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Chapitre 2. Modèles de jonction voile-plancher

3 FORMULATION ET MISE EN ŒUVRE D’UN MODELE NON LINEAIRE DE JONCTION

3.2 Proposition d’un modèle rhéologique simplifié

3.2.1 Choix du modèle

Les observations faites lors des essais flexion statiques sur les maquettes CEA-EDF nous conduisent à proposer un modèle d’interface qui soit initialement élastique, puis endommageable, et enfin qui intègre un comportement plastique pour décrire les phénomènes observés. Cette succession se justifie par le fait que l'étape de fissuration du béton produisant une réduction de raideur globale importante observable dès qu'on effectue une décharge, se produit préalablement sans engendrer beaucoup de déformations irréversibles. Ces dernières, par contre, deviennent prédominantes par la suite, alors que la raideur globale en décharge n'évolue plus significativement.

En effectuant des cycles dont l'amplitude atteint cette phase, on constate que la flexion opposée produit un endommagement et des déformations irréversibles plus précoces que si on avait exercé un trajet monotone.

Les trois phases sont schématisées sur le graphe en Figure 2.30.

Figure 2.30 – Phénoménologie du modèle : relation entre le moment 𝑀 et la rotation 𝜃

Un modèle rhéologique simple correspondant est schématisé en Figure 2.31. 𝜃 𝑀

Comportement élastique

Comportement endommageant : initiation et progression de la fissuration du béton

Comportement plastique avec écrouissage

cinématique : schéma de fissuration stabilisé, ouverture des fissures croissante et travail en plasticité des aciers 𝑀𝑦

𝜃𝑑

𝐾𝑝

𝐾

(𝐷)𝑒

= 𝐾

𝑑

Figure 2.31 – Modèle rhéologique élasto-plastique endommageant

Il s’agit de la combinaison en série d’un ressort élastique endommageable de raideur 𝐾 (𝐷) et d’un 𝑒 patin associé en parallèle à un ressort de raideur 𝐾𝑝, permettant de reproduire un comportement plastique écrouissable avec un écrouissage cinématique.

On admet que l’écrouissage n’est pas directement affecté par l’état d’endommagement 𝐷.

Pour construire le modèle on adopte le cadre général de la formulation thermodynamique des processus irréversibles (Lemaitre, et al., 2009) :

Les variables d’état de ce modèle rhéologique sont : la rotation totale 𝜃, la rotation plastique 𝜃𝑝, l’endommagement 𝐷, l’écrouissage cinématique 𝛼. Les trois dernières sont des variables internes permettant de décrire les irréversibilités de comportement.

L’énergie libre s’écrit :

𝜓(𝜃, 𝜃𝑝, 𝐷, 𝛼) =1

2 𝐾 (𝐷)(𝜃 − 𝜃𝑒 𝑝)2+1

2 𝐾𝑝𝛼2 (2.7)

Avec :

𝐾 (𝐷) = 𝐾𝑒 𝑒(1 − 𝐷) où 𝐷 ∈ [0,1[ (2.8)

L’inégalité de Clausius-Duhem s’écrit alors, dans toute évolution admissible, ici à température constante (Fléjou, 1993) :

𝑀𝜃̇ − 𝜓̇ ≥ 0 (2.9)

Soit :

(𝑀 −𝜕𝜓𝜕𝜃) 𝜃̇ − 𝜕𝜓𝜕𝜃

𝑝𝜃̇𝑝𝜕𝜓𝜕𝐷 𝐷̇ − 𝜕𝜓𝜕𝛼 𝛼̇ ≥ 0 (2.10) L’inégalité de Clausius-Duhem devant être vérifiée quel que soit 𝜃̇, en particulier dans toute évolution réversible, on obtient :

𝑀 −𝜕𝜓𝜕𝜃 = 0 (2.11)

Ce qui nous donne la première loi d’état du modèle :

