009), p. 34.

127 Clancy (2006), p. 47 ; Clark (2008), p. 27 ; Granier / Corynne (2004), p. 182 s. ; Quémard (2003), p. 25 ; Emch / Renz / Arpagaus (2004), p. 668, N. 2075.

128 Laporte (2005), p. 212 ; Lombardini (2009), p. 950, N. 22 ; Quémard (2003), p. 39.

Voir également la définition de la titrisation synthétique donnée par le Comité de Bâle, Comité de Bâle, International Convergence of Capital Measurement and Capital Standards : A Revised Framework - Comprehensive Version 2006, § 540.

i. CDS

L’instrument financier incontournable du dérivé de crédit est le credit de- de-fault swap (CDS)129. Le CDS est un contrat bilatéral négocié de gré à gré130 par lequel la première partie (l’acheteur de protection) cède à la seconde (le vendeur de protection), contre rémunération, le risque de crédit lié à la détention d’une ou de plusieurs créances131. En cas de survenance d’un évènement de crédit (credit event)132, le vendeur de protection indemnise l’acheteur de protection par le versement d’un certain montant (corres-pondant généralement à la différence entre la valeur nominale des sous-jacents et leur valeur de marché) ou par le paiement de la valeur nominale des sous-jacents en échange de la livraison de ceux-ci par l’acheteur de protection133.

La documentation contractuelle des CDS est aujourd’hui en partie standardisée grâce aux efforts de l’ISDA. Celle-ci a publié en 2003 les 2003 ISDA Credit Derivatives Definitions, ainsi que les divers Supplements and Commentaries qui les accompagnent134. Malgré cela, les CDS restent des instruments dérivés non standardisés, ce qui les distingue fondamentale-ment des produits structurés. Le marché des CDS est avant tout un marché de professionnels de la finance et des assurances qui prennent tour à tour le rôle de vendeurs de protection des risques de contreparties portés sur leur bilan ou d’acheteurs de protection des risques de contreparties d’autres intermédiaires financiers135.

129 Egalement désigné unfunded credit derivative parce que contrairement, aux funded credit derivative (CDO, CLN), il ne donne pas lieu à un coût de financement, ce qui diminue la garantie de l’acheteur de protection d’être dédommagé en cas d’évènement de crédit, Granier / Corynne (2004), p. 185. D’autres variantes existent comme le credit spread option et le total return swap, Emch / Renz / Arpagaus (2004), p. 669, N. 2078 ss ; Lombardini (2009), p. 951 s., N. 29.

130 Quémard (2003), p. 30.

131 Gauvin (2003), p. 84 ; Lombardini (2009), p. 949, N. 21 ; Emch / Renz / Arpagaus (2004), p. 668, N. 2075.

132 Gauvin (2003), p. 91 s. ; Quémard (2003), p. 26 ; Granier / Corynne (2004), p. 183.

L’évènement de crédit peut consister, selon ce qui est prévu par le contrat, dans le dé-faut de paiement, la faillite ou la restructuration du débiteur des actifs sous-jacents.

133 Quémard (2003), p. 28.

134 International Swaps and Derivative Association (ISDA), voir le site internet www.isda.

org/asset-classes/credit-derivatives/.

135 Granier / Corynne (2004), p. 199. Voir également, Gauvin (2003), p. 50 ss.

ii. CLNs

Afin de répartir davantage les risques résultant d’un dérivé de crédit et d’élargir le cercle des potentiels vendeurs de protection136, l’on a imaginé l’émission de titres de créance (typiquement désignés par l’acronyme CLNs137) dont le sous-jacent est un CDS. Le montage financier peut alors se résumer comme suit : un SPV conclut un dérivé de crédit (un CDS) avec une entité tierce portant sur le risque de certaines dettes inscrites au bilan de cette dernière. Pour garantir le risque pris, le SPV émet des CLNs et uti-lise les fonds ainsi générés pour acheter des titres de couverture ( collateral), généralement des obligations de bonne qualité. Les titres émis font l’ob-jet du même mécanisme de subordination en plusieurs tranches (senior, mezzanine, junior, equity) que pour la titrisation classique138. Les intérêts versés par le collateral ainsi que les primes versées par le vendeur de risque, conformément au CDS, sont utilisés pour rémunérer les porteurs de CLNs et rembourser les frais de gestion de la structure139. A l’échéance du CDS et si aucun évènement de crédit n’est survenu, les investisseurs reçoivent leur nominal en remboursement. En revanche, si un évènement de crédit survient, le SPV doit dédommager l’entité tierce avec le collateral. Il subit alors une perte imputée sur le montant à rembourser aux vendeurs de pro-tection en fonction de leur séniorité140.

Comme le marché des CDS, celui des CLNs est d’abord un marché de professionnels. Néanmoins, l’émission de titres standardisés permet la distribution publique de ces derniers à un cercle plus large d’investis-seurs, y compris aux investisseurs de détail141. Economiquement CDS et CLNs ont la même fonction de transfert de risque. De cet élément d’abs-traction ajouté au décalage temporel entre le moment de la conclusion du contrat de celle de l’exécution des prestations, on peut conclure qu’il s’agit

136 Wood (2007), International Loans, p. 284. L’émission de tels instruments financiers est parfois préférée à la conclusion de contrat OTC (tels que le CDS) parce qu’il permet à l’émetteur de viser un plus large cercle de contreparties potentielles, notamment certains investisseurs institutionnels.

137 Acronyme pour Credit Linked Notes, Clark (2008), p. 27 ; Sievers (2009), p. 91.

138 Quémard (2003), p. 40 ; Wood (2007), International Loans, p. 395 s.

139 Clark (2008), p. 29.

140 Quémard (2003), p. 40.

141 Ainsi par exemple UBS SA a émis en mars 2008 un “CHF 5 year UBS Credit Linked Note to Swisscom” (ISIN CH0038511066) pour un montant d’émission total prévu initialement de CHF 45 milllion, divisé en tranches de CHF 1000.

d’instruments dérivés. Toutefois et contrairement aux CDS, les CLNs sont des instruments standardisés, ce qui constitue une caractéristique com-mune supplémentaire avec les produits structurés.

2. Importance de la distinction en droit de la surveillance

L’importance de la distinction en droit de la surveillance entre produits structurés, d’une part, et les titres issus d’opérations de titrisation et déri-vés de crédit, d’autre part, résulte, comme déjà relevé précédemment, de la réglementation lacunaire du marché primaire en Suisse142. Toutefois et contrairement à l’analyse effectuée plus haut s’agissant de la distinction entre placements collectifs et produits structurés ou entre obligations et produits structurés, les opérations de titrisation et les dérivés de crédit ne sont pas visés spécifiquement par les dispositions réglementant le marché primaire suisse.

Suite à l’entrée en vigueur de l’art. 5 LPCC, la question qui se pose, s’agissant des titres issus d’opérations de titrisation et des dérivés de crédit, n’est dès lors pas tant de déterminer les critères permettant de délimiter les différents instruments considérés mais s’il se justifie d’inclure dans le champ d’application matériel de cette disposition l’une de ces catégories d’instruments financiers.

3. Dérivés de crédit non assimilables aux produits structurés