𝑀 = 𝐾𝑒(1 − 𝐷)(𝜃 − 𝜃𝑝) (2.12)

𝐾

(𝑒

𝐷

)

M

y

θ

e

θ

p

θ

M

K

p

M

Si l’on note 𝐴𝑘 les forces thermodynamiques associées aux variables internes du modèle 𝑉𝑘, on peut alors écrire les autres lois d’état sous la forme (Lemaitre, et al., 2009) :

𝐴𝑘 =𝜕𝑉𝜕𝜓

𝑘 (2.13)

Soit, en notant 𝑀𝑝 la force thermodynamique associée à la rotation plastique 𝜃𝑝 :

𝑀𝑝=𝜕𝜃𝜕𝜓𝑝= −𝐾𝑒(1 − 𝐷)(𝜃 − 𝜃𝑝) (2.14)

En notant 𝑌 la force thermodynamique associée à l’endommagement 𝐷 :

𝑌 = −𝜕𝜓𝜕𝐷=12𝐾𝑒(𝜃 − 𝜃𝑝)2 (2.15)

Et en notant 𝑋 la force thermodynamique associée à l’écrouissage cinématique 𝛼 :

𝑋 =𝜕𝜓𝜕𝛼 = 𝐾𝑝𝛼 (2.16)

La dissipation intrinsèque dans toute évolution admissible s’écrit alors : 𝒟 = − ∑ 𝐴𝑘𝑉̇𝑘

𝑘

= −𝑀𝑝𝜃̇𝑝+ 𝑌𝐷̇ − 𝑋𝛼̇ (2.17)

Soit :

𝒟 = 𝐾𝑒(1 − 𝐷)(𝜃 − 𝜃𝑝)𝜃̇𝑝+12𝐾𝑒𝐷̇(𝜃 − 𝜃𝑝)2− 𝐾𝑝𝛼𝛼̇ (2.18) On en déduit en particulier que, dans toute évolution admissible, 𝐷̇ est positif ou nul : l’endommagement ne peut que croître.

3.2.2 Evolution de l’endommagement

De façon à ce que le modèle de jonction soit représentatif des phénomènes physiques observés, on s’intéresse à la forme que doit prendre la loi d’évolution de l’endommagement pour correspondre aux observations.

Les résultats des essais présentés au Chapitre 1.2.2.5, de même que le calcul théorique de la relation moment-courbure au niveau de la jonction avec le plancher, aboutissent à une courbe globalement tri-linéaire en chargement monotone, avec une phase élastique, une phase avec une raideur dégradée mais sans déformations irréversibles, et une phase plastique, comme représenté en Figure 2.30. Pour reproduire cette évolution, et en particulier la seconde phase qui sera représentée par de l’endommagement dans le modèle, on s’intéresse à traduire la condition de linéarité de la réponse monotone dans la seconde phase sur l’évolution de l’endommagement.

La première loi d’état du modèle étant :

𝑀 = 𝐾 (𝐷)(𝜃 − 𝜃𝑒 𝑝) (2.19)

{𝐾 (𝐷) = 𝐾𝑒 𝑒 𝑝𝑜𝑢𝑟 | 𝜃 − 𝜃𝑝| ≤ 𝜃𝑑 𝐾 (𝐷) = 𝐾𝑒 𝑑 𝑝𝑜𝑢𝑟 | 𝜃 − 𝜃𝑝| > 𝜃𝑑

(2.20)

Si l’on postule :

𝐾 (𝐷) = 𝐾𝑒 𝑒(1 − 𝐷) où 𝐷 ∈ [0,1[ (2.21)

Alors on doit avoir lors d’un chargement monotone croissant :

{ 𝐾𝑒(1 − 𝐷)(𝜃 − 𝜃𝑝) = 𝐾𝑒(𝜃 − 𝜃𝑝) 𝑝𝑜𝑢𝑟 |𝜃 − 𝜃𝑝| ≤ 𝜃𝑑

𝐾𝑒(1 − 𝐷)(𝜃 − 𝜃𝑝) = 𝐾𝑑(𝜃 − 𝜃𝑝− 𝜃𝑑) + 𝐾𝑒𝜃𝑑 𝑝𝑜𝑢𝑟 |𝜃 − 𝜃𝑝| > 𝜃𝑑 (2.22) Ce qui nous donne, toujours pour un chargement monotone :

{ 𝐷 = 0 𝑝𝑜𝑢𝑟 |𝜃 − 𝜃 𝑝| ≤ 𝜃𝑑 𝐷 =𝐾𝑒𝐾− 𝐾𝑑 𝑒 (|𝜃 − 𝜃𝑝| − 𝜃𝑑) |𝜃 − 𝜃𝑝| 𝑝𝑜𝑢𝑟 |𝜃 − 𝜃𝑝| > 𝜃𝑑 (2.23) Soit : { 𝐷 = 0 𝑝𝑜𝑢𝑟 |𝜃 − 𝜃𝑝| ≤ 𝜃𝑑 𝐷 = (1 −𝐾𝐾𝑑 𝑒) (1 −|𝜃 − 𝜃𝜃𝑑 𝑝|) 𝑝𝑜𝑢𝑟 |𝜃 − 𝜃𝑝| > 𝜃𝑑 (2.24) On proposera donc la fonction seuil d’endommagement suivante permettant de vérifier les conditions ci-dessus lorsque les conditions de Kuhn-Tucker sont respectées :

𝑓𝑑 = |𝜃 − 𝜃𝑝| (1 −𝐾 𝐾𝑒

𝑒− 𝐾𝑑𝐷) − 𝜃𝑑≤ 0 (2.25)

Que l’on pourrait également écrire : 𝑓𝑑 = √𝐾2

𝑒√𝑌 (1 −𝐾 𝐾𝑒

𝑒− 𝐾𝑑𝐷) − 𝜃𝑑≤ 0 (2.26)

On peut vérifier que l’écriture des conditions de Kuhn-Tucker nous ramène bien à l’expression recherchée en (2.23) : { 𝑓𝐷̇ ≥ 0𝑑≤ 0 𝐷̇𝑓𝑑= 0 (2.27) Soit : 𝐷 = (1 −𝐾𝐾𝑑 𝑒) (1 −𝑚𝑎𝑥(|𝜃 − 𝜃𝜃𝑑 𝑝|, 𝜃𝑑)) (2.28) Les conditions de Kuhn-Tucker sont bien vérifiées et la dissipation associée est positive dès lors que :

1 −𝐾𝐾𝑑

𝑒 ≥ 0 (2.29)

Ce qui est bien le cas lorsque :

𝐾𝑒≥ 𝐾𝑑 (2.30)

3.2.3 Evolution de la plasticité

Conformément aux principes de la Figure 2.30, on propose de retenir l’expression suivante pour la loi seuil associée en plasticité :

𝑓𝑝= |𝑀 − 𝑋| − 𝑀𝑦 (2.31)

On pose :

𝜉 =𝜕𝑓𝑝

𝜕𝑀 = 𝑠𝑖𝑔𝑛𝑒(𝑀 − 𝑋) (2.32)

Soit 𝜆𝑝 le multiplicateur correspondant à la plasticité, l’hypothèse de normalité généralisée nous conduit alors à : 𝜃̇𝑝= 𝜆̇𝑝𝜕𝑓𝑝 𝜕𝑀 = 𝜆̇𝑝𝜉 (2.33) Et : 𝛼̇ = −𝜆̇𝑝𝜕𝑓𝑝 𝜕𝑋 = 𝜆̇𝑝 𝜕𝑓𝑝 𝜕𝑀 = 𝜆̇𝑝𝜉 (2.34) D’où : 𝛼̇ = 𝜃̇𝑝 (2.35)

Les conditions de cohérence s’écrivent alors :

𝑓𝑝= 0 𝑒𝑡 𝑓̇p= 0 (2.36)

Avec :

𝑓̇𝑝= 𝜉(𝑀̇ − 𝑋̇) = 0 (2.37)

D’où :

𝑋̇ = 𝑀̇ (2.38)

3.2.4 Implantation du modèle rhéologique dans Matlab

Le modèle rhéologique décrit ci-dessus a été implanté dans Matlab pour tracer la réponse du modèle sous différents trajets de sollicitations.

Figure 2.32 – Réponse du modèle pour un chargement cyclique d’amplitude croissante non alterné (à gauche) et alterné (à droite)

On notera que, conformément aux remarques formulées au paragraphe 1.2 du présent chapitre, le modèle proposé n’intègre pas l’effet de « pincement » des boucles d’hystérésis retrouvé expérimentalement et lié aux phénomènes de reprise de raideur à la refermeture des fissures dans le béton et de glissement acier-béton dans la zone de la fissure.

3.2.5 Considérations sur le sens physique des paramètres et des variables internes, et la

restauration de rigidité à l’inversion de signe du moment

Revenons sur le sens physique des différents paramètres du modèle :

- Le seuil d’endommagement 𝜃𝑑 correspond au début de la fissuration en flexion de la section de béton armé, c’est-à-dire à la rotation nécessaire pour atteindre la limite en traction du béton sur un des parements supérieur ou inférieur. Or si le ferraillage de l’élément de structure n’est pas identique sur les deux faces, ce qui est courant, ou que l’effort normal est non nul, la fibre neutre n’est pas au centre de la section et cette valeur diffère donc suivant si l’on regarde la face supérieure (tendue en flexion négative) ou la face inférieure (tendue en flexion positive).

- Les seuils de plasticité 𝑀𝑦 dépendent également du ferraillage présent sur chaque face, et ne sont donc pas identiques en réalité suivant si la flexion est positive (aciers inférieurs atteignant leur limite élastique) ou si la flexion est négative (aciers supérieurs atteignant leur limite élastique)

- De même que les seuils, la variable d’endommagement 𝐷 représente l’initiation d’une fissuration à partir de l’une ou l’autre face suivant le signe du moment. Or ces fissures ont une existence indépendante, du moins tant que la section n’est pas entièrement fissurée : l’ouverture d’une fissure en face inférieure en flexion positive par exemple n’implique en aucun cas l’ouverture d’une fissure identique sur l’autre face. Si le moment de flexion change de signe, la fissure ouverte en face inférieure se refermera et la section devrait retrouver sa rigidité, la zone précédemment fissurée en face inférieure étant cette fois sollicitée en compression.

Figure 2.33 – Schéma montrant l’ouverture d’une fissure en flexion positive dans le plancher (à gauche) puis sa refermeture et l’ouverture d’une seconde fissure en flexion négative (à droite)

Il paraît donc indispensable d’avoir des paramètres différents définissant les seuils d’endommagement et de plasticité dans le cas de la flexion positive ou négative. Il paraît également nécessaire d’avoir deux variables d’endommagement distinctes, l’une représentant la fissuration à partir de la face inférieure en flexion positive, n’affectant pas la rigidité lorsque la flexion sera négative, et l’autre à partir de la face supérieure en flexion négative, n’affectant pas la rigidité lorsque la flexion sera positive. Ainsi la restauration de rigidité souhaitable au changement de signe du moment sera naturellement assurée.

On reprendra donc le modèle proposé ci-dessus au paragraphe suivant en intégrant cette fois-ci à la fois des paramètres et des variables internes ainsi qu’une expression des fonctions seuil différentes selon le signe du moment de flexion.

Remarque : Bien que l’application en soit ici différente, puisqu’il s’agit d’un macro-modèle en flexion à 1DDL et non d’une loi de comportement de matériau, les variables d’endommagement et lois d’évolutions retenues s’inspirent des propositions de (Mazars, et al., 2014).